Depuis plusieurs années, la Banque centrale européenne (BCE) tente d’imposer son projet d’« euro numérique ». Un chantier censé assurer à l’Europe une place dans la course aux monnaies digitales, mais qui semble avancer à coups d’improvisations et de revirements spectaculaires. Dernier épisode en date : l’annonce d’un basculement vers l’utilisation d’une blockchain publique, comme Ethereum ou Solana, plutôt qu’un système fermé intégralement contrôlé par la BCE.
Le choc américain : le Genius Act et les stablecoins
Le tournant européen intervient quelques semaines seulement après une décision majeure de Washington. Le 18 juillet dernier, les États-Unis ont adopté le Genius Act, une loi qui encadre l’émission des stablecoins (cryptomonnaies adossées à des actifs stables comme le dollar). Ce texte impose aux émetteurs de détenir des réserves équivalentes en dollars ou en bons du Trésor.
Objectif affiché : renforcer la confiance du public, encourager l’usage des cryptomonnaies comme moyen de paiement et, en parallèle, stimuler la demande pour la dette américaine. Un calcul gagnant-gagnant pour l’administration Trump : en 2025, des entreprises comme Tether ou Circle détenaient déjà plus de 140 milliards de dollars en bons du Trésor, et le marché des stablecoins, estimé à 250 milliards de dollars, pourrait atteindre 2 000 milliards d’ici 2028.
Face à ce volontarisme américain, l’Union européenne apparaît à la traîne. Alors que Washington structure et canalise un secteur en plein essor, Bruxelles et Francfort donnent l’impression de courir derrière les événements.
L’improvisation européenne
La BCE défend depuis plusieurs années l’idée d’une monnaie numérique européenne (CBDC). Officiellement, il s’agit de préserver la « souveraineté monétaire » de l’Europe face aux cryptomonnaies privées ou aux projets concurrents comme le yuan numérique chinois.
Mais ce discours masque mal une série d’hésitations et de contradictions. Au départ, la BCE envisageait une blockchain interne, fermée, permettant un contrôle total des transactions. Un modèle critiqué pour ses dérives potentielles : surveillance massive des citoyens, censure politique, ou exclusion bancaire à la carte.
Or, coup de théâtre : la BCE annonce désormais vouloir bâtir son euro numérique sur une blockchain publique. Un virage à 180°.
Ce choix entraîne plusieurs conséquences majeures :
- Transparence accrue : une blockchain publique permet de vérifier les transactions librement, limitant les manipulations.
- Décentralisation : le réseau serait plus résilient face aux attaques ou aux pannes.
- Innovation facilitée : l’euro numérique pourrait s’intégrer aux protocoles de finance décentralisée (DeFi), un secteur dynamique malgré les freins réglementaires européens (notamment le règlement MiCA).
- Censure plus visible : toute tentative d’interdire une transaction sur des motifs politiques deviendrait immédiatement identifiable, offrant aux citoyens des alternatives.
Derrière cette évolution se profile une réalité inquiétante pour les élites européennes : l’euro numérique pourrait court-circuiter les banques traditionnelles et offrir aux particuliers une possibilité de conserver leur épargne sans passer par elles.
Cette volte-face traduit surtout la fébrilité des institutions européennes. En réaction aux initiatives américaines, la BCE agit dans la précipitation. Au lieu de suivre une stratégie claire, elle donne le sentiment de naviguer à vue, incapable d’anticiper les grandes évolutions financières mondiales.
Pour l’heure, cette improvisation a au moins un mérite : elle limite les ambitions de contrôle social qu’un euro numérique « maison » aurait pu déployer. Mais elle illustre aussi l’incapacité de l’Europe à définir une voie propre, indépendante, en matière monétaire et technologique.
Dans un monde où les États-Unis utilisent les cryptomonnaies pour renforcer leur puissance financière, où la Chine déploie son yuan numérique comme instrument de surveillance, l’Union européenne se retrouve encore une fois en réaction, et non en action.
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Euro numérique : la BCE en panique face au volontarisme américain”
L’incompétence, la prétention et la bêtise de nos « dirigeants » sont de mise dans tous les domaines, tant pour ce qui touche le citoyen, que la vision d’une future stratégie mondiale ! Lamentable