Ce vendredi soir, Thomond Park s’apprête à vivre bien plus qu’un simple derby de l’URC entre Munster et Ulster. Pour les supporters du Munster, les amateurs de rugby et tous ceux qui ont l’Irlande au cœur, c’est une page d’histoire qui va se tourner. Peter O’Mahony, le capitaine aux cent batailles, disputera son dernier match dans le stade mythique de Limerick (il jouera néanmoins encore au moins un match à Musgrave Park, à Cork, dans quelques jours face à Trévise, mais pour Thomond park, ce sont ses adieux). Un adieu vibrant, sans chichis, à l’image d’un homme forgé dans l’acier de la tradition irlandaise.
Une vie en rouge
Né à Cork, formé à la rudesse des terrains de Presentation Brothers College et des joutes de l’All-Ireland League avec Cork Constitution, Peter O’Mahony n’a jamais triché. Depuis ses débuts avec Munster en 2010, il incarne ce que cette province a de plus noble : la loyauté, la rage du maillot, la science du plaquage. Presque 200 apparitions avec le maillot rouge, une fidélité sans faille, et des performances de légende dans la boue des classiques européens.
Thomond Park, théâtre de ses exploits, de ses charges furieuses et de ses regards noirs envers l’arbitre ou l’adversaire, va lui dire au revoir. O’Mahony l’admet lui-même : l’émotion sera là. « Ce stade m’a tout donné : des amis, des souvenirs, du sens. » Mais, à 35 ans, alors que les douleurs musculaires s’invitent un peu plus souvent et que les lendemains de match sont plus longs, le flanker sait que le temps est venu de tirer sa révérence. Non sans avoir livré un ultime combat face à Ulster, pour permettre au Munster d’arracher une place en phase finale.
Guerrier d’Irlande, héros du peuple
Le palmarès parle pour lui : 114 sélections avec le XV du Trèfle, deux Grands Chelems, de nombreux participations en Coupe du Monde, et ce brassard vert qu’il porta encore récemment lors du Tournoi 2024. Il a été capitaine des Lions Britanniques lors de la tournée en Nouvelle-Zélande, mais aussi homme du match face aux All Blacks à Dublin, et même sifflé à Murrayfield (6 nations 2025), ce qu’il considère comme « un des plus beaux compliments » de sa carrière.
Mais au-delà des statistiques, c’est sa posture qui restera. Celle d’un capitaine à l’ancienne, rugueux mais juste, grognard élégant au service de sa patrie. Un joueur que les autres suivent, même dans la défaite, même quand le vent souffle de face.
O’Mahony le dit : il ne veut pas d’un au revoir larmoyant. Il veut un match gagné. Parce qu’un dernier soir à Thomond ne peut être célébré que dans la victoire. Il sait que les Ulstermen ne viendront pas en visiteurs polis. Mais il veut quitter Limerick sur une conquête, une ligne cassée, un ballon gratté dans un ruck asphyxiant. Pour lui, c’est toujours le terrain qui compte, pas les tribunes ni les flashs.
Il y aura des chants, sans doute quelques larmes. Mais surtout, une fierté immense. Celle de voir sortir du tunnel pour la dernière fois ce flanker au regard d’acier, à la mèche tombante et à la démarche de paysan irlandais venu moissonner des ballons et des victoires.
Il le dit sans amertume : « Je vais sûrement avoir mal au cœur l’année prochaine en regardant les autres entrer sur la pelouse. » Mais il part en homme debout, après avoir tout donné. Le rugby irlandais lui doit beaucoup, le Munster encore plus. Il n’a jamais cherché la gloire. Il laisse ça aux statisticiens. Lui, ce qu’il laisse, ce sont des traces dans les corps, des frissons dans les tribunes, et une empreinte indélébile dans l’âme du rugby celte.
YV
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