TVA des auto-entrepreneurs : le gouvernement suspend une réforme explosive, les artisans du bâtiment toujours en embuscade

Contestée par une large partie des indépendants et des parlementaires, la réforme visant à abaisser le seuil d’exemption de TVA à 25 000 euros est reportée à l’automne 2025. Le secteur du bâtiment, lui, continue de dénoncer une concurrence déloyale.

Le gouvernement temporise. Alors qu’elle devait entrer en vigueur le 1er mars 2025, la réforme sur la TVA des auto-entrepreneurs, qui prévoyait un abaissement du seuil d’exemption à 25 000 euros de chiffre d’affaires, est officiellement suspendue jusqu’à l’examen du budget 2026. L’annonce, faite par le ministre de l’Économie Éric Lombard, sonne comme une victoire pour les petits indépendants… mais aussi comme une trêve fragile dans une bataille politique et économique plus large.

Une réforme rejetée en bloc par les microentrepreneurs

La mesure, intégrée dans le budget 2025, devait ramener à 25 000 euros le seuil de chiffre d’affaires en dessous duquel les auto-entrepreneurs ne sont pas assujettis à la TVA, contre 37 500 euros pour les services et 85 000 euros pour le commerce actuellement. Un changement radical qui aurait touché de plein fouet des centaines de milliers de professionnels.

Rapidement, une fronde s’est organisée. Le SDI (Syndicat des indépendants) a tiré la sonnette d’alarme dès octobre 2024, dénonçant une réforme brutale menaçant la viabilité économique des microentreprises, notamment dans les zones rurales. Leur mobilisation, soutenue par une large palette de parlementaires de tous bords – du PS à LR en passant par LFI – a fini par faire reculer Bercy.

Un compromis introuvable entre indépendants et artisans du BTP

Mais si la réforme suscite un rejet unanime du côté des auto-entrepreneurs, elle trouve des partisans discrets mais influents dans les rangs des artisans du bâtiment. Ceux-ci dénoncent depuis plus de quinze ans une concurrence qu’ils jugent « déloyale » de la part des microentreprises, qui échappent à la TVA, contrairement aux structures classiques. Pour Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, « cela fait seize ans que ces microentreprises exercent une concurrence déloyale sur les entreprises qui font le même métier ».

Dans une tentative de compromis, le ministère de l’Économie avait envisagé un système différencié : maintien du seuil actuel pour la majorité des secteurs, mais abaissement à 25 000 euros pour le seul secteur du bâtiment. Cette solution n’a pas convaincu l’Assemblée nationale : qualifiée de « cavalier législatif » par l’administration, elle n’a même pas été examinée dans le cadre du projet de loi sur la simplification économique.

Un débat reporté, mais non éteint

Le sujet reste sur la table. La ministre des PME Véronique Louwagie réunira les parlementaires le 6 mai pour poursuivre les concertations. Objectif : tenter de dégager une position équilibrée avant le projet de loi de finances 2026, où la réforme pourrait revenir dans une version amendée.

Pour le SDI, le temps gagné doit permettre d’aboutir à une solution équitable. Marc Sanchez, son secrétaire général, propose que seul le secteur du bâtiment voie son seuil abaissé, tandis que les autres secteurs conserveraient l’exonération actuelle. Une position pragmatique, mais encore loin de faire consensus.

Derrière cette bataille technique, c’est la philosophie même du régime de la microentreprise qui est en jeu. Créé pour encourager l’entrepreneuriat individuel, notamment chez les jeunes et les personnes en reconversion, il risque d’être affaibli si les seuils sont trop bas, rendant l’activité non rentable dès les premières années. En parallèle, la pression budgétaire pousse le gouvernement à chercher des économies : 400 millions d’euros étaient attendus de la réforme, mais ce chiffre pourrait tomber à 150 millions du fait de son report.

En suspendant la réforme, le gouvernement évite une crise ouverte avec une partie de l’électorat actif le plus fragile. Mais la question n’est pas réglée. À l’automne, lors du débat budgétaire, il lui faudra trancher entre deux mondes : celui des petits indépendants en quête de simplicité, et celui des artisans établis qui réclament des règles identiques pour tous. La prochaine bataille est déjà en préparation.

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