Un document de référence, publié le 12 décembre 2025 par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), remet sur la table la proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté en France. Cette étude, qui compile arguments juridiques, éthiques et médicaux, éclaire les enjeux majeurs d’un débat dont l’issue pourrait transformer profondément la conception française de la fin de vie.
Elle examine les conséquences d’un changement de paradigme qui ferait basculer l’État d’un modèle centré sur les soins palliatifs vers une légalisation encadrée de l’acte de donner la mort ou d’y assister. À elle seule, cette bascule soulève des questions cruciales : quelle protection pour les plus vulnérables, quel rôle pour les médecins, et quelle vision de la dignité humaine dans un contexte de pression démographique et budgétaire ?
Une proposition de loi aux contours lourds de conséquences
Le dossier de Fondapol rappelle que le projet repose sur deux piliers : autoriser l’euthanasie et encadrer le suicide assisté. Concrètement, il instaurerait un droit individuel permettant à une personne souffrant d’une pathologie grave ou incurable de demander la mort administrée par un tiers ou de recevoir une aide active pour se donner la mort elle-même.
Ce changement juridique n’est pas anodin. Il imposerait une mutation du cadre existant, basé sur la loi Claeys-Leonetti, vers un système assumant explicitement l’acte létal. Pour les opposants, cette rupture ouvre la porte à un brouillage des frontières entre soin et suppression de la vie, avec le risque d’un glissement progressif vers une euthanasie administrative, dictée par des contraintes sociales, économiques ou familiales.
Une société vieillissante sous pression
Fondapol détaille un contexte démographique particulièrement sensible : vieillissement accru, explosion du nombre de pathologies chroniques, saturation des structures hospitalières. Dans ce cadre, la légalisation pose une question dérangeante : qui sera, demain, protégé du « choix » d’en finir ?
Sans ressources, sans proches, ou handicapé, restera-t-on libre ? Ou poussé ? L’étude évoque ce risque indirect, en particulier dans un pays où les soins palliatifs demeurent insuffisamment financés et inégalement accessibles.
Le débat n’est donc pas seulement philosophique : il est social et financier. Car l’abandon du modèle actuel pourrait profiter à un système déjà tenté par le rationnement.
Le rôle du médecin : soigner ou supprimer ?
Le dossier met en lumière le dilemme éthique majeur : transformer le médecin en intervenant possible dans l’acte de donner la mort. Cette évolution suscite une fracture dans le corps médical.
Certaines voix y voient un droit nouveau pour les patients ; d’autres alertent sur un brouillage dangereux du serment d’Hippocrate. La légalisation impliquerait également une clause de conscience, le risque de pressions sur le personnel et l’ouverture d’un marché du suicide assisté, déjà observé dans d’autres pays.
Une question de dignité… ou de renoncement collectif ?
Fondapol met en avant l’argument récurrent de la « dignité », mais relève qu’il repose sur une vision subjective. La dignité peut-elle être réduite à la seule maîtrise de sa propre mort ? Ou se mesure-t-elle à la manière dont une société prend soin de ceux qui ne peuvent plus se défendre eux-mêmes ?
Ce débat n’a rien d’abstrait : il engage le modèle français de solidarité. Il interroge aussi l’autorité morale de l’État, qui pourrait devenir juge du moment où l’existence cesse d’avoir un sens.
En s’appuyant sur ce dossier de Fondapol, une chose apparaît clairement : la légalisation de l’euthanasie ne peut être réduite à un slogan humaniste. C’est un bouleversement juridique, éthique et anthropologique.
Il ne s’agit pas seulement de répondre à des drames individuels, mais d’évaluer les effets collectifs d’une loi qui pourrait — demain — glisser de l’exception au réflexe.
On peut légitimement s’interroger : la France veut-elle consacrer plus d’argent aux soins palliatifs et à l’accompagnement, ou préfère-t-elle ouvrir la voie à une solution radicale, plus rapide et moins coûteuse ?
Le débat reste ouvert. Mais il mérite une vigilance extrême.
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