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17 octobre 1720, ouverture des états de Bretagne à Ancenis

Après le traité d’Union de 1532, les états de Bretagne, cour souveraine du duché de Bretagne, continuent à se réunir tous les deux ans jusqu’à leur abolition par la Révolution française en 1789. Le 17 octobre 1720, voici tout juste trois siècles, les états ouvrent à Ancenis.

Ils sont en retard sur le calendrier : les états précédents datent de 1717. Mais ces états tenus à Dinan avaient été un désastre. La régence, qui gouvernait la France depuis la mort de Louis XIV en 1715, réclamait à la Bretagne un « don gratuit » de 2 millions de livres. Les états le refusèrent. Ils furent aussitôt dissous par le maréchal de Montesquiou, gouverneur de Bretagne, grand soldat hautain et brutal malgré ses 77 ans. S’ensuivit une répression sévère contre la noblesse bretonne. Elle culmina avec l’exécution de Pontcallec, Couëdic, Montlouis et Talhouët à Nantes le 26 mars 1720. Des dizaines d’autres furent emprisonnés ou exilés.

Les états de 1719 sont donc retardés à 1720. Est-ce reculer pour mieux sauter ? À l’approche du 17 octobre, la noblesse bretonne montre une certaine agitation, elle veut réclamer des réparations. Mais le Régent n’est pas aveugle. Après avoir cautionné les brutalités qui ont suivi les états de Dinan, il a compris son erreur. Il amnistie plusieurs condamnés et, surtout, il remplace Montesquiou par le maréchal d’Estrées avec pour mission d’apaiser tout le monde.

La fourchette et la braguette

Cinq jours avant l’ouverture des états, d’Estrées s’installe à Nantes pour préparer le terrain. Son épouse et lui reçoivent avec la plus extrême amabilité ceux qui ont été exilés ou disgraciés par Montesquiou. Au contraire, ils battent froid ceux qui proclament bruyamment leur soumission à la France.

La bonne chère appuie les beaux discours. « [D’Estrées] commença dès Nantes à tenir soir & matin 4 tables de 18 couverts et les continua à Ancenis pendant tous les États », raconte Jacquelot de Boisrouvray, député de la noblesse bretonne. « C’était dans cette maison une profusion de tout, qui n’est pas compréhensible(1). Deux officiers à peine pouvaient-ils suffire à faire le café, le thé & le chocolat qu’on y prenait à toutes les heures du jour –. Il y avait aussi toute sorte de rafraîchissement qu’on prodiguait jusqu’aux domestiques. – Il y avait huit cuisiniers en chef, & près de 100 aides soit pour la rôtisserie ou pour la pâtisserie. Un des cuisiniers disait à Mme la Maréchale qu’un bœuf paraissait dans la cuisine comme un anchois –. Il y a eu des jours où l’on en a tué jusqu’à trois, & sans comprendre le vin des domestiques, il fut consommé dans cette maison dix mille bouteilles de vin de Bourgogne et de Champagne dans 5 semaines. »

S’y ajoutent, toujours selon Jacquelot de Boisrouvray, des plaisirs moins avouables. Les demoiselles et les dames de la suite de Mme d’Estrées « estoient toutes de très bonne composition. Pour peu qu’on se promenât dans le dortoir, on voyait sortir le galant des cellules & peu après un autre y rentrer. Jamais couvent ne fut plus pollué que celuy des Cordeliers d’ancenys. »

Une main de fer dans un gant de velours

Mais, derrière les déclarations d’amitié et les réceptions conviviales, d’Estrées a habilement truqué les cartes. Aux états de Bretagne sont représentés la noblesse, l’Église et le tiers état. Des deux derniers, le gouvernement n’a rien à craindre. « L’Église, qui n’a aucun intérêt à tout ce qui se traite aux états, & qui attend tout son avancement de la cour, en fait aveuglément les volontés, sans se soucier du bien des peuples », écrit Jacquelot de Boisrouvray.

Quant au tiers état, « choisi selon les désirs des Commissaires, [il] en est absolument l’esclave ». Les nobles même sont affaiblis : un contingent de noblesse « fort équivoque », issu notamment de la mairie de Nantes et dévoué au gouvernement, s’est invité aux états. Et à ceux qui se montreraient trop récalcitrants, d’Estrées ou ses émissaires rappellent discrètement le sort des rebelles de Dinan.

La politique de la main de fer dans le gant de velours porte ses fruits. Les états accordent au Régent les 3 millions de livres du « don gratuit » qu’on leur réclame et renoncent à exiger la réhabilitation des condamnées d’après 1717. Lorsque s’achèvent les états d’Ancenis, la Bretagne est définitivement soumise.

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(1) Un peu quand même : les fournisseurs étaient payés non en monnaie sonnante et trébuchante mais en billets de banque, qui ne vaudraient plus rien à compter du 1er novembre suivant. La nouvelle de la banqueroute de Law n’était pas encore arrivée jusqu’à Ancenis…

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Illustration : [cc] château d’Ancenis, photo Pymouss via Wikimedia
[cc] Breizh-info.com, 2020,
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