Et si la conquête spatiale avait débuté au XIXème siècle ? C’est le scenario du Château des étoiles, superbe série de bandes dessinées créée en 2014 par Alex Alice dont de nombreuses planches se déroulent en Bretagne.
Dans la première intégrale, Séraphin, jeune élève doué, poursuit le rêve de sa mère qui a disparu en tentant d’emmener un ballon au-delà de 13 000 mètres d’altitude. Elle cherchait l’Ether, une mystérieuse substance. Son père, le professeur Archibald Dulac, reçoit de Bavière un courrier du Roi Ludwig II qui prétend avoir retrouvé le carnet emporté par son épouse dans son dernier vol, et propose de le lui restituer s’il accepte de venir travailler pour lui. Le roi en effet n’est plus intéressé que par son projet de vaisseau interplanétaire, l’Ethernef. Sur place, ils découvrent que le chambellan du roi espionne pour le compte de la voisine Prusse de Bismarck. Séraphin, son père, le Roi Ludwig, ainsi que ses serviteurs le drôle Hans et la belle Sophie, montent à bord de l’Ethernef pour un simple vol d’essai. Mais le Roi Ludwig préfère tenter directement un vol vers la Lune.
Dans la deuxième intégrale, l’Ethernef est revenu sur terre. Le père de Séraphin se rend à Londres où les savants de tous les pays ont été conviés dans le plus grand secret afin de signer une internationale de l’éther pour l’imposer aux gouvernements. Le monde connait dès lors le secret de l’éther, notamment Bismarck qui compte bien faire de Mars sa première conquête spatiale. Pendant ce temps, Séraphin et ses amis ont trouvé refuge dans une île bretonne. Le père de Séraphin en profite pour perfectionner l’Ethernef. Mais la flotte des vaisseaux prussiens part à la conquête de la planète rouge…
Alex Alice nait en 1974 avec plusieurs talents. Son parcours est prestigieux puisqu’il est diplômé de l’école de commerce parisienne ESCP. Mais sa véritable passion reste le dessin. Dès 1997, âgé de 23 ans, il dessine et co-scénarise avec Xavier Dorison, Le Troisième Testament, mêlant aventure historique et quête ésotérique. Puis, adaptant l’Anneau du Nibelung de Richard Wagner, il sort Siegfried (2007), La Walkyrie (2009) et Le Crépuscule des Dieux (2011). Depuis 2014, il réalise Le Château des étoiles, d’abord sous la forme de « Gazette des étoiles », journaux périodiques agrafés en grand format, puis rassemblés en albums.
L’histoire du Château des étoiles se déroule dans un XIXème siècle imaginaire. En pleine révolution industrielle, la communauté scientifique pense alors que l’espace est fait d’éther, énergie qui permettrait d’explorer le ciel. Cette uchronie est remplie de références à Jules Verne, notamment le roman De la Terre à la Lune. Comme Jules Verne, Alex Alice a en effet souhaité conquérir un large public (enfants, adolescents et adultes). Les références à l’opéra de Wagner sont également nombreuses. L’intrigue porte sur la confrontation entre la France et la Prusse pour la conquête de Mars.
Dans cette série, on éprouve le plaisir de rencontrer Louis II de Bavière (1845-1886), monarque inspiré par le romantisme qui aspirait à l’idéal d’une royauté chrétienne. Il reste connu pour la construction de plusieurs châteaux d’envergure, dont celui de Neuschwanstein. Il apporta son soutien à Richard Wagner par la création du Festival de Bayreuth. Cette série BD insiste sur les recherches scientifiques de Louis II. Celui-ci visita l’Exposition universelle de Paris en 1867 puis fonda l’École polytechnique de Munich. Au château de Linderhof, il y avait la première centrale électrique équipée d’une dynamo, le chauffage central, le téléphone, des piscines chauffées, une machine à vagues, des ascenseurs, et le « Traîneau des Nymphes » (premier véhicule éclairé électriquement)… Ludwig II fit également des recherches sur les technologies de vol, comme la conception d’une voiture volante en forme de paon. Au-dessus de son lit se trouvait une maquette de la lune, avec un mécanisme permettant de récréer ses différentes phases. On n’est donc pas surpris que le scénariste imagine que Louis II s’intéressait également aux voyages dans l’espace !
Depuis 2021, une autre série, Les Chimères de Vénus, scénarisée par Alain Ayroles et dessinée par Étienne Jung, imagine dans le même univers la lutte entre britanniques et français dans l’exploration de la planète Vénus.
Pour ce récit, Alex Alice utilise un style graphique nouveau et somptueux, semi réaliste, en couleurs directes. La mise en page est savamment construite. Il reçoit l’aide d’Anthony Simon pour les gros volumes, comme les très belles vues du château bavarois. La couleur est directement ajoutée aux crayonnés, sans encrage. Le choix de l’aquarelle ajoute beaucoup de lumière et crée une atmosphère poétique.
On admire la créativité pour les espèces des autres planètes. Les machines utilisées pour voyager prennent même des allures d’animaux fantastiques.
De nombreuses planches ont pour cadre la Bretagne. Alex Alice révèle que « la Bretagne me fascine… certains folklores sont très locaux… je vois un parallèle entre cet imaginaire et celui de Mars » (Casemate avril 2017).
Le Château des étoiles : intégrale 1 1869 – La Conquête de l’espace, 152 pages, 30 euros et intégrale 2 Les Chevaliers de Mars, 144 pages, 30 euros. Editions rue de Sèvres.
Kristol Séhec
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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