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Elections européennes 2024. Une élection pour rien et une dissolution piège

Les électeurs des pays membres de l’Union Européenne ont été appelés à élire leurs représentants au Parlement européen le dimanche 9 juin 2024. A cette occasion, le nombre de députés européens a été porté de 705 à 720, et le nombre de députés français de 79 à 81. Sauf exception, les décisions du Parlement Européen sont prises à la majorité absolue qui sera donc désormais de 361 voix ou plus. Traditionnellement, les représentants des Etats membres se constituent en groupes en fonction non de la nationalité, mais de leur relative proximité politique. Au cours de la précédente législature, on comptait 7 groupes politiques. Les députés qui ne participent pas à un groupe siègent en qualité de non-inscrits.

Les attributions du Parlement Européen sont limitées en ce sens qu’il est concurrencé par le Conseil de l’Union Européenne qui peut aussi adopter des lois dans le cadre d’une procédure législative spéciale, mais surtout en ce sens que le Parlement Européen n’a pas l’initiative des lois, cette compétence étant un monopole de la Commission Européenne. Aucun des groupes politiques n’ayant un effectif suffisant pour lui permettre d’atteindre la majorité absolue, le processus législatif suppose que certains groupes associent leurs votes pour dégager une majorité.

En France, le scrutin du 9 juin 2024 a été marqué par une certaine continuité en matière de participation, mais aussi par plusieurs ruptures politiques majeures. A titre liminaire, on note une évolution du corps électoral, les électeurs inscrits étant passés de 47 345 328 en 2019 à 49 462 858 en 2024, soit une augmentation de 2 117 530 personnes en 5 ans. Si l’on considère que le taux de fécondité des Françaises est inférieur à 2 depuis le milieu des années 1970, on doit admettre que cet accroissement trouve son origine dans une immigration associée à une politique de naturalisations.

La continuité se manifeste par une participation d’un peu plus de la moitié des électeurs inscrits, ayant représenté 50,12 % d’entre eux en 2019 et 51,49 % en 2024, ce qui montre que les élections européennes ne sont pas les consultations qui mobilisent le plus les citoyens. Les ruptures en revanche sont sensibles. Ainsi, le parti présidentiel a perdu 1 464 465 voix, passant de 5 079 015 suffrages en 2019 à 3 614 550 en 2024. Rapportée aux suffrages exprimés, la majorité présidentielle bénéficiait de la confiance de 22,42 % des électeurs en 2019 ; cette confiance est tombée à 14,60 % en 2024. Peut-être la conjoncture économique peut-elle en partie expliquer cette sanction. Mais les raisons sont sans doute plus profondes et les Français ont pu vouloir sanctionner, entre autres, la farouche répression du mouvement des Gilets Jaunes, la calamiteuse gestion de la pandémie de covid-19, la très impopulaire réforme des retraites ou encore les lois « sociétales » consacrant la réification de l’homme.

Autre rupture sensible : la progression très nette du vote en faveur du Rassemblement National, qui a gagné 2 478 831 voix en 5 ans. Ce succès s’inscrit dans la continuité de celui remporté lors des élections législatives de juin 2022, alors que les élections municipales de 2020 et que les élections départementales et régionales de 2021 avaient été des échecs pour le RN. Les raisons de ce succès doivent être recherchées dans l’évolution de ce parti autant que dans l’impopularité du Président de la République. Ainsi, à défaut d’être animée par « une certaine idée de la France » ou de porter un programme convaincant, Marine Le Pen a parfaitement appliqué les règles de la politique-spectacle en lissant son discours, mais aussi en organisant sa succession, ce qui a transformé l’image de son parti. D’autre part, le RN a également bénéficié du soutien tacite du pouvoir qui l’a désigné comme adversaire principal, favorisant sa visibilité et contribuant à lui donner la crédibilité qui lui manquait. Enfin, la relative libération du discours politique visant à dénoncer une certaine immigration et ses conséquences sur la société française n’a pu qu’ajouter au succès du RN que nombre d’électeurs considèrent encore, à tort ou à raison, comme un parti hostile à l’immigration.

On observe aussi une rupture dans le retrait des autres partis politiques. Si le parti socialiste talonne la majorité présidentielle avec 13,83 % des suffrages exprimés, La France Insoumise est à 9,89 %, Les Républicains à 7,25 %, Europe Ecologie à 5,5 %. Les autres partis politiques, et notamment les partis souverainistes, n’atteignent pas 5,5 % des suffrages exprimés. On constate donc une recomposition de la scène politique autour d’une part, de la majorité présidentielle, et d’autre part, du RN.

Au final, le RN enverra donc 30 représentants français au Parlement européen, et la majorité présidentielle en enverra 13. Sachant que les députés français siégeront au sein de groupes politiques, le succès du RN et l’échec de Renaissance permettront-ils un changement ? Pendant la législature 2019-2024, sept groupes étaient constitués : le Parti Populaire Européen, avec 176 membres ; les Socialistes et Démocrates, avec 145 membres ; Renew Europe, avec 103 membres ; les Verts avec 72 membres ; Identité et Démocratie avec 65 membres ; les Conservateurs et Réformistes Européens, avec 64 membres ; enfin, le Groupe de la Gauche avec 39 membres. Le Parlement comptait également 41 élus non-inscrits. Les élus RN siégeaient au sein du groupe Identité et Démocratie et les élus français de la majorité présidentielle au sein du groupe Renew Europe. La nouvelle composition des groupes politiques au Parlement européen est susceptible d’évoluer. Cependant, une première projection réalisée le soir des élections donnait les résultats suivants : Parti Populaire Européen : 184 ; Socialistes et Démocrates : 139 ; Renew Europe : 80 ; les Verts : 52 ; Identité et Démocratie : 58 ; Conservateurs et Réformistes Européens : 73 ; la Gauche : 36. Les députés restants étaient considérés comme non-inscrits. Cette projection montre que si des changements sont intervenus au sein de certains groupes politiques, ces changements restent trop marginaux pour modifier les rapports de force au Parlement Européen. L’échec du parti présidentiel en France, et le succès du RN ne devraient donc pas avoir d’influence notable ce qui permet de parler d’une élection pour rien au Parlement Européen, mais aussi d’une élection ayant une conséquence nouvelle en France.

