Plouër-sur-Rance (22) : la Chambre régionale des comptes alerte sur une trajectoire budgétaire trop serrée

La Chambre régionale des comptes (CRC) de Bretagne a publié cette semaine un rapport fouillé sur la gestion de Plouër-sur-Rance (Côtes-d’Armor), examinant les exercices 2019 et suivants. Le contrôle, ouvert le 8 novembre 2024 et clôturé début 2025, débouche sur sept recommandations et deux scénarios financiers à l’horizon 2028. En filigrane, un constat simple : commune attractive mais fiscalement « courte », Plouër peine à financer ses investissements sans tendre sa trésorerie et alourdir sa dette.

Une commune aisée… aux recettes fiscales faibles

Commune littorale de 3 575 habitants, au cœur du triangle Saint-Malo–Dinard–Dinan, Plouër-sur-Rance vieillit (part des +60 ans en hausse) et attire des ménages au revenu médian supérieur à la moyenne départementale. Pour autant, ses produits de gestion restent en dessous de la strate : 841 € par habitant en 2023 (–30 % vs. moyenne nationale des communes 3 500–4 999 hab.). Surtout, le produit fiscal ne s’élève qu’à 356 € par habitant (–42 % vs. moyenne régionale), en raison de bases de taxe foncière sur le bâti inférieures de 48 % à la moyenne nationale et de taux modérés. Des marges existent donc côté fiscalité.

Entre 2019 et 2024, la commune a engagé plus de 7 M€ d’équipements : voirie (3,2 M€), rénovation de l’église (1 M€), complexe tennistique (0,5 M€), ateliers techniques (0,45 M€), maison médicale (0,3 M€). La moitié a été couverte par l’emprunt, 37 % par des financements externes (subventions/FCTVA), 11 % par l’autofinancement et 3 % par le fonds de roulement.

Malgré une reprise en 2023-2024, la capacité d’autofinancement (CAF) reste basse : 115 €/hab. en 2023 (moitié de la moyenne régionale), et seulement 35 €/hab. en 2024 pour la CAF nette. La montée de l’annuité de dette (x3 entre 2019 et 2024) pèse sur les équilibres.

Dette en hausse, trésorerie sous tension

L’endettement a presque triplé (+196 %) en six ans : 882 € par habitant fin 2024 (au-dessus de la moyenne régionale de strate) et une capacité de désendettement passée de 14,1 ans en 2022 à 6,8 ans en 2024, encore élevée. Pour tenir, la commune a sollicité la trésorerie de budgets annexes (port puis écoquartier) et ouvert une ligne de crédit de 500 000 € fin 2023. Le fonds de roulement du budget principal a fondu de 73 % sur la période. À noter : le budget du port, en SPIC, apparaît sain, avec une CAF nette positive depuis 2021.

Côté méthode, la CRC pointe une comptabilité d’engagement incomplète (M57), des restes à réaliser mal calibrés qui faussent l’équilibre, et des annexes lacunaires. Elle réclame aussi un ROB intégrant une programmation pluriannuelle des investissements. Parmi les sept recommandations, figure la vérification de l’assiette taxable des propriétés bâties pour sécuriser le produit fiscal.

Deux trajectoires 2025-2028 : l’une intenable, l’autre exigeante

Scénario « au fil de l’eau ». Sans nouvelle hausse d’impôts ni emprunts, la CAF nette redeviendrait négative dès 2025 (–32 k€), le fonds de roulement passerait sous zéro (–246 k€ en 2025) et les investissements prévus (2,5 M€ d’ici 2028, dont le tiers-lieu) ne seraient pas finançables. La capacité de désendettement remonterait au-delà de 9 ans. Verdict de la CRC : « non réaliste ».

Scénario de redressement. En augmentant le produit fiscal d’environ 20 % (à niveau encore inférieur aux moyennes) et les tarifs de 5 %/an, la CAF brute remonterait vers 600 k€ fin de période, le fonds de roulement redeviendrait positif (≈ 0,9 M€ en 2028), la capacité de désendettement s’améliorerait (≈ 3,6 ans) et les investissements seraient financés sans nouvel emprunt.

L’écoquartier concentre les risques : un bilan prévisionnel fait apparaître un déficit de 970 k€ à la charge de la commune (achat auprès de l’EPFB, viabilisation estimée à 2,21 M€ TTC, emprunt de 2 M€ fin 2024 pour avancer les travaux). La municipalité affirme viser un déficit résiduel de 450 k€ en révisant le programme (eaux pluviales, baux réels solidaires) et en mobilisant davantage d’aides. Le tiers-lieu, inscrit au ROB, progresse par tranches et pèse aussi sur la séquence 2026-2027.

Et maintenant ?

Le maire s’est engagé à outiller la comptabilité d’engagement, à enrichir le ROB et à lancer une vérification de l’assiette foncière via la commission locale des impôts. Conformément au code des juridictions financières (art. L.243-9), un rapport de suites devra être présenté dans l’année. Sur le fond, la CRC trace un chemin : dégager davantage d’épargne récurrente (fiscalité/produits), lisser les projets, prioriser l’entretien, et consolider la trésorerie avant tout nouvel endettement.

À retenir. Plouër-sur-Rance n’est pas en cessation de paiement, mais son modèle – bases fiscales faibles, investissements ambitieux, dette en hausse – impose des arbitrages rapides. Sans mesures nouvelles, la commune entrerait dès 2025 en zone de turbulence de trésorerie. En assumant une hausse mesurée des produits et une programmation plus serrée, elle peut financer ses projets, redresser ses ratios… et préserver un potentiel territorial réel.

Crédit photo : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT. Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.. 

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