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Patriotisme solidaire de Benedikt Kaiser.

Benedikt Kaiser est un écrivain allemand qui évolue dans les sphères de la Nouvelle droite. Il est membre de la rédaction du magazine Sezession et travaille en tant que lecteur aux éditions Antaios, dirigées par Götz Kubitschek et implantées à Schnellroda en Saxe-Anhalt. Il développe des idées sociales et dénonce la dérive d’une partie de la sphère patriotique vers le néo-libéralisme. 

Auteur de plusieurs ouvrages, notamment de Marx von rechts (Marx vu de droite), un livre écrit en collaboration avec Alain de Benoist et l’écrivain italien aux idées sociales et opposé à la mondialisation et à l’immigration Diego Fusaro, Benedikt Kaiser a publié en 2020, chez Antaios, Solidarischer Patriotismus. Die soziale Frage von rechts(Patriotisme solidaire. La question sociale vue de droite). 

Au sein de cette publication, il plante la question sociale au milieu des idées patriotiques. Pour lui, l’expression « patriotisme solidaire » renvoie à une vision constructive et orientée vers le futur d’une économie sociale de marché visant à réaliser une communauté solidaire et patriotique basée sur le mérite. Le patriotisme solidaire emprunte des éléments à la gauche et à la droite et se veut une réponse de droite à la question sociale. 

Benedikt Kaiser oppose l’économie sociale de marché fondée sur l’ordo-libéralisme, qui voit l’État – qui protège la propriété privée, le marché libre et la liberté de commerce – créer les conditions de la saine concurrence permettant au consommateur de contribuer à déterminer par la demande le prix des produits, et le néo-libéralisme, qui impose des monopoles économiques et tente d’anesthésier l’État tout en prônant la dérégulation, la privatisation et l’austérité financière. 

Le néolibéralisme ne se limite pas à la sphère économique mais abrite un modèle social et une représentation de l’individu qui conduit à l’atomisation de la société et à l’individualisme et qui atteint profondément la psyché et pousse les individus à être flexibles et prêts aux risques.

La critique de droite du capitalisme n’est pas un fait nouveau. Diverses tendances de droite l’ont réalisée au fil du temps, depuis des conservateurs prussiens de la moitié du XIXsiècle jusqu’à des théoriciens de la Nouvelle droite au cours des années 1980, en passant par des écrivains de la Révolution conservatrice après la Première Guerre mondiale. 

La question sociale autrefois 

La naissance de la question sociale en Allemagne ne peut être définie en tant qu’événement singulier ayant eu lieu à un moment et à un endroit donné. Elle résulte de différents processus importants – de changement technologique, politique et institutionnel, mais avant tout économique – qui se sont déroulés au cours du premier tiers du XIXe siècle et qui ont conduit à une métamorphose de la société et à l’apparition d’une constellation de nouveaux problèmes, tout particulièrement au sein d’États connaissant l’industrialisation et la prolétarisation. À cette époque, le système économique issu du Moyen Âge a laissé la place à la production de masse. 

La révolution industrielle a signifié la construction d’une nouvelle société, au-dessus et à côté de l’ancienne. Celle des paysans et travailleurs manuels dominée par la noblesse est recouverte par une autre, régie par la haute-bourgeoisie et la bourgeoisie pour lesquelles travaille le prolétariat. Le passage du féodalisme au capitalisme et la question sociale qui en découle produisent de nouvelles classes avec leur propre conscience. Les idées s’affrontent. La question sociale, qui se développe alors que les travailleurs sont toujours employés dans de petites entreprises, devient la plus importante après la question nationale. 

L’industrialisation massive de l’Allemagne commence lors de l’unification du pays en 1870-71. 

Avant la Première Guerre mondiale, l’idée est répandue que la société capitaliste-bourgeoise – dont les bases sont : économiquement, le capitalisme de concurrence ; socialement, la société de classe ; politiquement :  le parlementarisme ; moralement : l’individualisme – touche à sa fin et que le temps de son remplacement est venu. 

La Première Guerre mondiale soude la société allemande face aux Occidentaux et aux Russes. La défaite libère, en revanche, des forces révolutionnaires à gauche de l’échiquier politique, prônant la socialisation de l’économie et le système des conseils, ce qui doit conduire, selon la vision du prolétariat, à l’amélioration des conditions matérielles des travailleurs. Sous la pression de la gauche, la jeune République allemande prend en 1919 des mesures afin d’apaiser la révolte sociale, notamment les huit heures de travail par jour. La Constitution impériale de Weimar contient des dispositions aux orientations sociales. Au cours des années 1920, des individus se dépolitisent et font la fête alors que d’autres se politisent et sont prêts à affronter physiquement les représentants d’autres tendances politiques que la leur. Sous le Troisième Reich, un compromis de classe a lieu alors que la question sociale est secondaire pour les nationaux-socialistes et que l’Allemagne est ramenée au plein emploi. 

Benedikt Kaiser cite l’historien économique Werner Abelshauser qui affirme que les bombardements des Alliés ont frappé sept fois plus le peuple et les installations de transport que la production d’armements. En conséquence, les industriels ne souffrent pas de grosses pertes, alors que la classe moyenne et le prolétariat sont touchés fortement. Les agriculteurs se sont, par contre, enrichis. 

Après la guerre, l’Allemagne est coupée en deux. Dans l’Ouest, l’ordo-libéralisme et le plan Marshall apportent la prospérité. Le néo-libéralisme pénètre, cependant, déjà le système au cours des années 1970 et triomphe dans la décennie 1980. Au début des années 1990, la réunification fait se rencontrer ce système et celui de la stagnation administrative autoritaire de l’Allemagne de l’Est qui n’avait pas reçu les avantages d’un plan Marshall, mais avait été frappé par l’Union soviétique de mesures de réparation lui faisant perdre de 1945 à 1948 plus de 30 % de sa capacité industrielle. 

La réunification de l’Allemagne est une absorption de l’Est par l’Ouest. Seulement 5 % du capital des entreprises moyennes et grandes tombent aux mains d’Allemands de l’Est. Ces derniers subissent un fort chômage et nombre d’entre eux se sentent des citoyens de seconde zone. 

Le néo-libéralisme triomphe en Allemagne. Les employeurs ne se sentent plus menacés par l’« autre système », qui a disparu, et n’ont donc plus à faire de « cadeaux » aux travailleurs pour le contrer. La précarisation d’une partie de la population s’installe. Des pans entiers de l’industrie sont privatisés et l’État est laissé seul face aux problèmes sociaux. « Les bénéfices sont privatisés et les pertes socialisées. » Une société de la promotion et de l’intégration sociale laisse la place à une société de la chute sociale, de la précarité et de la polarisation. 

La question sociale aujourd’hui 

Benedikt Kaiser aborde les questions qui se posent à la société allemande actuelle : chômage, chômage caché, chômage de longue durée, pauvreté relative, pauvreté absolue, travailleurs pauvres, bas salaires, travail précaire, conditions de vie précaires, retraites précaires, très riches payant proportionnellement peu d’impôts, érosion de la classe moyenne suite au triomphe d’oligopoles et de monopoles. 

Il met en avant le fait que la couche sociale inférieure est de plus en plus précarisée, ainsi qu’une partie de la classe moyenne en cours de déclassement. En conséquence, une majorité de la population du pays est fragilisée économiquement. La politique des partis en place est, par contre, influencée par des diplômés de l’enseignement supérieur ouverts au monde et à la société multiculturelle, prônant des idées néo-libérales progressistes et issus de la partie de la bourgeoisie disposant de moyens financiers. Ces « anywhere » (ceux de partout) imposent leur hégémonie au reste de la population, aux « somewhere » (ceux de quelque part). 

La question sociale demain 

La société du futur est basée sur la digitalisation et l’industrie 4.0. Nous vivons déjà sous le règne de l’hégémonie grandissante du travail immatériel (intellectuel, scientifique, technologique). Dans ce monde, les capitalistes, notamment les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), sont plus puissants qu’autrefois, car, en plus des machines, ils contrôlent les communications et le savoir technique.  

Benedikt Kaiser aborde des solutions envisageables pour tenter de lutter contre cette évolution vers la globalisation, notamment le développement de structures économiques régionales ou locales, un contrôle strict par l’État des activités des grandes entreprises, la mise en place de coopératives, … 

Positionnement de la Nouvelle droite 

Pour la Nouvelle droite, le politique doit primer sur l’économique, comme le pensent, en opposition aux conceptions des libéraux, les conservateurs. Si tel n’est pas le cas, l’État se transforme lui-même en butin, puisque les néo-libéraux veulent le réduire en privatisant certaines de ses activités. 