Mesurer le poids d’une formation politique en considération des seuls suffrages exprimés manque un peu de pertinence en ce sens que l’existence des abstentionnistes n’est pas prise en compte. Or, l’abstention étant une opinion exprimée par défaut, il est intéressant de rapporter les suffrages obtenus à l’ensemble des électeurs inscrits. On mesure ainsi qu’en 2019, la majorité présidentielle ne représentait en réalité que 10,73 % des électeurs et le RN 11,17 %. En 2024, la majorité présidentielle rassemblait 7,31 % des électeurs tandis que le RN en représentait 15,70 %. On observe donc que les deux partis qui étaient à peu près à égalité dans l’opinion en 2019 ont évolué de façon inverse, la majorité présidentielle perdant la confiance des Français tandis que le RN parvenait à mieux convaincre les électeurs. Mais on observe aussi que le poids réel des deux partis qui se disputent les suffrages des Français reste modeste, et qu’une nouvelle consultation électorale pourrait, suivant le contexte ou des alliances de circonstance, présenter des résultats fort variables.

Est-ce la raison pour laquelle le Président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale ? Si la brièveté du délai qui s’est écoulé entre la proclamation du résultat de l’élection européenne en France et l’annonce faite par Emmanuel Macron montre que ce cas de figure avait sans doute été envisagé de longue date par le locataire de l’Elysée, les conséquences de cette décision apparemment murement réfléchie pourraient bouleverser la vie institutionnelle en France.

En effet, on se souvient que l’argument suprême qui avait été mis en avant au moment où les Français ont été appelés à décider de la durée du mandat présidentiel portait sur la volonté d’éviter les cohabitations politiques en faisant coïncider les mandats présidentiel et législatif. Il est permis de mesurer la valeur d’une décision présidentielle qui pourrait conduire à une nouvelle cohabitation et donc, qui contrevient à la volonté manifestée par le Peuple français lors du référendum du 24 septembre 2000. Mais il eut fallu alors interdire aussi au Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, ce qui ne fut pas fait. On peut donc admettre que la dissolution est légale, tout en s’interrogeant sur sa légitimité et, surtout, sur les arrière-pensées d’Emmanuel Macron.

Plusieurs cas de figure peuvent se présenter, qui reposent sur l’effectif requis pour disposer de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, fixé aujourd’hui à 289. Si un parti politique, en l’occurrence le RN, obtenait 289 élus à l’issue de l’élection législative des 30 juin et 7 juillet 2024, ce parti disposerait de la possibilité de voter seul les lois s’il soutenait le Gouvernement, ou, au contraire, de rejeter les lois s’il ne soutenait pas le Gouvernement. Clairement, le Président de la République pourrait difficilement éviter une cohabitation si le RN avait 289 députés ou davantage. Dans le cas contraire, les choses dépendraient de la capacité du RN à s’entendre avec les élus d’autres formations politiques pour constituer une majorité à l’Assemblée. L’impopularité du Président de la République permet de douter sérieusement d’un succès du parti présidentiel à l’élection législative. Dans le cas où le RN n’aurait pas d’élus en nombre suffisant, il est à craindre que le fonctionnement parlementaire ne renoue avec les travers des IIIe et IVe Républiques.

Un échec électoral du RN confirmerait en apparence la pertinence de la dissolution. Toutefois, cet échec – relatif eu égard à la progression de ce parti politique dans l’opinion – permettrait aussi au RN de préparer dans les meilleures conditions l’élection présidentielle de 2027 en s’appuyant sur l’impopularité persistante du Président de la République et en profitant de la faiblesse des autres formations politiques.

Paradoxalement, un succès du RN aurait vraisemblablement pour conséquence de confronter ce parti à l’épreuve du Gouvernement dans le cadre difficile d’une cohabitation et dans le contexte d’une situation politique, économique et sociale particulièrement dégradée. L’expérience a montré que les Premiers Ministres de cohabitation ne sont jamais parvenus à la Présidence de la République en raison de l’usure accélérée du pouvoir associée à un relatif travail de sape présidentiel. C’est peut-être là que se trouve le piège d’une dissolution dont tout porte à croire qu’elle sera un échec pour le Président de la République… Et peut-être aussi pour le vainqueur de l’élection, quel qu’il soit.

André Murawski

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3 réponses à “Elections européennes 2024. Une élection pour rien et une dissolution piège”

  1. Maury dit :

    « 361 voies ou + » est une majorité relative. Absolue, non. Ce parlement est un attrappe couillons qui ne sert à rien. Parmi ses grandes décisions,
    La composition du bâton du bâton tige,
    La nationalité de la fêta,
    La qualité des capotes…..
    Son unique rôle réside dans l’illusion de démocratie qu’il envoie.

  2. Elizabeth du MESNIL dit :

    Rigoureusement exactes les précisions de aMaury.

  3. gautier dit :

    ce parle-ment ne travaille pas pour les pays Européen, il travail pour l’hégémonie Américaine, qui veut une confrontation avec la Russie, et se sert de nous pour aller au combat et nous autodétruire ! Maron, surtout son éminence noir  » Alexis KOHLER  » ( mafia Italienne ) continu à vendre nos entreprises !

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