En Irlande du Nord, la gestion des subventions publiques versées au secteur associatif révèle une réalité troublante : des groupes liés à des milieux paramilitaires loyalistes sont encore aujourd’hui financés par l’argent du contribuable, pendant que des structures communautaires authentiques, indépendantes et pacifiques se battent pour survivre. Un constat amer porté par Aaron McMahon, victime d’une violente agression et figure engagée de la société civile nord-irlandaise.
Agressé pour avoir dénoncé les intimidations
Aaron McMahon n’est pas un activiste de salon. En 2015, cet homme engagé dans le travail de terrain auprès des jeunes de Clandeboye (banlieue de Bangor, comté de Down) a été violemment agressé à son domicile par deux hommes cagoulés armés de marteaux. Devant sa femme et ses enfants, il a payé le prix de ses prises de parole contre les exactions de groupes loyalistes.
Son crime ? Avoir défendu les habitants victimes d’intimidations, et exigé de la police, des élus et des autorités locales qu’ils protègent les jeunes du quartier face à des pressions paramilitaires persistantes. Une décennie plus tard, il dénonce toujours l’inaction des pouvoirs publics : « Rien n’a été fait pour protéger cette communauté. Ces gens-là semblent intouchables. »
Des millions pour les anciens paramilitaires, des miettes pour les bénévoles
Les propos de McMahon interviennent alors que Winston Irvine, ancien commandant de l’UVF (Ulster Volunteer Force), a récemment été condamné pour possession illégale d’armes… après avoir bénéficié pendant des années de subventions publiques en tant que “travailleur communautaire”. Et malgré ses mensonges répétés devant les tribunaux, il bénéficie d’un traitement de faveur, soutenu par des lettres de recommandation d’élus et de notables.
Aaron McMahon s’interroge : « Comment se fait-il que le système de subventions soit encore aussi mal conçu, aussi fondamentalement corrompu ? ». Pendant que certains jouent un double jeu — travailleurs sociaux le jour, paramilitaires la nuit —, les véritables bénévoles se voient refuser l’aide minimale pour faire vivre leurs structures.
Clandeboye : un quartier laissé-pour-compte
McMahon dirige la Clandeboye Village Community Association, un centre tourné vers la jeunesse et les familles. Récemment, il s’est vu accorder seulement 1 875 livres sterling d’aide annuelle par le conseil local, soit à peine un quart des coûts de fonctionnement de la structure. « Ce chiffre ne couvre même pas l’électricité », déplore-t-il.
À titre de comparaison, le village de Killinchy — non soupçonné de liens avec des paramilitaires — a reçu trois subventions équivalentes, représentant plus de 11 £ par habitant, tandis que les résidents de Clandeboye reçoivent à peine 28 pence par personne. McMahon ne critique pas les autres bénéficiaires, mais le système de répartition, jugé profondément injuste et politiquement orienté.
Une lettre ouverte aux élus : « Ce système est brisé »
Dans une lettre ouverte adressée aux membres du conseil de North Down et Ards, McMahon accuse :
« C’est sous votre responsabilité que cela se produit. C’est vous qui fixez les règles, vous qui validez les critères. Et pendant que les bénévoles s’épuisent, vous avez voté une augmentation de vos salaires. »
Il interpelle directement les élus : « Comment justifiez-vous cela ? Comment pouvez-vous accepter plus d’argent pendant que les associations que vous êtes censés représenter doivent en faire plus avec moins ? »
Son verdict est sans appel : « Ce système est cassé. Et des gens en paient le prix. »
Selon plusieurs analystes et anciens observateurs des groupes paramilitaires, cette situation n’est pas un accident : c’est un système entretenu, où certains intérêts politiques et communautaires trouvent avantage à ce que l’Irlande du Nord reste instable. Comme le résume McMahon : « Il n’y a pas d’argent à gagner à réparer l’Irlande du Nord. L’argent est dans le fait de la maintenir brisée, ou de payer des gens pour gérer le dysfonctionnement. »
À l’heure où l’on annonce encore 690 000 livres sterling d’argent public destinés à des projets liés à d’anciens prisonniers paramilitaires, la colère d’Aaron McMahon résonne comme un cri d’alerte ignoré.
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