Dragoș Moldoveanu (AUR-Roumanie) : « L’Europe au bord du gouffre : Nous vivons une crise civilisationnelle sans précédent » [Interview]

Le politologue roumain Dragoș Moldoveanu, conseiller du parti AUR et figure montante du conservatisme d’Europe de l’Est, livre un constat sans détour : l’Europe traverse non pas une crise passagère, mais une décomposition civilisationnelle. Témoins de quartiers transformés, d’insécurité grandissante et d’une perte assumée d’identité, les Européens découvrent une réalité qu’ils croyaient réservée à d’autres continents. Traducteur de Paul Gottfried, auteur et penseur engagé, Moldoveanu défend une vision d’une Europe des nations, souveraine et enracinée, face à une Union européenne qu’il juge dérivée vers un constructivisme globaliste.

Dans cet entretien, il analyse la montée des mouvements souverainistes, la critique du modèle technocratique bruxellois, le rôle politique du numérique, l’illusion d’une immigration réparatrice, ainsi que les raisons pour lesquelles la Roumanie reste l’un des derniers bastions de résistance culturelle et religieuse du continent.

 Breizh-info.com : Monsieur Moldoveanu, vous êtes à la fois analyste politique et porte-parole du mouvement national-conservateur roumain. Quelle expérience personnelle vous a convaincu que l’Europe est confrontée non seulement à une crise politique, mais aussi à une crise civilisationnelle ?

Dragoș Moldoveanu : Ce qui est effrayant aujourd’hui, c’est que l’Europe, ou du moins sa partie occidentale, ne ressemble plus à l’Europe de nos parents et grands-parents. Il existe des quartiers entiers dans les grandes villes occidentales où non seulement il ne reste aucune trace de la beauté passée, mais où les gens ont peur de se rendre au marché de Noël de crainte d’être poignardés ou renversés par une voiture surgissant de nulle part. C’est une situation sans précédent. Et je pense que, dans une plus ou moins grande mesure, c’est l’expérience personnelle de chacun d’entre nous, car nous voyons tous que cela se produit. Il s’agit d’une crise très profonde, véritablement civilisationnelle, dont l’évolution déterminera le retour à la normale ou la fin même de notre civilisation.

Breizh-info.com : Vous avez traduit l’œuvre de Paul Gottfried en roumain. Comment sa critique de la modernité libérale a-t-elle façonné votre propre compréhension des luttes identitaires en Europe ?

Dragoș Moldoveanu : En effet, il y a plusieurs années, j’ai eu le privilège et le plaisir de traduire en roumain un ouvrage de l’un des théoriciens les plus renommés du conservatisme, le professeur américain Paul Gottfried. La droite américaine d’après-guerre a une histoire mouvementée, pleine de contradictions et de frictions, mais en même temps très fascinante et riche en enseignements, dont le conservatisme européen actuel a beaucoup à apprendre. Notre lutte actuelle pour l’identité et la souveraineté s’inscrit dans la continuité de l’anticommunisme et de la lutte pour la liberté d’il y a plusieurs décennies.

 Breizh-info.com : En tant que membre du conseil d’administration de l’Institut conservateur « Mihai Eminescu », vous soulignez l’importance de la souveraineté nationale au sein de l’Europe. À quoi ressemble concrètement une véritable « Europe des nations » ?

Dragoș Moldoveanu : L’Europe des nations est, en fait, l’Europe de la liberté. Bruxelles – et je fais bien sûr référence aux architectes de l’ordre fédéraliste – cherche à tout prix à nous fondre dans cette lave du conformisme mondialiste, dans laquelle l’identité et la fierté nationales ne jouent plus aucun rôle car, selon eux, elles représentent quelque chose d’anachronique, quelque chose qui appartient à un passé qui les répugne. Pour l’Europe des nations que nous, conservateurs et souverainistes, voulons voir se réaliser, il est absolument nécessaire que le projet européen revienne à ses origines, c’est-à-dire une Union de coopération économique, une Union dans laquelle les efforts en faveur de la démocratie et de la paix sont sincères. L’Union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui s’est catastrophiquement écartée de la direction envisagée par ses fondateurs.

