Un autre regard sur le conflit ukrainien (L’Agora)

Vouloir isoler le conflit ukrainien du reste du monde est trompeur, surtout lorsque la planète est le théâtre du bouleversement  actuel qui remise dans les classeurs de l’Histoire la plupart de nos conceptions en matière de géopolitique.

La seule chose qui ne change pas dans l’histoire, c’est la géographie !

On prête cette phrase à Bonaparte. Elle est toujours d’actualité. Trop souvent, on néglige de faire  cette approche qui est pourtant essentielle pour la compréhension des choses. En 1904, un géographe anglais enseignant à Oxford, Halford John Mackinder, proposait une vision originale de la planète qui différait des représentations classiques d’un planisphère centré sur l’Europe. Il fallait regarder la Terre depuis la verticale du pôle nord, ce qui faisait apparaître tout l’hémisphère nord. L’Asie , l’Europe et la partie nord de l’Afrique formaient un bloc continental soudé qu’il désignait comme « l’île du monde ». C’était le point de départ de sa théorie dite « du Heartland » qui allait servir de base à la géopolitique mondiale pour le 20ème siècle. Elle peut se résumer en une simple phrase :« qui contrôle le Heartland contrôle le monde ».

Zbignew Brzezinski l’a repris dans « Le grand échiquier » paru en 1997 et complétée par une ligne d’action qui devait pérenniser la domination des États-Unis devenus l’unique « hyperpuissance » en 1991 après l’effondrement de l’URSS. Un article de Jean Claude Allard publié par l’IRIS en novembre 2024 décrit parfaitement cette stratégie qui consistait à utiliser l’Ukraine comme une sorte de bélier destiné à fracasser la Russie post-soviétique. Il écrit notamment : « Commence la période des « révolutions de couleur », des projets d’élargissement de l’OTAN vers l’est et des interventions dans le monde au nom du « devoir d’ingérence », dans lesquelles les États-Unis jouent souvent un rôle en coulisse.
Les États-Unis ont donc mis en œuvre la stratégie proposée par Brzezinski pour contenir la Russie, selon toutes les lignes d’action proposées, jusqu’à la manière forte via l’Ukraine afin de voir « la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine ». Mais avec certainement un manque de prudence et de doigté dans la mise en œuvre. »

Un échec magistral

Cette stratégie comportait néanmoins un risque qui semble avoir été très sous-estimé que Brzezinski avait pourtant pris en compte, celui de voir la Russie tourner le dos à l’occident et se rapprocher de la Chine. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Les sanctions économiques qui devaient « mettre à genoux » l’économie russe avaient avaient été anticipées par la Russie qui avait agi en sorte d’en minimiser les effets. Sa production de pétrole et de gaz a été réorientée vers l’Asie, notamment la Chine et l’Inde et surtout, les paiements ne se sont plus effectués en dollars. Depuis 1971, le système du « Gold exchange standard » avait laissé la place au « dollar exchange standard », ce qui équivalait à faire du dollar l’étalon de toutes les autres monnaies. En d’autres termes, le dollar allait s’imposer au monde entier et devenir la seule monnaie fiduciaire « internationale » après l’abandon de sa convertibilité en or en août 1971.

Le fait de ne plus l’utiliser comme monnaie pour les échanges internationaux, s’il se généralisait, pouvait porter un dollar un coup fatal et c’est exactement ce qui est en train d’arriver. Cette guerre en Ukraine a également montré que le monde était en train de se séparer entre ceux qui voulaient conserver la domination occidentale et ceux qui voulaient s’en affranchir. Le premier à l’avoir évoqué était probablement Vladimir Poutine en 2007 à Munich. Il s’inspirait visiblement des paroles de Kennedy de 1963 : « Tout en défendant nos propres intérêts vitaux, les puissances nucléaires doivent éviter les affrontements qui amènent un adversaire à choisir entre une retraite humiliante ou une guerre nucléaire. Adopter ce genre de cap à l’ère nucléaire ne serait que la preuve de la faillite de notre politique – ou d’un désir de mort collectif pour le monde. »

Dans ce discours, Poutine met en garde les dirigeants occidentaux et leur conception du monde : « Qu’est ce qu’un monde unipolaire ? C’est un seul centre de pouvoir, un seul centre de force, un seul centre de décision. C’est le monde d’un unique maître, d’un unique souverain. Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. »
Naturellement, les dirigeants américains de l’époque n’ont pas pris au sérieux les propos de Poutine. Il y eut quelques personnalités plus éclairées, telles que Jeffrey Sachs, qui tentèrent de faire entendre, sans succès, la voix de la raison.

