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Festival de Cannes 2020. Spike Lee : cinéaste talentueux, militant capricieux

Le réalisateur américain Spike Lee a été désigné président du jury du prochain Festival de Cannes, qui aura lieu du 12 au 23 mai.
Retour sur certains épisodes marquants de la vie d’un cinéaste haut en couleurs, parfois excellent mais aussi régulièrement exaspérant.

Le cinéma militant de Spike Lee

S’il ne fallait conserver qu’un terme pour désigner la carrière de réalisateur de Spike Lee, ce serait « militant » !
Descendant d’esclaves, l’homme a fait de la lutte contre le racisme son cheval de bataille et, peu à peu, son fonds de commerce.

Certains longs métrages de ce style ont apporté une réelle valeur ajoutée au débat, en faisant par exemple découvrir au grand public –notamment européen- le militant afro-américain Malcolm X dans le film éponyme en 1992. Celui-ci, avec Denzel Washington dans le rôle titre, est certes très flatteur envers ce personnage violent et qui ne cachait pas son hostilité pour les Blancs, mais il ne cache pas par ailleurs l’aspect sectaire de la « Nation of Islam », mouvement dont Malcolm X était un porte-parole avant d’en devenir l’ennemi.

Fallait-il que Spike Lee se fasse pardonner quelque chose ? En tous cas, dans Get on the bus (1996), la Nation of Islam était cette fois mise à l’honneur par le biais d’un « road-movie » mettant en scène des militants de la secte.

En 1989, dans Do the Right Thing, le spectateur pouvait s’immerger dans le quartier de Brooklyn, gangrené par les tensions raciales. Comme il le fera à plusieurs reprises, Spike Lee joue d’ailleurs dans son film.

En 2018, Spike Lee présentait BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan. Inspiré d’une histoire vraie, ce film semble surtout être un moyen facile de revenir sur le devant de la scène après quelques années sans succès mais aussi une réponse caricaturale aux polémiques ayant éclaté peu avant dans les anciens états du Sud autour du drapeau Confédéré. L’amalgame « Sud = esclavage » fait encore des ravages !

Sur le KKK, préférez le documentaire intitulé 4 Little Girls que le réalisateur avait proposé en 1997.

En plus de la cause des Noirs, plus ou moins adroitement défendue, Spike Lee a souvent imaginé des personnages homosexuels, et notamment des femmes. C’est le cas dans Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (1986) et de She Hate Me (2004). Ce dernier aborde aussi l’homoparentalité. Pas sûr que la Nation of Islam y soit aussi favorable !

Spike Lee, maître de la victimisation

Le combat de Spike Lee contre le racisme s’est souvent transformé en discours victimaire et réducteur, ne laissant pas l’occasion à ses interlocuteurs de s’expliquer, et n’acceptant jamais de se remettre lui-même en question.

Ainsi, il a entre autres accusé ses collègues Clint Eastwood et Quentin Tarantino de racisme. Ce dernier emploi régulièrement le mot « Nègre » dans ses films, ce qui, aux yeux de Spike Lee, est une insulte envers ses ancêtres esclaves.
Quentin Tarantino s’en est défendu et a même reçu le soutien de l’acteur Samuel L Jackson, avec qui il a souvent travaillé, mais cela n’a pas suffi à convaincre Spike Lee.

En 2006, c’est Clint Eastwood qui subissait l’hystérie de son collègue cinéaste pour ne pas avoir fait jouer d’acteurs Noirs dans Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima, deux films sur la bataille du Pacifique.

Spike Lee s’en prend aussi fréquemment à l’industrie du cinéma et aux studios hollywoodiens. En 2016, il était l’un des meneurs de l’opération « #OscarsSoWhite » sur les réseaux sociaux, en réaction à une liste de nominés aux Oscars trop blanche à son goût.

Dès 1989, il pestait contre les organisateurs du Festival de Cannes et menaçait physiquement son président Win Wenders car son film Do The Right Thing, évoqué plus tôt, n’obtenait pas la Palme d’Or. Le voici président du Jury trente et un an plus tard !

Spike Lee est aussi l’un des plus fervents opposants à Donald Trump, qu’il attaque régulièrement dans les médias.

Fan de basket !

Si son militantisme le caractérise, sa passion pour le basketball est un autre élément important de la vie de Spike Lee.
Fan inconditionnel des New York Knicks, il assiste à un nombre incalculables de matchs depuis le bord du terrain. En 1994, il fut même accusé par les médias de la ville d’avoir fait perdre les Knicks car il avait provoqué un joueur adverse, Reggie Miller, membre des Indiana Pacers, qui avait ensuite battu New York à lui seul ou presque.

Si prompt à donner des leçons de morale au monde entier, Spike Lee n’en demeure pas moins une star capricieuse du cinéma américain. En 1996, invité du Festival de Cannes –encore !- , il avait fait un scandale car la télévision française ne lui permettait pas de voir un match des Knicks. La Paramount, le studio américain, avait dû débourser environ 45 000 euros pour louer un satellite et faire en sorte que la « diva » puisse voir la rencontre.
De quoi ébranler les employés de l’hôtel qui le prenaient pour un défenseur des gens modestes et des opprimés !

Plus glorieux, Spike Lee a réalisé l’un des films références sur la balle orange, He Got Game, sorti en 1998. Il s’agit d’un drame familial mais on y voit aussi l’envers du décor du monde du basket universitaire, montré avec brio et sans tabou. L’un des deux personnages principaux est interprété par Ray Allen, qui commençait à l’époque à jouer en NBA et est par la suite devenu le meilleur shooter de l’histoire.

Spike Lee a également réalisé un documentaire sur Kobe Bryant, la légende des Los Angeles Lakers, en 2008.

La 25ème heure

Finalement, c’est peut-être lorsqu’il est sorti de sa zone de confort que Spike Lee a été le meilleur.
Dans La 25ème heure (24 heures avant la nuit en version québécoise), il suivait les pas de Montgomery « Monty » Brogan, un New Yorkais d’origine irlandaise condamné à une longue peine de prison et vivant sa dernière journée de liberté.
Introspection, autocritique, dégout de la société et de son entourage, peur… Le personnage joué par l’excellent Edward Norton passe par tous les sentiments et n’épargne personne, ni lui-même, ni ses proches, ni le spectateur, ni Spike Lee.

Dans un monologue devenu culte à travers lequel il « emmerde » à peu près tout le monde, le héros malheureux s’en prend notamment aux Noirs de Harlem qui la jouent « perso » sur les terrains de basket et accusent les Blancs dès qu’ils perdent le ballon. Une « punchline » que le réalisateur semble s’adresser à lui-même !

Spike Lee a sans doute autant d’admirateurs que de « haters », c’est en tous cas une forte personnalité du cinéma de ces trente dernières années et l’on peut se demander de quelle manière il se fera remarquer à Cannes au printemps prochain.

AR

Crédit photo : DR
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