De Brest aux Monts d’Arrée, de Douarnenez à Rennes, un nombre croissant de Bretons tournent le dos à la vie politique. Non par désintérêt pour la société, pour la vie de la cité, mais par rejet profond des élites et des institutions. Entre colère, lassitude et recentrage sur la vie concrète, six personnes racontent ce divorce, à quelques mois des élections municipales.
La pluie s’abat sur le port de Douarnenez. Au loin, des goélands crient au-dessus des coques échouées. À quelques pas, dans un café discret, Jean-Yves sirote son café noir. « Les politiques ? Ils n’ont jamais mis un pied ici. » De cette phrase sèche, il résume ce que nous avons entendu tout au long de ces quelques témoignages recueillis à travers la Bretagne : un désamour qui n’est pas seulement un désintérêt, mais une rupture nette, assumée, avec la vie politique nationale.
Dans les campagnes comme dans les villes, des voix se lèvent, non pour demander plus de débats, mais pour affirmer qu’elles vivent désormais sans. Sans les urnes, sans les élus, sans les grands discours. Pas sans la société, au contraire : ces Bretons disent la reconstruire entre eux, par des réseaux locaux, des solidarités concrètes, loin du bruit médiatique.
« Je préfère élever mes enfants que voter pour des gens qui me méprisent »
Rozenn, 38 ans, Plouguernével, mère au foyer et maraîchère bio
Rozenn nous reçoit sous un hangar ouvert, où sèchent les bottes de poireaux. Trois enfants jouent plus loin, à l’abri de la pluie.
« Avant, j’y croyais encore un peu. Même voter blanc, c’était un geste. Mais depuis dix ans, c’est fini. On nous parle de grandes causes mondiales, mais ici on a perdu notre médecin, on a une poste qui n’ouvre plus que deux matinées par semaine, et les routes sont pleines de nids-de-poule. Quand ils viennent en campagne, c’est pour serrer des mains à la fête du cochon et repartir avec des photos. »
Elle coupe court à la télévision depuis longtemps. « Les débats, c’est comme du théâtre, ils se parlent entre eux. Moi, je préfère cultiver mes légumes, élever mes enfants et transmettre des choses concrètes. Les décisions qui comptent, je les prends ici, pas dans un isoloir. »
« Je ne regarde plus la télé depuis 2018 »
Jean-Yves, 62 ans, retraité de la pêche, Douarnenez
Les mains épaisses de Jean-Yves racontent quarante ans de mer. Il a connu les campagnes de pêche harassantes, les tempêtes, et les promesses creuses des ministres de passage.
« Les politiques ? Ils n’ont jamais mis un pied ici. Enfin si,, ils sont venus sur le quai, ont parlé de sauver la pêche… et aujourd’hui, on n’a plus que quelques bateaux. Les règles changent tout le temps, les aides arrivent trop tard. Alors j’ai décroché. La télé, j’ai arrêté en 2018 : trop de disputes inutiles, trop d’experts de salon. »
Avec d’autres anciens marins, il entretient un réseau d’entraide : coups de main pour réparer un moteur, prêter un filet, conseiller les jeunes. « C’est notre politique à nous. Pas besoin de costumes-cravates. »
« Ils ne parlent jamais de notre insécurité »
Nadia, 44 ans, aide-soignante, Brest, quartier Bellevue
Nadia rentre d’une nuit de garde. Elle traverse des halls où l’odeur du shit se mélange à celle de l’humidité et de l’insalubrité. « On parle de tout à la télé, sauf de ce que je vis en rentrant du travail. Les voitures brûlées, les deals sous mes fenêtres, la peur de croiser les mauvais types à la mauvaise heure. » Elle a arrêté de voter il y a cinq ans. « Ce n’est pas que je m’en fiche, c’est que je sais que ça ne changera rien. On me parle de quotas, de conférences internationales, mais moi, c’est la sécurité de mes enfants qui compte. Alors j’apprends à me protéger, à me débrouiller avec mes voisins. »
« Je fais de la politique tous les jours, mais pas avec eux »
