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SNCF en Bretagne. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation

Dans un entretien accordé au Télégramme (mercredi 13 juillet 2022), Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, avait droit à la question qui taraude les Brestois, élus et hommes d’affaires : « Qu’en est-il de la promesse de la LGV avec un Paris-Brest en 3 heures, alors qu’on en reste à 3 h 30 ? » Réponse peu langue de bois du PDG : « Ce n’est déjà pas si mal. Vous demanderez aux Toulousains ou aux Clermontois ce qu’ils en pensent … En vérité, pour gagner une demi-heure, il faut investir plusieurs milliards d’euros. Est-ce indispensable ou faut-il utiliser cet argent pour financer d’autres priorités du développement du ferroviaire ? » Une première salve est tirée par Bernadette Malgorn, ancien préfet de Bretagne, et présentement conseiller municipal de droite et d’opposition à Brest : « Votre entretien dans Le Télégramme de Brest, révèle, pour ceux qui avaient encore des illusions, le caractère peu prioritaire que porte la SNCF au désenclavement ferroviaire complet de la pointe bretonne, qui passe par l’atteinte de l’objectif des trois heures pour les trajets Paris-Brest et Brest-Paris. » Suit une observation difficilement contestable : « Vous semblez considérer que Paris-Brest en 3 h 30, « ce n’est pas déjà pas si mal ». Ce serait certes un progrès par rapport à la situation actuelle. En effet, d’après le site de la SNCF, les trajets Paris-Brest et Brest-Paris durent en moyenne environ 4 heures, la durée de 3 h 30 ne concerne qu’un nombre limité de trajets les plus rapides. Il ne s’agit donc pas de « gagner une demi-heure » mais d’une heure en moyenne pour des millions de voyageurs, soit des millions d’heures qui ont autant de valeur que celles des voyageurs d’autres azimuts. » (Le Télégramme, samedi 23 juillet 2022)

François Cuillandre (PS), maire de Brest et président de Brest Métropole, réagit à son tour ; il développe également la question de la durée du voyage : « En réalité, aujourd’hui, le temps moyen de trajet entre Paris et Brest-Quimper est de près de quatre heures et ne permet pas d’effectuer, ou très difficilement, un aller-retour dans la journée. Ce constat est largement partagé depuis de nombreuses années par l’ensemble des élus (..), la question de l’accessibilité de la pointe bretonne, qu’elle soit portuaire, aéroportuaire et ferroviaire, reste un enjeu majeur et une condition indispensable pour son développement et son attractivité. » N’oublions pas les engagements de l’Etat : « Brest-Quimper à trois heures de Paris et une heure et demie de Rennes est un engagement de l’Etat, acté dans le pacte d’accessibilité et de mobilité pour la Bretagne, et qui reste l’un des objectifs du projet Liaisons nouvelles Ouest Bretagne-Pays de la Loire. C’est pour contribuer à l’atteinte de cet objectif que Brest Métropole et les collectivités de la pointe bretonne ont participé aux investissements passés qui ont permis d’améliorer le temps de parcours entre Rennes et Paris. » (Le Télégramme, samedi 23 juillet 2022)

Beaucoup de milliards

Le hasard a voulu qu’au début de ce même mois, Ouest-France (Ille-et-Vilaine, mercredi 6 juillet 2022) publie une carte avec le coût des différents projets d’amélioration des mobilités ferroviaires en Bretagne. Nouvelle ligne potentielle Rennes-Lamballe : 1 milliard d’euros pour un gain de 10 minutes. Nouvelle ligne potentielle Morlaix-Landerneau : 1,5 milliard d’euros pour un gain de 11 minutes. Le même problème financier se pose pour la liaison Nantes-Rennes ; une ligne nouvelle Rennes-Redon coûterait 1,25 milliard d’euros pour un gain de 11 minutes. Si on considère ensuite l’aménagement et le relèvement de la vitesse entre Redon et Nantes, l’ensemble de l’opération atteindrait 2,2 milliards d’euros pour un gain de 25 minutes. Pour le dossier Nantes-Rennes, les élus de Vallons de Haute Bretagne et de Porte de Loire communauté ont fait leurs calculs : « La consommation foncière d’une ligne nouvelle est de 11 à 12 hectares par kilomètre soit jusqu’à 600 ha de terres agricoles ou naturelles pour 50 kilomètres de rails et gagner 11 minutes entre Rennes et Nantes avec un coût de 1,25 milliard estimé en 2014. » Pierre-Yves Reboux, maire de Val d’Anast, comme les autres maires du pays des Vallons de Vilaine (36 communes), est hostile au projet : « Avec la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains), l’économie du foncier est devenue un des piliers des documents d’urbanisme. Avec la loi climat et résilience, à l’horizon 2050, les collectivités seront dans l’obligation sur le zéro artificialisation nette des terres et, à contre-courant, on voit émerger un projet qui va consommer des terres agricoles. » En clair, le tracé traverse des espaces humides dans le secteur de Val d’Anast et du pays de Redon, espaces qu’il faudra compenser.

