L’élection présidentielle de 2027 préoccupe déjà les dirigeants de l’UDB. Ils se voient participer à une « primaire de la gauche ». C’est plus facile de délayer cette question essentiellement parisienne que d’augmenter le nombre de maires membres de l’UDB.
Question d’actualité : si le Rassemblement national n’existait pas, de quoi parlerait la gauche ? Lors de la fête de l’Huma Bretagne à Lanester, un débat portait autour d’une « alternative à gauche face à l’extrême droite ». Quelques vedettes de la gauche bretonne ont essayé de répondre à cette grande question. Ainsi Damien Girard (Les Ecologistes), député de Lorient, a pu développer une idée originale : « Aux municipales, organisons des territoires de protection et de résistance. Parce que le RN s’implante partout. ». « Et parlons à ceux qui votent déjà RN, parlons de notre projet à gauche », ajoute Gaël Briand (UDB), conseiller régional (Dimanche Ouest-France, Morbihan, 30 novembre 2025). Le RN qui « s’implante partout », ça fait rigoler ; il suffit de se souvenir que les grandes villes (Brest, Nantes, Rennes, Saint-Nazaire) sont la chasse gardée de la gauche – à direction socialiste. En mars 2026, François Cuillandre, Johanna Rolland, Nathalie Appéré et David Samzun l’emporteront ; on pourrait parler de miracle si les listes RN parvenaient à se qualifier pour le second tour et à obtenir une poignée de conseillers municipaux. Ensuite on voit mal les électeurs appartenant aux classes populaires (ouvriers, employés, petits patrons) se convertir au « projet à gauche » de l’UDB.
Les communes rurales votent RN
Certes, les élections européennes et législatives ont montré une poussée du RN en Bretagne – principalement en Bretagne intérieure, à l’écart des métropoles – réservées à la gauche – et des communes du littoral – réservées à la droite. C’est ce qu’explique Romain Pasquier, titulaire de la chaire Territoires et mutations de l’action publique à Sciences Po Rennes : « Il y a une poussée dans les communes rurales, notamment dans tout le Morbihan oriental et dans une ligne qui part du Trégor vers le Finistère sud en passant par le Centre Bretagne » (Ouest-France, Bretagne, vendredi 28 novembre 2025). La même poussée a été observée dans le Pays de Redon – dans le nord de la circonscription de Sandrine Josso (MoDem), députée de Guérande, alors que le sud (La Baule) vote à droite ou centriste. Un autre signe montre que des choses bougent : il y avait près de 1 500 personnes pour la dédicace de Jordan Bardella à Saint-Malo.
Cela dit, en cherchant à faire peur, les leaders de la gauche veulent provoquer un réflexe d’union chez leurs clients. Le 20 novembre, on a pu le vérifier lorsque Nathalie Appéré (PS), maire sortante, a présenté sa large coalition « de Ruffin à Glucksmann » ; elle n’a pas jugé utile d’évoquer les dossiers locaux mais plutôt d’insister sur le point central de son action : « la gauche rennaise montre l’exemple et envoie « un message de résistance face à la vague brune qui pourrait tout emporter en 2027. Nous avons en commun de penser que la solidarité, la justice et l’entraide ne sont pas des valeurs du passé », lance-t-elle. « Nous savons qu’il y a des vents contraires à l’idéal que nous portons ». Avant de promettre de lutter contre le RN « jusqu’à son dernier souffle ». On le comprend entre les lignes : les Rennais de gauche sont appelés à faire bloc avec elle pour « mener le combat ». Agiter le péril de l’extrême droite dans des municipales où le parti lepéniste n’a aucune chance de gagner prête à sourire. » (Le Mensuel de Rennes, décembre 2025) Fort justement, Nathalie Appéré considère que seule l’hostilité au Rassemblement national fédère les différents groupes et sous-groupes qui composent la gauche, alors que l’arrivée de Safran divise.
Guiscriff, Maël-Carhaix et Saint-Herblain
D’après Gael Briand, « la gauche regarde avec sidération l’inexorable montée du vote d’extrême droite ». Lors du récent congrès de Saint-Martin-des-Champs, les participants ont affirmé, « pour la présidentielle, que « face à la percée du Rassemblement national en Bretagne », l’UDB est prête à participer à une primaire de la gauche qui garantirait un véritable débat de fond » (Le Peuple breton, décembre 2025). Question « sidération », Briand ferait bien de s’intéresser à ce qui se mijote à Guiscriff et Maël-Carhaix : il paraît qu’une liste du RN est y en préparation pour les municipales (Le Poher, 3 décembre 2025). Plus loin, à Saint-Herblain, Jocelyn Gillet figurait sur la liste de Bertrand Affilé (PS) en 2020 ; il appartenait alors au Parti socialiste. En 2021, on le retrouve à La République en marche (macroniste). Aujourd’hui, suite à une démission, il devient conseiller municipal avec l’enseigne Rassemblement national… Ce personnage est « membre du bureau départemental du RN de la Loire-Atlantique depuis 2024, au sein duquel il est responsable de la 3e circonscription de Loire-Atlantique », explique un communiqué du RN (Presse Océan, vendredi 28 novembre 2025). Conclusion : si le RN s’enrichit en électeurs, il ne s’enrichit pas en cadres ; ce qui devrait réjouir Gael Briand !
Rassurons Gael Briand et ses copains : si « l’extrême droite prospère » (Le Peuple breton, décembre 2025), l’installation de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella – même si, aujourd’hui, les sondages portant sur les intentions de vote leur sont favorables – à l’Elysée en 2027 est loin d’être une réalité. A coup sûr, on assistera à une mobilisation générale de la gauche et des libéraux : le RN « ne pourra pas empêcher que l’entre-deux-tours de la présidentielle mobilise autour du “tout sauf le RN“ », souligne Bernard Sananès, président de l’institut d’études Elabe (La Tribune Dimanche, 30 novembre 2025). Au second tour, on verra les électeurs de gauche voter en bloc pour le candidat de la droite et du centre – par exemple Edouard Philippe. Lors des élections législatives de 2024, on a constaté que le “front républicain“ fonctionnait efficacement dans les circonscriptions bretonnes – au second tour, le report des voix s’effectuait facilement au profit du candidat de droite ou de gauche opposé à celui du RN ; il fallait faire “barrage“ pour empêcher Jordan Bardella d’entrer à Matignon. En 2027, on assistera au même réflexe anti-RN attisé, jour après jour, par les médias ; ils sauront créer une “ambiance“ anxiogène qui fera peur aux électeurs. Mais sait-on jamais ?
Bernard Morvan
Illustration : DR
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