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Miguel Jean : « Le mot PMA n’existe pas dans la loi de bioéthique » [Interview]

Miguel JEAN est maître de conférences des Universités et praticien hospitalier au CHU de Nantes. Après vingt-cinq ans consacrés à la prise en charge médicale des couples infertiles, dont dix ans comme chef du service de Biologie et Médecine de la reproduction, il est aujourd’hui responsable de la Consultation d’éthique clinique. En janvier 2015, il a été nommé directeur de l’Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire.

Le 22 juin, il animera une conférence à Pornichet, à l’invitation de l’ECLAT, sur le thème « La médicalisation du désir d’enfant : des limites ? Quelles limites ? » (voir l’annonce ici). Il y sera notamment question de l’AMP, l’assistance à la procréation médicalisée.

Nous l’avons interrogé à ce sujet.

Breizh-info.com : Dans quel cadre et pour quel objet intervenez-vous à Pornichet samedi ?

Miguel JEAN : La conférence est en lien avec l’actualité. Son titre est « La médicalisation du désir d’enfant : des limites ? Quelles limites ? » C’est en lien avec l’éventuelle modification de la loi de bioéthique, et la possibilité  d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux femmes seules et/ou aux couples de femmes.

L’annonce a été faite récemment par le Premier ministre, avec une discussion parlementaire prévue en septembre (conseil des ministres en juillet). C’est aussi ce qui était dans l’avis du CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique) qui ne s’y était pas opposé. C’est également une proposition du candidat Emmanuel Macron à la Présidence de la République. C’est un sujet qui devrait trouver une réponse parlementaire avant la fin de l’année.

Breizh-info.com : En tant que médecin, spécialiste de la question, que pensez-vous de ce processus d’AMP, que d’autres nomment PMA ?

Miguel JEAN : Le mot PMA n’existe pas dans la loi de bioéthique. On parle d’AMP. Le mot PMA a été inventé probablement par des journalistes. Le terme utilisé dans la loi de 2011 actuellement en vigueur est celui d’assistance médicale à la procréation.

Aujourd’hui, il est impossible en France pour les couples de femmes d’accéder à l’AMP. Mais elles peuvent en bénéficier si elles franchissent les frontières, direction la Belgique ou l’Espagne. C’est une iniquité dans la mesure où celles qui ont les ressources nécessaires (pas seulement financières) peuvent trouver une réponse à leur demande dans les pays voisins, mais pas celles qui n’ont pas les ressources suffisantes. Et qui ne pouvaient donc pas bénéficier de réponse médicale à leur désir d’enfant.

L’opinion par ailleurs semble plutôt favorable à cette ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules.

Breizh-info.com : Quels sont selon vous, en tant que médecin, les avantages et les inconvénients d’une telle pratique ?

Miguel JEAN : Je n’y vois ni inconvénient ni avantage, mais une évolution logique des choses dès lors que c’est déjà en vigueur pour peu que l’on franchisse les frontières. Il y avait une injustice à ne pas permettre à toutes ces femmes qui ont un désir d’enfant de pouvoir bénéficier d’une réponse médicale.

Breizh-info.com : Qu’est-ce que l’AMP techniquement ?

Miguel JEAN : C’est un ensemble de réponses médicales proposées face à une infertilité, c’est-à-dire à une difficulté à procréer. On peut considérer qu’il existe des indications médicales à l’AMP, celles que connaissent les couples hommes/femmes qui ont des difficultés à avoir un bébé. Mais aussi des indications qui ne sont pas strictement médicales, je pense notamment à l’infertilité, vécue par un couple de femmes. Qui n’est pas lié à une maladie, mais à une impossibilité biologique. L’AMP constitue cet ensemble de réponses médicales.

Dans cet arsenal médical, on trouve l’insémination artificielle (Des spermatozoïdes sont déposés dans les voies génitales féminines pour créer leur rencontre avec l’ovocyte). Mais aussi la fécondation in vitro. C’est à dire la réunion des cellules sexuelles au laboratoire. L’embryon obtenu in vitro est ensuite déposé dans les voies génitales féminines en espérant qu’il veuille bien s’y installer.

Les techniques d’AMP sont connues depuis longtemps. Et largement utilisées à travers le monde.

Breizh-info.com : Que dites-vous à ceux qui estiment qu’il y a une question d’éthique, un danger ? Que l’AMP ouvrirait la voie à d’autres pratiques, comme la GPA…

Miguel JEAN : La GPA (Gestation pour autrui) est souvent évoquée, lorsqu’on parle de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes.  Le raisonnement fréquemment entendu est le suivant : si l’AMP est autorisée pour les couples de femmes, alors, par souci d’équité, il faudra l’autoriser pour les couples d’hommes.

Est-ce que cela doit constituer un obstacle à l’ouverture aux couples de femmes ? En clair, faut-il leur interdire l’AMP pour  éviter la GPA ? Aujourd’hui, je ne suis pas favorable à la GPA même si ma conviction peut évoluer. Cela pose des tas de questions que je n’ai pas totalement résolues.

Breizh-info.com : Y a-t-il consensus sur la question au sein du corps médical, plus globalement sur la loi à venir ?

Miguel JEAN : On ne peut pas parler de consensus. La communauté médicale est une somme d’individus, de représentations, de conceptions qui peuvent être différentes. Je ne peux évidemment pas parler au nom de tous les professionnels de l’AMP. Beaucoup de mes collègues sont plutôt favorables à une modification de la loi qui permettrait à toutes les femmes d’accéder à l’AMP.

Si la loi permet une pratique médicale cohérente, adaptée et respectueuse des personnes, et à ce titre, alors elle a du sens et j’y suis favorable.

Breizh-info.com : Avez-vous une idée de la demande, en termes d’AMP, sur Nantes, vu que c’est là que vous exercez ?

Miguel JEAN : Je ne suis pas en mesure aujourd’hui de répondre à cette question et de prévoir le nombre de demandes de femmes seules ou de couples de femmes. Le centre d’AMP du CHU de Nantes propose aujourd’hui toutes les techniques disponibles dans le domaine de la médicalisation du désir d’enfant y compris le don d’ovocytes et de spermatozoïdes. Si la loi devait être modifiée, il réunit toutes les compétences techniques mais surtout humaines pour accueillir ces nouvelles demandes.

Propos recueillis par YV

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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