Vu l’importance de tous ces chiffres, il faudra bien que la sagesse et le réalisme l’emportent. Ainsi, pour économiser une vingtaine de minutes entre Nantes et Rennes, la solution la plus simple est de faire passer les trains par Châteaubriant ; la ligne existe déjà et semble tout à fait apte à accueillir des TER nouvelle génération (hydrogène). Quant aux liaisons Rennes-Brest et Rennes-Quimper, pour gagner de « précieuses » minutes, on pourrait songer à faire ce qui fut déjà fait dans le passé avant la mise en service du train Corail : aplanir et raboter certaines sections de voies ; ça coûte des millions mais pas des milliards. Et si cela ne suffit pas, afin de donner satisfaction aux élites de Quimper et de Brest, un « train d’affaires » quittant leur ville tôt le matin et rejoignant Rennes sans arrêt permettrait certainement de récupérer la fameuse demi-heure. Même régime pour le retour en soirée.

 Il ne faut pas oublier Loudéac et Pontivy

On observe que la SNCF a lancé un « Ouigo train classique » au départ de Nantes à destination de Paris-Austerlitz. On a affaire à des trains Corail, remis en état et entièrement relookés. « Il manquait une offre à petit prix pour ceux qui veulent voyager sur les lignes classiques à moindre coût », explique Stéphane Rapebach, directeur général Ouigo. Pour ceux qui ne sont pas pressés (3 h 30 à 4 h 15), pour ceux qui veulent payer moins cher (10 à 30 euros), pour ceux qui veulent se rendre dans une ville où le TGV ne s’arrête pas (Angers, Le Mans, Chartres, Versailles pour l’itinéraire nord et Angers, Saumur, Saint-Pierre-des-Corps, Blois, Les Aubrais pour l’itinéraire sud, et Massy et Juvisy dans les deux cas), c’est la bonne solution (Presse Océan, lundi 11 avril 2022). Faut-il parler de discrimination ? En effet Rennes semble avoir été oubliée par le « Ouigo train classique ». Et que dire de Quimper et de Brest…

Améliorer tout ce qui va vers la capitale va dans le sens de la « modernité », mais, pour autant, il ne faut pas oublier l’aménagement du territoire breton. Ce qui signifie ne pas abandonner la Bretagne intérieure. Il n’y a pas que Châteaubriant qui a besoin d’être désenclavée avec une liaison de bonne qualité Nantes-Rennes. Il faut que Loïg Chesnais-Girard pense à réactiver l’ancienne ligne Auray-Pontivy-Loudéac-Saint-Brieuc. Non seulement on pourrait voir là une décision politique – ne pas tout donner aux métropoles et faire un effort pour la ruralité -, mais encore ce serait un bon moyen pour redonner de l’activité à des petites villes.

Bernard Morvan

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
[cc] Breizh-info.com, 2022, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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Une réponse à “SNCF en Bretagne. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation”

  1. breizh dit :

    il n’y a qu’à prendre l’avion : cela fera toujours moins de CO2 que la construction d’une voie nouvelle.
    Si non, il y a le télétravail, les vidéo conférences…
    vu l’endettement et la gestion de la SNCF, il y a peut-être d’autres priorités.

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