Le plus puissant phare d’Europe s’apprête à vivre un tournant décisif. À partir de janvier 2026, le phare du Créac’h, à Ouessant (Finistère), cessera de projeter son faisceau historique. Un feu LED provisoire prendra le relais, le temps de trouver une solution durable pour remplacer la lentille de 17 tonnes qui tourne dans un bain de mercure. La décision, prise par l’État pour des raisons sanitaires et environnementales, inquiète les habitants et les associations locales.
La préfecture du Finistère a confirmé que les 85 litres de mercure utilisés pour faire tourner la lentille seraient retirés « dans un peu plus de deux mois, en janvier 2026 », avant la pose d’un feu industriel provisoire. Selon Élisabeth Coutrot, présidente de l’association Vent de Bout’ citée par France Bleu Breizh Izel au mois d’octobre, il s’agira d’« une lumière de 70 centimètres posée à l’extérieur de la lanterne », dont la portée sera réduite de 30 à 19 milles marins, soit environ 25 kilomètres de moins. La préfecture annonce qu’un nouveau dispositif, conciliant sécurité maritime et préservation patrimoniale, sera « mis en œuvre d’ici fin 2027 ».
Une mobilisation insulaire inédite
L’annonce a suscité une mobilisation sans précédent. Les associations Ouessant Vent de Bout’ et Sauvegarde du feu du Créac’h ont recueilli plus de 27 000 signatures contre le projet.
« Oui, l’État est actuellement en train de nous voler la lumière du Créac’h, notre bien inestimable », a déploré Aline Vecchiali, trésorière de Vent de Bout’, auprès du journal Le Télégramme. Christian Dubet, fils d’un ancien gardien du phare, s’interroge : « Pourquoi une telle urgence à vouloir remplacer cette optique unique et son extraordinaire mécanique ? »
Les autorités rappellent que la suppression du mercure s’inscrit dans une politique nationale engagée depuis 2019. Treize phares ont déjà été traités dans le pays afin d’éliminer cette substance toxique.
Un patrimoine sous surveillance
Allumé en 1863 et classé monument historique, le Créac’h abrite l’une des optiques les plus remarquables de France. Installée en 1937, la lentille de Fresnel atteignait 500 millions de candelas, un record mondial à l’époque.
Les élus locaux, tout en admettant la nécessité d’éliminer le mercure, réclament le maintien du faisceau d’origine. « Le but, c’est que le feu provisoire soit là le moins longtemps possible. Parce qu’on ne veut pas d’un phare industriel », souligne Lydia Rolland, première adjointe à la mairie.
Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) sera lancé début 2026 pour concevoir un nouveau système respectant la signature lumineuse à huit faisceaux en croix caractéristique du Créac’h. Sur l’île, beaucoup redoutent qu’un feu provisoire prévu pour deux ans ne s’installe dans la durée.
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