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Gilets jaunes. Paroles de femmes inquiètes et en colère [Interview]

Jessica a 34 ans, elle habite Vallet. Laura a 27 ans, elle réside en Ille-et-Vilaine. Lydie a 43 ans, et vit à Quimper. Depuis le 17 novembre 2018, elles sont sur les ronds-points et dans les manifestations de Gilets jaunes. Chacune à leur niveau, elles se mobilisent, manifestent, dirigent même parfois pour certaines d’entre elles. Rencontre avec ces femmes de Bretagne qui ont endossé le gilet jaune, et qui ne sont pas prêtes à le ranger dans la garde-robe.

jessica

Jessica, aux côtés d’autres manifestants

Comme elle, elles sont nombreuses les femmes à avoir rejoint le mouvement. Certaines d’entre elles n’ont pas apprécié d’ailleurs cette volonté qu’ont pu avoir d’autres de faire une journée « spéciale femmes gilets jaunes ». « Et pourquoi pas demain une manifestation de nains Gilets jaunes, et puis après une manifestation de Martiniquais Gilets jaunes ? C’est débile, on est tous ensemble » nous confie Lydie, qui était quant à elle à Quimper. « Il n’y a pas d’intention de faire des Gilets jaunes une lutte sexiste. Simplement permettre une forte représentation et mobilisation des femmes derrière les mots d’ordre des Gilets jaunes » explique Jessica.

« On n’a plus de communauté pour nous aider »

Jessica nous explique les raisons de sa colère : « Je suis une mère seule au foyer, qui travaille et qui n’a plus de quoi vivre à la fin du mois. Je suis présente depuis désormais 8 semaines sur le terrain. Et aujourd’hui j’ai honte d’élever mes enfants dans un pays dans lequel injustice sociale et violence policière sont de mise. Avant les Gilets jaunes, je n’avais jamais  manifesté. » Presque la même histoire pour Lydie. Un enfant, une rupture, une difficulté à trouver de l’aide, des réseaux, et un sentiment d’abandon de déclassement. « Nous on a personne, on n’a plus de communauté pour nous aider, qui nous conseille. Avec les Gilets jaunes, on a créé des liens, des solidarités qui n’existaient plus ».

Laura a 27 ans, est mariée et a fait le choix d’élever ses enfants au foyer. Sur la présence féminine importante durant les manifestations, elle nous dit : « La plupart des femmes Gilets jaunes que j’ai rencontrés sont mères de famille (ma mère en fait partie aussi d’ailleurs). Il y a cet instinct chez une mère qui la pousse à toujours se surpasser pour protéger ses enfants, leur avenir. On peut dire aussi que dans l’histoire de France (et de Bretagne) on trouve des héroïnes du peuple comme l’incontournable Jeanne d’Arc, Sainte Geneviève, la Duchesse Anne et un peu plus contemporain toutes celles qui n’ont pas hésité à prendre la place des hommes partis dans les tranchées en 14-18 pour faire tourner le pays. Donc en y réfléchissant bien, ce n’est pas étonnant de voir autant de femmes abordant fièrement un gilet jaune. »

laura

Laura, lors d’une manifestation, à Rennes

Leurs revendications principales ? Comme tout le monde, ni plus, ni moins. La dissolution de l’Assemblée nationale, la destitution du président Macron, la mise en place du RIC (Référendum d’Initiative citoyenne). Mais aussi le retour de l’ISF, la hausse de la CSG pour les retraités. Revalorisation des salaires proportionnellement à la hausse du coût de la vie. Laura rajoute qu’elle souhaite que « le pouvoir soit décentralisé pour donner plus d’autonomie aux régions, et qu’il y ait plus d’aides mises en place pour les femmes enceintes se retrouvant en difficulté suite à leurs grossesses, une reconnaissance officielle du statut de mère au foyer afin de pouvoir bénéficier d’une rémunération, le bien naître : l’arrêt de fermeture de maternités et le soutien pour l’accouchement à domicile et que l’éducation nationale rehausse le niveau des classes. »

« les forces de l’ordre nous ont tiré des grenades dans les jambes »

Et quid de la présence en masse de ces femmes, dans les cortèges ? « Quand les femmes se portent en première ligne, quand les femmes ont peur pour l’avenir de leurs enfants et se mettent en colère, alors le pouvoir peut vraiment trembler », nous dit Lydie, qui se dit choquée « par les violences policières ». « À Quimper, ils nous ont gazés, ils ont tapé. Il y a de la violence des deux côtés, mais on ne comprend pas pourquoi ils nous frappent parfois sans raison. Ils devraient nous rejoindre. Ils vivent dans la même misère que nous actuellement ».

Même son de cloche pour Jessica : « Samedi sur Nantes j’ai rejoint une cinquantaine de femmes qui étaient en tête de cortège, certaines habillées en Marianne et en noir pour représenter le deuil  de notre nation. Nous avons lancé des slogans contre la violence policière et au bout d’un moment, les forces de l’ordre nous ont tiré des grenades dans les jambes, et du gaz qui paraissait plus fort que le week-end précédent. Alors que nous menions une action pacifique. J’ai constaté beaucoup de malaises autour de moi, beaucoup de souffrance aussi, et des personnes en état de choc face à certains policiers qui tirent sur tout ce qui bouge ».

Ont-elles le sentiment d’être écoutées ? « On a surtout le sentiment que notre président et son gouvernement sont les trois petits singes, qui n’entendent pas, ne voient pas, ne parlent pas ». « Je pense qu’ils ne l’ont pas bien cernée jusqu’ici, ils ont d’abord tenté la manipulation médiatique, puis le matraquage des forces de l’ordre. Leur dernier rempart été fêtes de fins d’années en pensant que le mouvement allait essouffler alors qu’il est reparti de plus belle. », explique Laura.

Qu’importe, elles continueront de manifester. Elles sont déterminées, comme toutes celles que nous avons rencontrées depuis le début de la mobilisation ; « le cortège de Nantes a doublé ce week-end, pareil dans d’autres régions. On continu à rassembler » confie Jessica. « On ne lâchera rien. On ira jusqu’au bout » nous confie Lydie. Laura tempère un peu : « Le mouvement est en train de repartir, mais je ne sais pas si on obtiendra gain de cause avec seulement les blocages et les manifestations alors si on continue comme ça, oui il peut y avoir une lassitude, un essoufflement. Je ne pense pas qu’il faille arrêter le mouvement, mais qu’il évolue en organisant des actions plus ciblées sur les responsables de la colère des gilets jaunes. Ce serait, à mon sens, plus productif que de bloquer les citoyens lambdas voire les patrons de PME pour qui nous nous battons aussi. »

Des femmes déterminées et en colère parmi les Gilets jaunes. Et une possible accélération de l’Histoire, très rapide, dans les prochaines semaines.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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