La Communauté de communes Bretagne Romantique (CCBR), regroupant 25 communes et environ 37 000 habitants, fait l’objet d’un rapport critique de la Chambre régionale des comptes de Bretagne. Ce contrôle, portant sur la période 2018-2023, met en évidence une situation financière très favorable, mais une gestion peu ambitieuse, voire immobile, face aux enjeux du territoire.
Une intercommunalité riche… mais sous-investie
Premier constat : la santé financière de la CCBR est excellente. L’excédent de fonctionnement brut atteint plus de 3,3 millions d’euros fin 2023, avec une trésorerie nette de 10 millions d’euros et une capacité de désendettement largement en deçà des seuils d’alerte (moins de deux ans). Pourtant, cette aisance n’est pas mobilisée efficacement.
L’exécution des investissements est jugée « décevante ». La programmation, jugée irréaliste, souffre de délais de décision trop longs et de moyens humains limités. La communauté ne recourt quasiment pas à l’emprunt, préférant financer les équipements sur ressources propres, au détriment d’une vision d’aménagement à long terme. Ce choix aboutit à une sous-utilisation manifeste de la capacité d’action de la collectivité.
Une fiscalité locale mal calibrée
Paradoxalement, cette stratégie prudente s’accompagne d’une pression fiscale jugée élevée. La CRC souligne le recours significatif au levier fiscal (notamment via les taux), sans que cela soit justifié par une politique d’investissement digne de ce nom. En 2024, la collectivité a introduit une taxe foncière intercommunale, renforçant encore ce paradoxe entre abondance de ressources et timidité dans l’action.
Les magistrats invitent la collectivité à réviser ses prévisions budgétaires, à recourir davantage à l’endettement de long terme – qui permet de faire peser les charges sur plusieurs générations – et à questionner l’utilité d’outils coûteux comme les fonds de concours. À la place, une dotation de solidarité communautaire est recommandée, pour rééquilibrer les moyens entre les communes membres.
Une gouvernance limitée et un projet de territoire introuvable
Le fonctionnement institutionnel, bien que formellement correct, est pénalisé par la dispersion géographique des communes et des intérêts parfois divergents. La définition de l’intérêt communautaire reste faible, souvent réduite à une logique de prestations de services. Résultat : il n’existe pas de véritable projet de territoire, ni de pacte financier et fiscal à jour – celui en vigueur est jugé « largement obsolète ».
La structure même de la CCBR, éloignée des grands axes Rennes-Saint-Malo, rend la cohérence territoriale difficile à établir. Le dynamisme démographique est réel, mais les retombées fiscales sont limitées. L’emploi local reste en retrait par rapport à une population très active, qui travaille majoritairement en dehors du territoire.
Des recommandations claires et pressantes
Le rapport appelle la CCBR à :
- Renforcer ses capacités d’investissement avec des objectifs réalistes.
- Mieux répartir ses ressources via un pacte financier refondu.
- Réduire la pression fiscale sur les ménages en élargissant les bases plutôt qu’en augmentant les taux.
- Reconsidérer l’usage des fonds de concours et privilégier des outils de solidarité.
- Structurer un projet de territoire ambitieux pour justifier son niveau de ressources.
La Chambre régionale des comptes ne remet pas en cause la probité ni la gestion quotidienne de la Bretagne Romantique, mais pointe un manque d’ambition flagrant. À l’heure où les communes rurales cherchent à valoriser leur attractivité et à offrir des services à la hauteur des attentes des habitants, l’immobilisme ne saurait suffire.
La balle est désormais dans le camp des élus communautaires. Sauront-ils saisir cette interpellation comme une opportunité de redonner du sens à l’intercommunalité ? Ou choisiront-ils la voie d’une prudence budgétaire qui, à force d’attentisme, finit par pénaliser tout un territoire ?
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