Trump a compris et prend en compte la réalité

Le premier mandat de Trump n’a pas permis d’infléchir la politique étrangère américaine qui traduisait l’hégémonie américaine et la domination mondiale des États-Unis. La guerre russo-ukrainienne débuta en 2022, et avec elle le partage du monde connut une accélération importante.
L’occident découvrit alors que la Russie non seulement n’était pas seule, mais qu’elle était soutenue par les trois quarts de l’Humanité.
En 2025, Donald Trump revint à la Maison Blanche avec la conviction que le monde multipolaire était devenu une réalité et qu’il fallait faire avec. Le reste de l’occident, essentiellement les dirigeants européens, ne voulaient pas en entendre parler. Comme ils s’étaient engagés du coté de l’Ukraine, la défaite de celle-ci signifiait la leur et allait entraîner la dislocation de l’Union Européenne qui leur serait imputée. Ils ont décidé de mettre tout en œuvre pour tenter d’éviter ce qui était pour eux une catastrophe et il semble bien qu’ils aillent vers un échec.
Ils sont isolés aujourd’hui car l’Amérique de Donald Trump n’est plus celle qu’ils connaissaient.
Trump joue aujourd’hui la carte du monde multipolaire et il entend faire de la nation américaine la première du monde. Ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes et un très récent rapport du FSOC(Financial Stability Oversight Council), qui est une véritable déclaration de guerre de l’administration Trump à la City sème la panique dans la finance mondialiste, dans l’OTAN et le MI6 (renseignement militaire anglais)
Voici ce que dit Brigitte Bouzonnie sur le contenu de ce rapport : 
« Escalade ou diversion : pourquoi l’élite britannique craint la réforme économique. Depuis des siècles, l’Empire britannique – réinventé sous les appellations de « City de Londres », de « Davos » ou d’« ordre international fondé sur des règles » – a maintenu sa puissance mondiale non seulement par la guerre, mais aussi en façonnant les économies à son avantage.

Les menaces actuelles proférées à propos de l’Ukraine, avec des généraux avertissant les familles britanniques de se préparer à la guerre et des responsables du MI6 dénonçant la « menace » russe, dépassent le simple cadre de la posture géopolitique. Il s’agit d’une réaction défensive face à une perte de contrôle financier.

Changements stratégiques dans la politique américaine. Deux documents majeurs ont récemment fait leur apparition au sein du gouvernement américain : la nouvelle stratégie de sécurité nationale et le rapport 2025 du FSOC. Tous deux marquent une rupture assumée avec les « principes impériaux » et les modèles transatlantiques et mondialistes. Ils réaffirment au contraire l’engagement envers la souveraineté américaine, une économie axée sur le bien-être des citoyens et la croissance nationale.

La stratégie de sécurité nationale affirme que ce sont les nations souveraines, et non les institutions financières transnationales, qui doivent dicter la politique. Le rapport du FSOC proclame que la population et la croissance économique doivent primer sur les entités financières et l’ancienne économie de spéculation. Ensemble, ces documents définissent une nouvelle approche américaine : l’ère de la priorité accordée aux financiers est révolue.

Un combat désespéré

Nous sommes à des années lumières d’un simple conflit frontalier. Le véritable enjeu de la guerre menée par Donald Trump à l’État profond supranational (Wall Street, la City et Davos) -quelques fois appelé « l’ordre international basé sur des règles- surplombe tous les autres conflits et il menace directement l’ordre financier mondial.
On comprend mieux pourquoi ce dernier pourrait aller jusqu’à risquer un conflit avec la puissance nucléaire qu’est la Russie pour garder le pouvoir qu’il détient et accélérer son projet de monde monopolaire doté d’un gouvernement mondial dirigé par les banquiers.

Jean Goychman

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité

LES DERNIERS ARTICLES

Immigration, International, Politique

Immigration : un tournant majeur en Europe autour des expulsions des étrangers illégaux

Politique

Digital Services Act : Virginie Joron (RN) dénonce une dérive liberticide et un bras de fer transatlantique

Sociétal

Libération – Quand la censure traque les mots et tolère le sang

Economie

À Ploufragan, les jeunes talents bretons entrent en lice pour décrocher le titre du meilleur croissant au beurre d’Isigny AOP

BREST, E brezhoneg, Local, Sociétal, Société

Hag ho po un tamm propaganda ouzhpenn ?

Culture & Patrimoine, Patrimoine

A la découverte des Saints Bretons. Le 22 décembre, c’est la saint Deved

A La Une, International

Patrick Daniška (Institut pour les droits humains et la politique familiale) : « L’Islam n’est pas compatible avec la civilisation occidentale » [Interview]

Gastronomie, Le Mag'

Foie gras et vin, un accord sans le sucre est possible !

Education, Sociétal

Bretagne : le nombre d’écoliers au plus bas depuis 25 ans, l’enseignement professionnel et privé en plein bouleversement

Santé

Engourdissement des mains : un signe à ne pas négliger pour les personnes diabétiques

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

International

Que veut Vladimir Poutine ? par J.L. Basle

Découvrir l'article

International

L’Ukraine ou l’agonie du néoconservatisme

Découvrir l'article

International

Ukraine : un jeu de go

Découvrir l'article

International

Guerres, crises… Qui est responsable du désordre mondial ?

Découvrir l'article

Tribune libre

Russie, Ukraine, Guerre mondiale ? Nos dirigeants savent-ils que nous ne sommes pas dans Call of Duty ? [L’Agora]

Découvrir l'article

A La Une, International

Ukraine. Ce conflit apparent qui cache le vrai

Découvrir l'article

Vu ailleurs

Ukraine : qui sont les véritables « Munichois » ? par Caroline Galacteros

Découvrir l'article

Tribune libre

Et si l’objectif russe n’était pas de vaincre l’Ukraine, mais de vaincre l’Occident ? [L’Agora]

Découvrir l'article

International, Vu ailleurs

Tribune libre. Quelques réflexions difficiles sur l’Après-Ukraine, par Graham Fuller

Découvrir l'article

Tribune libre

La Russie a juridiquement tort, mais peut-être historiquement raison [l’Agora]

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.