Parfum de légende à Rome. Les pavés ont résonné d’un souffle antique et d’un enthousiasme moderne. Le Giro 2025 s’est achevé là où les empereurs rêvaient d’éternité, et c’est une équipe néerlandaise, la Visma | Lease a Bike, qui en est sortie couronnée comme un César, les roues maculées de poussière et de gloire.
On n’avait pas vu un tel Grand Tour depuis 2010 et le Tour de France de Contador et Schleck. Un tracé inventif, délivré (en partie) de la dictature de la haute montagne, savamment équilibré, offrant aux baroudeurs, aux sprinteurs et aux stratèges une partition où chacun pouvait inscrire sa note. Et les Visma, virtuoses d’un opéra à trois actes, ont joué tous les rôles : le régisseur, le soliste et l’applaudi.
Une domination sans partage
Simon Yates, l’Anglais passé maître dans l’art de la gestion, a porté le maillot rose comme un homme de marbre : impassible, élégant, jamais débordé. Il n’a pas gagné chaque bataille, mais il a toujours su où la guerre devait se remporter : au fil des jours, des secondes, des choix intelligents.
À ses côtés, Olav Kooij, le flandrien d’adoption, a écrasé (en compagnie de Pedersen) les sprints avec la rage d’un homme qui sait que l’occasion ne repassera pas. Deux victoires d’étape, dont la dernière à Rome, pour sceller une domination totale de son équipe. L’image restera : Van Aert en éclaireur, Affini en fossoyeur, Kooij en exécuteur. Ils n’ont pas gagné à coups de panache, mais à force de science et d’autorité.
Un Giro humain, trop humain
Ce Giro 2025 ne fut pas celui des cimes, mais des cœurs. Lorenzo Fortunato, grimpeur de poche chez XDS Astana, a ravi les cols et les pancartes rouges avec l’insistance d’un artisan de l’ombre, forgeant sa victoire au classement de la montagne au burin. Isaac del Toro, le jeune Mexicain de l’UAE Emirates, a émerveillé par sa régularité : il termine meilleur jeune et futur seigneur. Landa, Roglic, Ayuso, ont capitulé, physiquement et mentalement.
Et puis il y eut les luttes invisibles, les échappées victorieuses, comme en témoignent les victoires héroïques des Prodhomme, Asgreen, Denz, Hoole, Verona, Plapp, Harper, Scaroni…ou vaines mais splendides : ces coureurs qui savent qu’ils ne gagneront jamais, mais qui attaquent quand même, comme Andrea Pietrobon ou Josef Cerny, repris à 5,5 kilomètres de Rome, avec les honneurs des perdants magnifiques. Il y a eu Pedersen, tout juste sorti des flandriennes, venu remporter 4 étapes, se battre tous les jours, et éclabousser ce Giro de sa classe, et de son panache.
Ce Giro fut aussi celui d’une renaissance italienne, non pas par les jambes mais par le cerveau. Finies les douze arrivées au sommet indigestes, place à un équilibre retrouvé. De la pluie sur les pavés de Pérouse, des vents sur la côte adriatique, des sprints dans les collines, et toujours ce goût d’incertitude. Il fallait du flair autant que des watts. Et ce fut un régal.
Bravo aux organisateurs, qui ont compris ce que les autres semblent oublier : un Grand Tour ne se mesure pas à l’altitude d’un col, mais à la hauteur du récit qu’il autorise. À Rome, les statues n’ont pas bougé. Mais il n’est pas interdit de penser qu’elles ont incliné la tête devant cette Visma triomphante. Le Giro 2025 est mort. Vive le Giro !
YV
Crédit photo : Giro d’Italia
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