Un nouveau rapport universitaire soulève les enjeux économiques d’une possible réunification irlandaise, entre déficit initial et pari sur la convergence économique à long terme.
Selon une étude conjointe menée par des chercheurs des universités de Dublin (DCU) et d’Ulster (UU), l’unification de l’Irlande coûterait environ 3 milliards d’euros (2,6 milliards de livres sterling) dès la première année à la République d’Irlande. Ce montant correspond principalement au « subventionnement » actuel de l’Irlande du Nord par le Royaume-Uni, qui serait transféré à Dublin en cas d’unité politique.
Toutefois, les auteurs du rapport estiment que l’Irlande du Nord pourrait atteindre l’équilibre budgétaire dès la cinquième année suivant une éventuelle réunification. À l’horizon de dix ans, le territoire pourrait même dégager un excédent budgétaire de 5,5 milliards d’euros par an si l’économie nord-irlandaise connaît une croissance similaire à celle des pays d’Europe de l’Est après leur adhésion à l’Union européenne.
Mais cette perspective repose sur des hypothèses ambitieuses. Le rapport recommande ainsi un investissement supplémentaire d’au moins 1 milliard d’euros par an pendant dix ans pour aligner les services publics nord-irlandais sur les standards de la République, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’infrastructure et des prestations sociales.
Le coût de l’égalisation des salaires du secteur public atteindrait à lui seul 152 millions d’euros par an pendant quinze ans, tandis que l’harmonisation des retraites publiques représenterait 115 millions d’euros annuels sur une période de quarante ans.
L’étude se veut plus mesurée que les précédentes estimations du coût d’une réunification, qui évoquaient une facture de 10 à 14 milliards de livres sterling. En analysant plus en détail les postes budgétaires (pensions, dettes, dépenses militaires, fiscalité), les chercheurs ramènent ce coût initial à 1,5 milliard de livres. Un montant qu’ils jugent supportable à condition que des politiques actives de croissance et de convergence soient mises en œuvre.
Le professeur John Doyle (DCU) défend l’idée que l’Irlande du Nord, avec les mêmes politiques d’investissement et d’éducation que le sud, pourrait combler progressivement son retard économique. Aujourd’hui, les salaires du secteur public sont en moyenne 48 % plus élevés en République qu’en Irlande du Nord, un écart qui concerne près d’un tiers de la population active nord-irlandaise.
Dr Eoin Magennis (Ulster University) souligne, de son côté, l’enjeu stratégique d’un changement de trajectoire économique pour l’Irlande du Nord : non seulement pour réduire le déficit public, mais aussi pour créer des emplois de meilleure qualité et améliorer la productivité.
Reste que la question de la réunification demeure éminemment politique. Si le rapport se veut une contribution chiffrée au débat, il ne dit rien des résistances identitaires, culturelles et institutionnelles qui compliquent toute perspective d’unité. Une chose est sûre : même dans une logique purement économique, le chemin vers une Irlande unie s’annonce long, incertain… et coûteux.
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