Un débat sensible traverse aujourd’hui le camp conservateur américain. En toile de fond, la montée en visibilité d’un courant radical baptisé « Groyper », animé par le militant et influenceur Nick Fuentes, et les interrogations qu’il suscite au sein du Parti républicain, notamment parmi les jeunes générations.
Issu des marges d’internet dans les années 2010, le mouvement Groyper s’est structuré autour de communautés en ligne revendiquant une ligne idéologique radicale, marquée par des positions ouvertement racialistes et antisémites. Son nom provient d’une déclinaison du mème « Pepe the Frog », détourné dans des cercles extrémistes. Longtemps cantonné aux forums et réseaux sociaux, ce courant a progressivement cherché à peser sur la vie politique américaine.
Une stratégie de confrontation assumée
C’est à partir de 2019 que les Groypers ont attiré l’attention, lors des « Groyper Wars ». Leurs militants se rendaient en nombre aux événements organisés par des organisations conservatrices proches du courant Maga, notamment ceux de Turning Point USA, afin d’interpeller publiquement les intervenants jugés trop modérés. Donald Trump Jr. avait ainsi été chahuté lors d’une tournée promotionnelle.
Nick Fuentes, figure centrale du mouvement, s’est imposé comme un provocateur assumé. Il multiplie les déclarations polémiques, revendique un rejet des normes politiques traditionnelles et affirme disposer de soutiens « partout dans le gouvernement ». Banni de la plupart des grandes plateformes (YouTube, Facebook, Instagram, Spotify ou encore PayPal), il conserve une audience significative sur des réseaux alternatifs comme Rumble.
L’ampleur réelle de l’influence des Groypers fait débat. Certains observateurs avancent que jusqu’à 40 % des jeunes militants ou collaborateurs républicains de moins de 30 ans pourraient leur être favorables, une estimation invérifiable mais régulièrement citée à Washington. Pour les spécialistes de l’extrémisme, le phénomène ne tient pas tant à son poids électoral qu’à sa capacité de nuisance et de pression sur les responsables politiques, via des campagnes coordonnées de harcèlement en ligne.
Brian Levin, chercheur au Centre for the Study of Hate and Extremism, estime que Fuentes capte le ressentiment d’une partie de la jeunesse masculine conservatrice, tout en soulignant la dimension provocatrice et radicale de son discours.
JD Vance, figure clé malgré lui
Dans ce contexte, plusieurs analystes estiment que JD Vance pourrait jouer un rôle central. Vice-président des États-Unis et figure montante du camp conservateur, il est régulièrement présenté comme l’un des rares responsables capables de marginaliser durablement l’influence de Fuentes au sein du Parti républicain.
Paradoxalement, JD Vance est lui-même une cible récurrente des attaques des Groypers, qui s’en prennent notamment à son épouse, Usha Vance. S’il a déjà qualifié Fuentes de « total loser » et affirmé qu’il n’avait « aucune place dans le mouvement Maga », le vice-président s’est montré prudent, estimant parfois que l’ignorance restait la meilleure stratégie face à ces groupes.
Des prises de position contrastées chez les républicains
La gestion du phénomène divise. Le sénateur Ted Cruz a publiquement dénoncé toute complaisance envers des discours accusés de faire l’éloge d’Adolf Hitler, estimant que le silence équivalait à une forme de complicité. Des organisations pro-israéliennes ont également appelé à un rejet clair et sans ambiguïté de ces positions.
D’autres voix, plus stratégiques, estiment qu’une confrontation frontale offrirait à Fuentes la visibilité qu’il recherche. Certains conseillers républicains, sous couvert d’anonymat, soulignent que la capacité de nuisance du mouvement repose avant tout sur sa faculté à créer du chaos médiatique.
La récente invitation de Nick Fuentes dans des formats très exposés, notamment sur le podcast de Tucker Carlson ou dans l’émission de Piers Morgan, a relancé le débat. Pour certains, ces apparitions constituent une tentative de « normalisation » progressive, tandis que d’autres y voient un simple phénomène de curiosité médiatique.
Le président Donald Trump a défendu la liberté de Carlson d’inviter qui il souhaite, une position aussitôt saluée par Fuentes sur le réseau X, propriété d’X.
Pour des observateurs comme l’essayiste conservateur Rod Dreher, le courant Groyper représente une menace réelle mais encore contenue. Selon lui, JD Vance demeure le seul responsable capable d’endiguer cette dérive sans aliéner une partie de la jeunesse conservatrice en rupture avec le discours politique traditionnel.
Reste que la question de fond demeure : comment canaliser le malaise d’une fraction de l’électorat sans ouvrir la porte à des idéologies radicales ? Un dilemme stratégique auquel le camp Maga devra répondre à l’approche des prochaines échéances électorales.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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