 Breizh-info.com : Vous avez maintes fois averti que le projet de portefeuille numérique de l’UE représente une forme de « totalitarisme doux ». Où situez-vous la frontière entre une gouvernance numérique légitime et un système de contrôle de la population ?

Dragoș Moldoveanu : L’évolution de la technologie est naturelle, mais ce qui se passe aujourd’hui est en fait la mise en œuvre d’un plan de surveillance et de contrôle des populations à l’aide de divers outils, dont ce « portefeuille numérique ». En l’acceptant, nous abandonnons un peu de notre liberté et de notre souveraineté à une tyrannie qui veut connaître chacun de nos pas, chacune de nos pensées et chacun de nos sentiments. C’est exactement le modèle chinois que les forces mondialistes veulent mettre en œuvre, même si leur propagande prétend le contraire. Qu’il n’y ait pas de malentendu : notre résistance à la dictature numérique ne signifie pas que nous rejetons le développement, mais que nous nous opposons à certains outils autocratiques qui cherchent à transformer les citoyens en esclaves parfaits.

Avec Georges Simion, candidat à la présidentielle roumaine pour le parti AUR

 Breizh-info.com : L’AUR est désormais en tête des sondages nationaux en Roumanie. Comment expliquer cette ascension rapide : frustrations économiques, préoccupations identitaires, méfiance envers l’UE ou vide spirituel plus profond dans la société ?

Dragoș Moldoveanu : Il y a quelques semaines, le parti Alliance pour l’Union des Roumains a tenu un congrès, à l’issue duquel le président George Simion a été réélu à sa tête, aux côtés d’une équipe de 30 personnes qui s’efforceront de garantir que le parti atteigne ses objectifs et apporte le véritable changement que de plus en plus de Roumains souhaitent voir. Si les élections avaient lieu la semaine prochaine, l’AUR remporterait une victoire écrasante. Et il y a de nombreuses raisons à cela. On constate un mécontentement croissant à l’égard des mesures économiques et fiscales extrêmes prises par le gouvernement actuel, ainsi que de l’attitude méprisante de l’élite politique actuelle. Pour la plupart des Roumains, la classe politique est synonyme de corruption et de mépris pour les besoins des citoyens ordinaires. En outre, le niveau de soumission aux décisions prises dans certaines chancelleries européennes, qu’il s’agisse du soutien inconditionnel à la guerre, des mesures dites de solidarité dans le cadre du pacte sur les migrations et l’asile, ou des politiques d’austérité absurdes, est répugnant. Il y a quelques jours, l’AUR a lancé un manifeste intitulé « Opposition totale – opposition nationale », qui contient un plan de dix mesures et objectifs à atteindre afin de sauver l’identité nationale et la démocratie roumaines. Nous pensons que plus tôt les élections législatives anticipées auront lieu, plus la Roumanie se rapprochera de son renouveau.

 Breizh-info.com : De votre point de vue, pourquoi la Roumanie, traditionnellement religieuse et axée sur la famille, a-t-elle été si résistante aux programmes progressistes qui ont balayé l’Europe occidentale ?

Dragoș Moldoveanu : La réponse se trouve en grande partie dans la question que vous m’avez posée. Le peuple roumain a une belle tradition, profondément enracinée dans notre héritage chrétien, et croit que la famille naturelle est le fondement de toute société saine. Heureusement pour nous, la plupart de la société roumaine est immunisée contre les absurdités et les inepties woke, mais la résistance est plutôt silencieuse. Permettez-moi de vous donner un exemple récent : en Roumanie, le taux de vaccination contre la COVID-19 était parmi les plus bas de l’Union européenne. Le peuple roumain rejette profondément les dictatures, quelle que soit leur couleur.

