La République française prétend protéger les plus faibles. En matière de squats, elle protège surtout les voyous. Derrière les grands principes juridiques et les promesses de lois « anti-squat », des centaines de propriétaires se retrouvent chaque année dans une impasse : leur logement occupé, leur vie suspendue, et des autorités impuissantes. Face à cette démission de l’État, certains n’ont plus qu’une arme : l’auto-gestion. Et de plus en plus, elle s’exprime hors du cadre légal.
Quand la loi ne sert plus à rien
Le scénario est désormais connu : une maison vide quelques semaines, un appartement en vente, un local en rénovation… et des intrus qui s’y installent. Une fois les squatteurs à l’intérieur, la situation se fige : constat de police, démarches interminables, refus d’intervention sans décision préfectorale. Les délais s’étirent sur des mois ; la facture grimpe ; les dégâts s’accumulent.
La loi « anti-squat » de 2023 devait changer la donne. Elle promettait une expulsion accélérée en 72 heures et la fin de la trêve hivernale pour les occupants illégaux. En pratique, les préfets hésitent, les recours se multiplient, et les forces de l’ordre obéissent à des consignes de prudence.
Résultat : les propriétaires ne croient plus à la justice. Et quand la légalité devient un piège, la tentation d’en sortir devient irrésistible.
À Brest, la nuit des coups de trop
Marc*, 56 ans, artisan à Brest, a vécu l’enfer pendant près d’un an, en 2024. Sa petite maison de Recouvrance, héritée de ses parents, devait être louée à un couple de jeunes. « Quand je suis venu faire visiter, il y avait déjà du linge aux fenêtres. » Deux hommes s’étaient installés, sans bail ni titre.
Il alerte la police, dépose plainte. Réponse : « On ne peut rien faire tant qu’ils sont à l’intérieur. »
S’enchaînent six mois d’avocats, de lettres recommandées, de rendez-vous en préfecture. Pendant ce temps, les squatteurs vivent aux crochets du voisinage, branchés sur le compteur EDF de la copropriété. Les portes sont barricadées, le jardin sert de dépotoir.
« J’ai fini par comprendre que j’étais seul », raconte-t-il. Alors Marc a pris une décision radicale : faire appel à « des gars » conseillés par un ami. Trois hommes venus de Rennes, discrets, efficaces, 7 000 euros en liquide. Une nuit de juin, ils ont toqué, puis forcé. « Ils n’ont pas eu besoin de beaucoup parler. Un coup de pression, un coup de poing, et les types ont disparu. Le lendemain, j’avais changé les serrures. Depuis, plus personne. »
Une opération illégale, mais qui a « réglé le problème » en une nuit. Le contraste avec les dix mois de démarches administratives fait sourire amèrement l’artisan : « Quand la Justice vous laisse tomber, il reste la loi du réel. »
À Rennes, le contre-squat salvateur
À Rennes, une autre histoire illustre le même désespoir. Nathalie*, 44 ans, infirmière, avait hérité d’un petit appartement qu’elle comptait rénover pour sa fille étudiante. L’histoire se passe entre 2022 et 2023. Le temps de trouver un artisan, un individu s’y retrouve installé, manifestement par une association d’aide aux migrants.
La police constate « une occupation de fait ». L’huissier dresse un procès-verbal. Trois mois plus tard, aucune expulsion. Les squatteurs affirment recevoir du courrier à cette adresse : la procédure bascule.
Nathalie a fini par user d’un stratagème. Un soir, profitant d’une absence des intrus, elle entre avec deux amis. Serrures changées, volets fermés, compteur coupé. Le lendemain, les squatteur a trouvé porte close et appelé ses protégés associatifs. « Ils ont hurlé dans le couloir, appelé la police, mais personne n’est venu. » Depuis, le logement est vide et sécurisé. Elle a refait les peintures, « sans oser dire à personne comment ».
Cette méthode dite du « contre-squat » se répand discrètement. Illégale, mais terriblement efficace. Et dans une France où la loi protège davantage l’occupant que le propriétaire, certains y voient une forme de justice parallèle.
Un État qui abdique, des citoyens qui se substituent
Les autorités condamnent fermement ces initiatives. Les juristes rappellent que forcer un squat reste passible de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. L’Etat serait toutefois culotté de poursuivre ceux qui ne font qu’appliquer la loi pour leur propriété, mais il est capable de tout. Les associations de propriétaires, elles, dénoncent une situation intenable. D’après plusieurs estimations, à peine 15 % des procédures d’expulsion aboutissent réellement, souvent au terme de longs mois d’attente. Le reste s’enlise dans les tribunaux.
Le résultat ? Un sentiment de vide régalien. La France, pays de l’État de droit, se découvre un Far West urbain où la force remplace la loi. Et où la peur change de camp : celle du propriétaire, qui redoute de perdre son bien, supplante celle du squatteur, qui se sait protégé.
Dans ce climat d’abandon, un petit business s’est développé. D’anciens agents de sécurité, des gros bras de salle de sport, voire des sociétés « de débarras » proposent, pour 5 000 à 10 000 euros, de « rendre un logement à son propriétaire ». Leur méthode : observer, attendre la sortie des squatteurs, changer les serrures, intimider. Officiellement, il ne s’agit pas de violence, mais de « médiation musclée ». Dans les faits, ces interventions se règlent souvent en quelques heures.
Un marché parallèle du « service public », né du vide laissé par l’État. Les propriétaires qui y ont recours le savent : ils risquent gros. Mais la peur de perdre un toit, un héritage ou des années d’économies vaut plus que la crainte d’un tribunal.
Quand la République favorise les voyous
À Nantes, une retraitée de 73 ans a dû entamer une grève de la faim cet automne pour tenter de récupérer sa maison squattée (une cagnotte est en ligne pour l’aider). À Brest, un artisan a dû payer des costauds. À Rennes, une infirmière a dû se faire cambrioleuse de son propre bien. Trois visages d’une même réalité : celle d’un pays où l’État abdique son rôle protecteur et pousse les honnêtes gens à l’illégalité.
Les juges condamnent ceux qui reprennent leur maison. Les médias pleurent sur les « exclus » expulsés. Et pendant ce temps, des citoyens ordinaires vivent l’enfer d’un droit de propriété vidé de son sens. Le gouvernement multiplie les lois sans jamais les faire appliquer. Les préfectures tergiversent, les polices reculent. La France se transforme en zone grise : celle où la justice recule et où le courage remplace la légalité.
Ce retour à la loi du plus fort n’est pas un hasard : il est la conséquence directe d’un système qui préfère protéger les délinquants plutôt que les propriétaires. À force de renoncements, la République française fabrique son propre Far West.
Et dans ce Far West-là, ce ne sont pas les cow-boys qui débarquent, mais les propriétaires ruinés, désespérés, qui refusent de mourir les bras croisés devant leur porte close.
*Les prénoms ont été modifiés.
Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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