De plus, les libéraux, qui considèrent que l’humain est un objet en tant que travailleur et aussi comme consommateur, ont une conception de l’individu qui n’est pas partagée par la Nouvelle droite. Cette dernière ne croit pas à l’émancipation totale de l’humain et à la personne abstraite agissant de manière rationnelle sur un marché économique idéal imaginaire ou dans un cadre politique modèle. Elle conçoit un individu concret complexe façonné par son identité familiale, régionale, ethnique ou nationale ; celle-ci ne constituant cependant pas un déterminant absolu, car chaque individu dispose d’une relative liberté de conception et de décision.

Elle adhère à une vision sceptique et identitaire de l’homme, soit praticable, soit en tant qu’objectif atteignable, qui considère que l’humain a besoin d’une communauté et d’institutions le stabilisant. 

En outre, la Nouvelle droite reconnaît le rôle mobilisateur des mythes nationaux et sociaux ainsi que des utopies politiques et s’oppose au concept post-politique imposé par les néo-libéraux visant à établir l’idée qu’aucune alternative à la mondialisation n’est possible. Les privilégiés du système – multinationales, acteurs de la finance, couche bureaucratique parasitaire supranationale institutionnalisée composée d’ONG, de l’Union Européenne et de l’ONU – constituent une sorte de nomenklatura qui défend ses prébendes en soutenant le primat de l’économie et l’idée de post-histoire. Le politiquement correct empêche la contestation des idées dominantes. Les libéraux sont favorables à la libre circulation des capitaux et sont donc peu enclins à la souveraineté nationale, alors que le socialisme est officiellement, dans sa version marxiste, internationaliste, mais dans les faits est appliqué par un État et donc limité au territoire régi par ce dernier. 

L’auteur estime que Margaret Thatcher, bien qu’elle ait développé une rhétorique utilisant les termes « famille, autorité, devoir et tradition », n’a pas, en fait, réalisé les buts des conservateurs, mais a seulement pratiqué une réforme fiscale qui a conduit à une répartition différente de la richesse au sein des différentes couches de la société britannique. De plus, elle a miné la « britannité » de l’économie – tout en faisait appel à celle de ses électeurs – en ouvrant l’économie de son pays aux gros investisseurs étrangers et leur a livré une partie de la fortune de l’État et du peuple, tout en privilégiant l’immigration de masse.   

Pour les globalistes, l’idéal est : pas de frontières, pas d’identités et pas de conflits. 

Un patriotisme solidaire 

Dans le futur, la question sociale, qui a joué un rôle important au cours de l’histoire, se posera une nouvelle fois, mais de manière exacerbée. Le patriotisme solidaire peut constituer une réponse à cette situation. Il nécessite une relative homogénéité ethnique – pour que un développement de la solidarité et un faible niveau de délinquance – et sociale – une différence pas trop importante entre les revenus –, la forte taxation des revenus oisifs du capital, la sécurité physique et sociale, la libération de l’État de l’emprise des forces financières et la sécurisation de sa souveraineté, le retour de l’État construisant le cadre d’une politique et d’un économie alternative – les industries et les domaines clés aux mains d’acteurs publics ne cherchant pas le profit maximum –, la libre concurrence pour des forces libres où cela est possible et ailleurs sa limitation par l’intervention de l’État, la limitation des structures monopolistiques au profit des petites et moyennes entreprises, l’éducation à l’autonomie plutôt qu’à la dépendance, une économie locale et régionale. Le patriotisme solidaire nécessite un changement fondamental de pensée. 

Source : Benedikt Kaiser, Solidarischer Patriotismus. Die soziale Frage von rechts, Antaios, Schnellroda, 2020.

Lionel Baland

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Une réponse à “Patriotisme solidaire de Benedikt Kaiser.”

  1. costaz guy dit :

    La Primauté absolue autant de la Finance que de l’ Economie dans laNation , n’est-elle pas due à la dévaluation de celle-ci liée aux guerres fratricides autant qu’ à l’idéal triomphant d’ une idéologie de fraternité absolue et universelle entre les hommes , l’ anthropologie même étant ramenée à une science négative , voire
    pernicieuse ?…

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