Comme souvent dans le monde du vin, il faut attendre un événement médiatique pour jeter la lumière sur une révolution silencieuse qui était en marche depuis plusieurs décennies. Déjà à son époque, le jugement de Paris de 1976, entérinait l’ascension du « Nouveau Monde » en faisant vaciller le chardonnay d’un Meursault-Charmes face à l’opulence du chardonnay californien de Montelena.
Même avanie 3 ans plus tard, en 1979, à l’occasion d’une grande compétition organisée par Gault et Millau, cette fois il s’agissait d’un prestigieux pinot noir de la famille Drouhin qui trébuchait contre le pinot noir de David Lett d’Eyrie Vineyard de l’Oregon.
En vérité, ces grandes joutes ne faisaient que révéler au grand public un nouvel ordre qui était déjà connu des initiés du vin. Alors quand en novembre 2025, à l’International Wine Challenge, un magnum de blanc de blanc 2016 de Nyetimber, s’empare à la barbe des champagnes, du titre de meilleur vin effervescent au monde, l’étonnement n’est de mise que pour le grand public.
Car au fond, la longue montée en puissance des effervescents anglais est un phénomène connu depuis bien longtemps par les professionnels du vin, qui n’ont plus de doutes sur leur redoutable capacité à tailler des croupières au monopole champenois.
Porté sur les fonts baptismaux par la création de Nyetimber en 1988, l’industrie anglaise du vin effervescent s’est considérablement développée, bien qu’elle reste encore à une échelle modeste, en comparaison des 300 millions de cols de la production champenoise. Mais plus que la quantité, le « champagne anglais » a conquis une véritable crédibilité sur son marché domestique, qui par tradition, s’est toujours prosterné devant le champagne, une conquête qui a de quoi inquiéter les champenois pour leur avenir…

Au-delà de Nyetimber, pionnier du champagne anglais
La prestigieuse maison du West Sussex fondée en 1988 par un couple d’américains (les Moss) a dès le début, endossé le rôle de porte-drapeau de l’excellence anglaise en matière de vins effervescents. Malgré de multiples changements de propriétaires, la marque Nyetimber a continué pendant plus de 30 ans a truster les récompenses aux multiples concours internationaux. Elle fût une des premières maisons à garder ses vins millésimés prestigieux en cave pour mieux démontrer leur potentiel de vieillissement, comme à l’image du célèbre 1992 resté comme légendaire. Son statut d’ambassadeur du pétillant britannique, sera consacré par la reine Elisabeth qui décide de célébrer le jubilée de ses 50 années de mariage avec le prince Philip au Nyetimber.
Mais dans le sillage de Nyetimber, d’autres maisons du Hampshire et du Kent se sont créées pour répondre à la forte demande du marché britannique en vins effervescents. Dans ces comtés du sud de l’Angleterre, la craie est quasiment analogue à celle de la Champagne et le climat frais et humide affiche aussi de vraies similitudes.
De fait, Nyetimber est un peu la grande maison qui éclipse d’autres noms tout aussi prestigieux qui ont gagné leurs galons en termes de raffinement et de prix élevés. Dans ce jeune écosystème on y trouve des propriétés historiques dont la création est concomitante voire antérieure à celle de Nyetimber car ces propriétés vinifiaient des vins tranquilles comme Chapel Down.
Citons ainsi Ridgeview Wine Estate, Wiston Estate, Gusbourne, qui avec le temps se sont crédibilisés dans la production de vins effervescents de classe internationale. Ces jeunes maisons ont présenté pendant longtemps le lourd désavantage de manquer de vins de réserve pour leurs multi-millésimés, mais le temps passant, et grâce à une politique de conservation des vieux millésimes, elles peuvent désormais user comme en Champagne, du recours aux vins de réserve pour affiner leur style maison. À l’égal des maisons champenoises, les acteurs du pétillant anglais sont parvenus à développer une gamme très étendue de cuvées prestige et de cuvées millésimées, vendues à des prix élevés. Le signe que l’industrie du vin effervescent anglais est parvenue à atteindre une phase de maturité voire d’apogée.
Le rôle de la revue Decanter
C’est sans aucun doute le lobbying à peine déguisé de la revue anglaise pour leurs bulles nationales qui a accéléré la notoriété des pétillants anglais sur la scène internationale. À force de bancs d’essais et de notes dithyrambiques, les noms des grandes maisons anglaises n’ont pas tardé à intriguer bon nombre d’amateurs, en quête d’alternative aux dispendieux champagnes. Si l’on peut raisonnablement y voir une pointe chauvinisme dans cette mise en lumière systématique. L’objectivité et la qualité des notes attribuées par la revue Decanter ne sauraient pour autant être contestées. La revue est en effet connue pour le sérieux de ses notations à travers la collégialité de ses dégustations. D’ailleurs le marché en juge suprême ne s’y est trompé, avec un renchérissement spectaculaire des prix constatés sur l’ensemble de la production anglaise qui affiche désormais des prix similaires aux champagnes !
Où acheter ces pétillants ?
À défaut de pouvoir les trouver chez des cavistes, hormis des caves spécialisées dans les vins du monde ou dans des épiceries chics anglaises, vous pouvez commander ces pétillants sur des sites dédiés aux vins internationaux. Celui des Voyageurs du vin compte parmi les sites les plus fournis en pétillants anglais, mais attention aux prix, pas forcément très compétitifs, les sites Vinissimus et Vinatis peuvent aussi avoir quelques belles propositions en la matière.
Bon réveillon à l’heure anglaise !
Raphno
Illustrations : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine..