Longtemps critiqué pour son empreinte carbone, le minage de bitcoin est en train d’opérer une mutation stratégique majeure. Selon plusieurs analystes du secteur, l’année 2026 pourrait marquer un tournant décisif : les mineurs ne se contenteront plus de sécuriser le réseau, ils deviendront des acteurs centraux de la production, de la gestion et de l’optimisation de l’énergie, à la croisée du bitcoin, de l’intelligence artificielle et des infrastructures électriques.
Un seuil symbolique franchi sur l’énergie
En 2025, le réseau bitcoin a franchi un cap important : près de 53 % de sa puissance de calcul serait désormais alimentée par des sources d’énergie dites durables, contre 37 % seulement en 2022, selon les travaux du Cambridge Centre for Alternative Finance. Hydroélectricité, solaire, éolien et valorisation du méthane issu de torchères pétrolières composent désormais une part croissante du mix énergétique des mineurs.
Cette évolution a contribué à modifier le regard porté sur le bitcoin. Les chercheurs soulignent notamment que certaines opérations de minage participent à la stabilisation des réseaux électriques locaux et à la réduction des émissions de méthane, un gaz dont le pouvoir de réchauffement est très supérieur à celui du CO₂. À l’échelle mondiale, les émissions du réseau bitcoin représenteraient environ 0,08 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre, un ordre de grandeur comparable à celui d’un petit État européen.
Pression économique et chasse à l’énergie bon marché
Cette transition n’est pas uniquement idéologique ou réglementaire. Elle est d’abord dictée par l’économie du secteur. Depuis la division par deux des récompenses de bloc en 2024, la concurrence entre mineurs s’est intensifiée, tandis que le hashrate mondial a atteint des niveaux records. Résultat : les marges se sont considérablement réduites.
Pour rester rentables, les mineurs se tournent de plus en plus vers des sources d’énergie dites « échouées » ou sous-utilisées : surplus d’éolien ou de solaire, gaz brûlé à perte sur les sites pétroliers, ou production excédentaire de barrages. Cette quête d’électricité à très bas coût pousse aussi les acteurs les plus importants à acheter directement des actifs énergétiques, plutôt que de dépendre de contrats d’approvisionnement à long terme.
Des groupes cotés comme Marathon Digital Holdings ou Riot Platforms ont déjà investi massivement dans des infrastructures électriques, des parcs éoliens ou des projets de valorisation du méthane. Une stratégie qui répond aussi aux attentes croissantes des régulateurs et des investisseurs institutionnels en matière de transparence environnementale.
Les États entrent dans la danse
Autre évolution notable : l’arrivée des États eux-mêmes dans le minage. Plusieurs pays exploitent désormais leurs excédents énergétiques pour miner du bitcoin et constituer des réserves stratégiques sans passer par les marchés financiers. Le Bhoutan est souvent cité comme exemple, utilisant son hydroélectricité pour accumuler des milliers de bitcoins. Des pays émergents riches en énergie, comme l’Éthiopie, pourraient suivre cette voie dès 2026.
Cette approche transforme le minage en outil géopolitique et financier, en particulier pour des États disposant d’abondantes ressources énergétiques mais d’un accès limité aux marchés de capitaux internationaux.
Sur le plan technologique, la course effrénée à la puissance des machines spécialisées (ASIC) semble marquer le pas. Les gains d’efficacité deviennent marginaux et l’avantage compétitif se déplace vers des facteurs plus classiques : coût de l’électricité, disponibilité du réseau, fiabilité des installations.
Parallèlement, de nouveaux protocoles comme Stratum V2 renforcent la décentralisation du réseau en redonnant davantage de contrôle aux mineurs individuels sur la sélection des transactions. Une évolution perçue à la fois comme un progrès idéologique et comme un avantage opérationnel face aux risques de centralisation.
La convergence avec l’intelligence artificielle
Enfin, l’irruption massive de l’intelligence artificielle bouleverse l’écosystème. Les centres de données dédiés à l’IA et au calcul intensif entrent en concurrence directe avec les mineurs pour l’accès à une électricité bon marché. Mais cette rivalité se double d’une convergence stratégique.
Certains sites deviennent hybrides, capables de basculer entre minage de bitcoin et calculs d’IA en fonction de la rentabilité du moment. Cette flexibilité fait des mineurs des acteurs particulièrement attractifs pour absorber les surplus d’électricité et soulager les réseaux lors des pics de demande, là où les centres de données classiques sont beaucoup plus rigides.
À l’horizon 2026, le minage de bitcoin apparaît de moins en moins comme une simple activité informatique et de plus en plus comme une industrie d’infrastructure, intimement liée aux marchés de l’énergie et aux stratégies industrielles nationales. Dans un contexte de tensions sur les réseaux électriques et de montée en puissance de l’IA, les mineurs pourraient bien s’imposer comme des hubs énergétiques flexibles, capables d’optimiser chaque kilowatt disponible.
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