Un mouvement profond, longtemps sous-estimé, transforme depuis trois décennies le paysage religieux britannique : plusieurs centaines de clercs anglicans – dont des évêques occupant autrefois des postes stratégiques – ont choisi de rejoindre Rome. Ce que certains prenaient pour une série de démarches individuelles marginales se révèle, chiffres à l’appui, être un basculement structurel.
Selon une étude récente consacrée aux conversions de clercs anglicans depuis 1992, environ 700 prêtres et religieux issus de l’Église d’Angleterre, du pays de Galles et de l’Église épiscopale écossaise ont été reçus dans l’Église catholique en trente ans. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, il suffit de rappeler qu’en Angleterre et au pays de Galles, cela représente près d’un tiers des ordinations catholiques durant cette période.
Autrement dit : sans ces transferts, Rome serait aujourd’hui confrontée à un déficit vocationnel encore plus marqué. Et l’anglicanisme, en parallèle, enregistre un exode qui concerne autant les paroisses modestes que les postes les plus élevés de sa hiérarchie.
Un tournant doctrinal explosif
La recherche met en lumière plusieurs déclencheurs.
Le premier choc survient en 1992, lorsque l’Église d’Angleterre décide d’ordonner des femmes prêtres. À peine deux ans après ce virage théologique majeur, plus de 150 clercs anglicans franchissent le pas pour rejoindre l’Église catholique.
Le deuxième tournant intervient en 2010 avec la constitution apostolique Anglicanorum Coetibus et la création d’ordinariats personnels, offrant la possibilité à des paroisses anglicanes entières d’entrer en communion avec Rome tout en conservant certaines particularités liturgiques. Là encore, un nouveau pic de conversions est constaté.
Ce mouvement ne s’explique pas seulement par des désaccords disciplinaires.
Il traduit une fracture plus large : l’impression, chez de nombreux clercs anglicans, que leur Église s’est engagée dans une trajectoire doctrinale et morale fluctuante, dictée par les débats sociétaux plus que par une continuité théologique.
Le cardinal Vincent Nichols insiste d’ailleurs sur la dimension spirituelle de ces démarches : il ne s’agit pas tant d’une rupture sèche avec l’anglicanisme que d’une volonté de rejoindre une structure perçue comme doctrinalement stable et universelle.
Certains parcours illustrent la profondeur du phénomène. L’ancien évêque John Ford, longtemps proche des cercles royaux, a choisi de rejoindre Rome après une carrière au sommet de la hiérarchie anglicane. L’affaire récente autour de la nomination très contestée de Sarah Mullally à Cantorbéry n’a fait qu’accentuer la perception d’une crise de gouvernance et de crédibilité.
Une dynamique appelée à durer
Contrairement à une simple réaction ponctuelle aux débats internes, ce mouvement se signale par sa continuité : il n’a pas diminué au fil du temps et constitue désormais une source stable de vocation pour Rome au Royaume-Uni.
La St. Barnabas Society joue un rôle décisif en accompagnant matériellement et pastoralement les convertis, preuve que ces démarches ne relèvent pas d’un simple choix intellectuel, mais impliquent des ruptures professionnelles, économiques et sociales.
Au-delà des chiffres, cette migration religieuse révèle trois tendances majeures :
- une crise identitaire profonde du protestantisme historique britannique ;
- la recherche d’une continuité doctrinale dans un monde religieux fragmenté ;
- la persistance d’une attraction catholique sur les élites ecclésiales.
À l’heure où l’Église d’Angleterre cherche à se réinventer par des réformes sociétales successives, le catholicisme attire ceux qui perçoivent dans la tradition – plutôt que dans l’adaptation permanente – un socle doctrinal solide.
Ce phénomène touche directement l’avenir religieux du Royaume-Uni.
Il interroge l’autorité doctrinale anglicane et révèle, en creux, la difficulté d’assumer une orientation théologique fluctuante dans une époque où la demande de repères demeure forte.
Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, il faut reconnaître une réalité : le catholicisme, dans la Grande-Bretagne contemporaine, n’est plus seulement un héritage minoritaire. Il devient un refuge pour ceux qui jugent l’anglicanisme incapable d’offrir stabilité et continuité.
Et si les chiffres évoqués semblent encore modestes, leur portée symbolique, elle, est immense.
Illustration : wikipedia (cc)
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