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Libye : le maréchal Haftar et son armée aux portes de Tripoli

Comme il était du reste prévisible, le maréchal Haftar qui a déjà réuni sous sa houlette près de 77% de l’ex-Libye, principalement en Cyrénaïque et le désert au sud (Sabha a été reprise ces dernières semaines) a lancé une attaque sur la capitale Tripoli tenue par un gouvernement présidé par Faiz Serradj, en théorie soutenu par l’Occident mais non reconnu par le maréchal Haftar. L’aéroport international situé hors de Tripoli a été pris hier et l’offensive continue.

Photo : Flickr

 

Disposant d’un soutien militaire russe, égyptien et émirati, le maréchal Haftar serait aussi soutenu par la France, selon le blogueur géopolitique russe très influent ColonelCassad – selon lui « la France est intéressée par l’exploitation du pétrole en Cyrénaïque, sous le contrôle du maréchal Haftar ». Ce dernier contrôle aussi le plus grand gisement du désert méridional libyen, Sharar, après s’être entendu sans effusion de sang avec les chefs tribaux locaux il y a deux mois.

Cependant officiellement la France a cosigné une déclaration avec les Émirats, l’Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis pour « exhorter toutes les parties à apaiser immédiatement les tensions » et affirmer qu’il « n’y a pas de solution militaire au conflit libyen ». Pas comme en 2011 où la France était intervenue… ce qui avait certes dégagé Kadhafi mais aussi plongé la Libye dans le chaos.

Le gouvernement de Tripoli s’appuie sur des bandes plus ou moins islamistes qui tiennent la capitale, mais aussi la ville voisine de Misurata ; ces dernières tirent leurs revenus du pétrole, mais aussi du trafic d’esclaves – principalement des migrants venus d’Afrique orientale et subsaharienne, des enlèvements et autres rapines. Dans la même zone l’on trouve aussi des cellules plus ou moins dormantes de l’EI et d’Al Qaïda qui pour l’heure se contentent d’observer les belligérants.

Les forces du maréchal Haftar (LNA), mieux entraînées, disposent d’artillerie et de blindés, d’une flotte et d’une aviation. Elles bénéficient aussi d’un faible esprit combattif chez l’ennemi, et de changements de camp de combattants issus de troupes de fortune, majoritairement recrutées dans les villages de la Tripolitaine.

Le 5 avril, les forces de Haftar ont coupé les troupes de Faiz Serradj situées à Zawiyah, à l’est de Tripoli, de l’agglomération même de Tripoli en prenant la route côtière sur plusieurs centaines de mètres. A l’est de la coupure, un débarquement a eu lieu sur la base militaire de Sidi Bilal – il a eu lieu avec des vedettes rapides, par la mer ; cependant les belligérants revendiquent tous deux le contrôle de la base. Les forces loyales à Serradj ont de leur côté fait prisonnier 128 combattants de la LNA, majoritairement des conscrits des villages de la Tripolitaine.

Le soir du 5 avril la LNA a aussi nettement avancé sur l’axe principal de l’offensive – au sud de Tripoli. Elle n’est plus qu’à 18 km du centre-ville – et même à moins de 10 par endroits – depuis la prise de l’ancien aéroport international dont l’armée de Faiz Serradj dément la perte, malgré des photos de soldats LNA dans les bâtiments et sur la piste.

Plusieurs villes de la banlieue de Tripoli – dont Ben-Hashir à 34 km deu centre, Tarhuna et Aziziya ont été reprises par la LNA, qui déplore dix tués dans ses rangs. « Pour l’heure les combats sont peu intenses : c’est une guerre de mouvement », explique le blogueur russe géopolitique ColonelCassad qui couvre le conflit. « L’important c’est l’effet de surprise, la rapidité des manœuvres, la capacité de s’entendre avec les diverses bandes de [combattants pro] démocrates, les chefs tribaux et les milices locales, notamment en achetant leur changement de camp. Des deux côtés la plupart des combattants sont très peu loyaux et ont peu de valeur militaire ».

Actuellement,des combats continuent d’avoir lieu au sud-est de Tripoli ; la route de Zawiyah est coupée, le check-point n°27, à l’ouest de Tripoli, est toujours sous contrôle du gouvernement de Faiz Serradj malgré plusieurs assauts de la LNA dans la nuit. Par ailleurs des forces importantes de la LNA font mouvement vers Syrte le long de la côte. Les éléments les plus en pointe de la LNA seraient par endroits à moins de 10 kilomètres du centre-ville de Tripoli.

Offensive du maréchal Haftar : Salvini et la presse italienne accusent la France

Dans une intervention, le premier-ministre italien Salvini a accusé « un certain pays » de soutenir le maréchal Haftar et sa solution militaire pour assouvir ses intérêts économiques : « ce pays veut une solution militaire pour arriver à ses fins économiques et commerciales. Ce sera dévastateur », a-t-il prédit.

La presse italienne a tôt fait de compléter le rébus en titrant « Haftar, l’ami de la France, marche sur Tripoli ». Le Blitz Quotidiano indique ainsi que Salvini – qui est aussi ministre de l’Intérieur, a « discuté de la question des migrants avec son homologue français Castaner [en marge du G7], s’est félicité du fait que les français semblent reprendre son propre vocabulaire sur la question migratoire ». Mais il a fait remarquer que « Paris ne pouvait pas ne pas être au courant de l’accélération de l’offensive du maréchal Haftar » qualifié de « référent libyen des intérêts pétroliers français ».

Duel franco-italien sur fond de pétrole et de migrants

Si la France vise le pétrole, mais aussi un règlement politique stable qui mette fin au chaos généré par l’intervention armée de Nicolas Sarkozy en 2010, l’Italie suit la situation avec une forte inquiétude – elle n’a en effet pas la capacité ni la volonté d’intervenir militairement, mais son gouvernement souhaite juguler définitivement le trafic de migrants en provenance de Libye et du Maghreb.

Dans un article de RT consacré en juillet dernier aux dissensions sur la question libyenne entre Italie et France, Serguey Seregitchëv, expert russe des pays du Maghreb, va même plus loin : « De toute façon la France a misé sur Haftar. La proposition de Paris de financer des élections en Libye témoigne de la volonté française de forcer le cours des événements […] les deux pays ont déjà soutenu les deux gouvernements concurrents : Paris a aidé Tobrouk [Haftar], Rome, le gouvernement de Tripoli ».

Outre les questions de politique intérieure italienne – et la volonté de sauvegarder sa sphère d’influence historique limitée dont fait partie la Libye, l’Italie s’intéresse elle aussi aux réserves de pétrole formidables de la Libye : malgré la guerre civile, 1 million de barils de brut par jour sont tirés du sol libyen chaque jour. Et le pays compte les 9e réserves mondiales, estimées à 48 milliards de barils.

LBG

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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