 Breizh-info.com : Vous avez organisé et participé à des événements internationaux tels que MEGA à Bucarest, Bruxelles ou Dubrovnik, et vous avez parlé d’une « renaissance conservatrice européenne ». Pensez-vous que cet élan soit suffisamment fort pour modifier la politique de l’UE de l’intérieur ?

Dragoș Moldoveanu : Je pense que nous sommes à un moment clé de l’histoire, où les forces nationales et conservatrices ont le devoir d’arrêter la marche forcée vers l’autodestruction et de remettre les choses sur une voie saine et naturelle. C’est un moment charnière non seulement pour l’Europe, mais pour le monde entier. On assiste à un réveil des peuples, comme on n’en a jamais vu dans l’histoire. Les États-Unis, par l’intermédiaire du président Trump, ont certainement un rôle décisif à jouer. Certains disent que pour que le mal triomphe, il suffit que les forces représentant le bien ne fassent rien. La passivité crée des monstres. Oui, je crois que le réveil actuel de l’apathie est suffisamment fort pour vaincre les forces des ténèbres.

 Breizh-info.com : De nombreuses élites européennes insistent sur le fait que l’immigration massive est la seule solution au déclin démographique. Pourquoi affirmez-vous que cette approche sape la civilisation plutôt que de la préserver ?

Dragoș Moldoveanu : L’immigration incontrôlée est une porte ouverte sur l’Apocalypse, et non un moyen d’aider l’Europe à sortir de son hiver démographique. La question est simple : quelle contribution les migrants du tiers-monde, invités par Mme Merkel ou d’autres dirigeants soi-disant libéraux, ont-ils apportée au progrès, à la prospérité et à la sécurité des peuples européens ? Vivons-nous plus confortablement aujourd’hui qu’il y a 5 ou 10 ans ? Lorsque vous invitez à votre table quelqu’un qui vous fait du mal, lui offrez-vous également un lit pour dormir ?

 Breizh-info.com : Vos articles dénoncent souvent ce que vous appelez « l’agenda mondialiste ». Quelles en sont, selon vous, les manifestations les plus concrètes aujourd’hui ?

Dragoș Moldoveanu : Je parlais tout à l’heure de l’immigration massive et des « avantages » qu’elle a apportés, en particulier en Europe occidentale. C’est certainement l’une des manifestations les plus évidentes de l’agenda mondialiste qui, sous le couvert de la tolérance et de l’inclusion, cherche à anéantir les valeurs et les traditions des peuples européens. L’élite actuelle méprise les Européens. Les agriculteurs sont ridiculisés et laissés à la faillite, simplement parce qu’ils veulent des conditions normales pour exploiter leurs fermes. Un accord tel que celui conclu avec le Mercosur, extrêmement dangereux pour notre sécurité alimentaire, a été reporté parce que la pression sociale a atteint son paroxysme. Pour le programme mondialiste, l’intérêt national est une relique du passé ou une caractéristique de l’« extrême droite » (une étiquette inventée pour discréditer tout ce qui ne se conforme pas aux nouveaux « dogmes »). C’est dire à quel point ce programme mondialiste est manipulateur et destructeur.

 Breizh-info.com : Enfin, quel message adresseriez-vous aux jeunes Européens qui se sentent désorientés par la fragmentation culturelle et qui cherchent un sens à leur vie dans la tradition, la foi et l’identité nationale ?

Dragoș Moldoveanu : Le plus important est de croire fermement que cette folie ne durera pas indéfiniment, qu’un retour à la normale est possible et que la vérité prévaudra. Aucune bataille n’est facile à mener. Cependant, pour que notre civilisation ait un avenir, les jeunes ne doivent à aucun moment abandonner le combat, mais le mener avec plus de persévérance et de confiance. Avec l’aide de Dieu, la victoire appartiendra à ceux qui persévèrent.

Propos recueillis par YV

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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