Gwena, 50 ans, éleveur laitier, Montauban-de-Bretagne
Sous la pluie, Gwenaël vérifie l’état des clôtures. Il rit jaune en évoquant les normes agricoles. « Chaque année, une nouvelle règle. On nous empêche d’investir, on nous taxe, et derrière, ils s’insultent à l’Assemblée. » Pour lui, la politique se joue à l’échelle humaine : dépanner un voisin, organiser un repas de ferme, défendre la coopérative locale. « Les décisions de Paris, c’est comme la météo : on subit. Alors je mets mon énergie ici. »
« Les partis politiques, c’est comme les clubs de foot : on supporte l’équipe, pas les joueurs »
Manon, 27 ans, graphiste freelance, Rennes
Dans son petit deux-pièces de Cleunay, Manon dessine des visuels pour des associations. « J’ai voté en 2017, pleine d’espoir. Et puis j’ai vu comment ça se passait : les promesses oubliées, les accords contre nature. Alors j’ai rendu mon maillot, comme on arrête de supporter un club qui ne respecte plus ses supporters. » Elle s’investit désormais dans des projets créatifs locaux. « Je ne me sens pas moins citoyenne. Mais je ne suis plus spectatrice de leur théâtre. »
« Je suis plus heureux depuis que j’ai quitté la politique »
Patrick, 70 ans, ancien syndicaliste, Saint-Brieuc
Patrick a milité toute sa vie. « J’y ai cru. Et puis j’ai compris, trop tard : à un moment ou un autre, tout le monde, ou en tout cas une majorité, pense carrière. » Aujourd’hui, il cultive son jardin et fait du vélo. « Je m’informe, mais je ne m’énerve plus devant la télé. La vie est plus paisible sans leur vacarme. »
Une Bretagne qui se retire du jeu national
Ce que disent ces voix, c’est que la fracture est moins idéologique que structurelle : le lien de confiance est brisé. Les élus sont vus comme éloignés, occupés à des combats hors-sol, incapables de traiter les problèmes vécus au quotidien. Partout, on retrouve les mêmes gestes : couper la télévision, arrêter d’aller voter, se recentrer sur sa communauté. Loin d’un effondrement social, c’est un recentrage volontaire, une réappropriation de la vie réelle. Ce divorce avec la politique pourrait bien être l’un des mouvements les plus profonds et les plus silencieux de notre époque — et la Bretagne, avec ses traditions de solidarité locale, en est l’un des laboratoires les plus révélateurs, malgré un taux de participation aux élections supérieur à la moyenne nationale.
Crédit photo : Image générée par l’IA
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4 réponses à “Municipales 2025. En Bretagne, des électeurs et citoyens désabusés de la politique témoignent”
Moralisateur exemplaire pris la main dans le sac.
Laurent Vallet, président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) achète de la drogue a des mineurs.
Bien entendu, il aura les circonstances atténuantes des fachos de gauche, comme ceux qui ont soutenu le député LFI Andy Kerbrat pris aussi la main dans le sac (achat de drogue à un mineur de 14 ans en octobre 2024). En plus cet énergumène avait fait de la lutte anti-drogue son cheval de bataille. En plus, cet énergumène n’a pas remboursé la somme de 25.000 € de frais de mandat utilisé « à des fins personnelles pour l’achat de drogue ». Et ce type n’a pas démissionné, ni même été inquiété par les gentils Juges Rouges qui ont jugé M le Pen. Ce type a dit qu’il ferait son mandat. Quelle honte. Par contre on rend inéligible Marine Le Pen qui elle, n’a pas employé l’argent à des fins personnelles ni pour acheter de la schnouffe, ni pour pervertir des mineurs de 14 ans.
Elle est jolie la France pleine de moralistes gauchistes et.. de Juges Rouges !
malheureusement c’est ce que veulent les carriéristes moins de votant !
J’aime pas tous ces « jeans » (djins ?) sur la photo.
J’aime pas tous ces « jeans » (djins ?) sur la photo.