Le 25 octobre 2025, l’espace culturel Le Roëlan, à Erdeven, a accueilli le premier Colloque Keltia en Bretagne, une journée d’étude entièrement consacrée aux Celtes, à leur histoire longue et aux formes contemporaines de leur héritage en Bretagne. Organisé par l’AFC du Pays Vénète, dans le cadre du festival Un Automne Autrement porté par Ti Douar Alre, l’événement marquait également les dix ans de l’association organisatrice.
Dans une ambiance mêlant recherche, transmission et enracinement, cinq intervenants ont proposé un vaste panorama de la question celtique, de l’Antiquité aux enjeux actuels, sous le regard d’un public nombreux. Un bar à l’esthétique traditionnelle, des stands de livres spécialisés et d’artisanat complétaient cette journée qui entendait replacer la Bretagne dans l’arc atlantique, au cœur des cultures celtiques.
Fabien Régnier : comprendre les Celtes dans la longue durée
La matinée s’est ouverte par une introduction de Fabien Régnier, suivie d’une première conférence visant à clarifier les fondements du concept de « Celtes ». L’historien a rappelé que le terme, souvent employé aujourd’hui à des fins identitaires, est d’abord une catégorie antique, utilisée par les auteurs gréco-romains pour désigner des peuples situés aux confins du monde méditerranéen.
Loin des images romantiques, il a présenté les débats scientifiques actuels : l’apport de l’archéologie, l’évolution des thèses sur La Tène et Hallstatt, les approches linguistiques et les recherches génétiques récentes. Une mise au point indispensable pour ancrer le débat dans la science plutôt que dans les projections contemporaines.
Mikaël Gendry : l’effacement progressif de la culture celtique
En suivant, Mikaël Gendry, auteur de Les Celtes et l’Armorique (2025), s’est attaché à analyser la disparition progressive des structures sociales et symboliques celtiques dès la fin de l’Antiquité.
Romanisation, christianisation venue d’Outre-Manche, recompositions linguistiques : il a montré comment cet effacement fut moins un anéantissement brutal qu’une transformation lente, où les références anciennes ont été absorbées, réinterprétées ou reléguées.
Cette intervention faisait directement écho aux recherches synthétisées dans son dernier ouvrage, largement discuté durant la journée.
Un premier débat a permis au public d’interroger les liens entre rupture et continuité, question centrale pour comprendre la Bretagne devenue, plus tard, l’un des foyers des langues brittoniques.
Mona Bras : identité, celtophobie et réappropriations modernes
La reprise des travaux l’après-midi a été confiée à Mona Bras, qui a exploré les usages identitaires du mot celtique à l’époque contemporaine. Elle a évoqué la celtophobie française du XIXe et XXe siècle — souvent nourrie par le centralisme républicain —, mais aussi le renouveau culturel des années 1970 et l’émergence d’une « conscience celtique » bretonne, parfois idéalisée, parfois réinventée.
L’intervenante a souligné la tension permanente entre mémoire, imaginaire et Histoire, rappelant que l’identité est souvent une reconstruction qui mobilise certains éléments du passé pour donner sens au présent.
David Le Roux : la langue bretonne face aux politiques publiques
Dans une intervention très attendue, David Le Roux s’est concentré sur la place de la langue bretonne aujourd’hui et sur les politiques linguistiques menées depuis un siècle.
Il a montré comment, malgré un ancrage celtique évident, le breton a subi une marginalisation progressive, conséquence à la fois de décisions politiques nationales et d’une rupture de transmission familiale.
L’enjeu, selon lui, n’est plus seulement culturel mais civilisationnel : sans langue, la Bretagne ne peut prétendre prolonger l’héritage celtique qu’elle continue pourtant d’afficher dans ses symboles.
Françoise Le Goaziou : une Bretagne d’aujourd’hui, mais chargée d’héritages
Dernière conférencière du jour, Françoise Le Goaziou a replacé la Bretagne contemporaine dans une dynamique longue. Elle a analysé la manière dont certains éléments issus des cultures celtiques — musique, mythes, festivals, symboles — sont réinvestis pour façonner une identité moderne, parfois déconnectée de la réalité antique mais porteuse d’un « sentiment commun » partagé.
Elle a rappelé que l’héritage celtique n’est pas un bloc figé, mais une trame mouvante, réinterprétée en permanence et régulièrement réactivée selon les besoins culturels du moment.
Une première édition réussie et un débat qui ne fait que commencer
À travers des interventions complémentaires, le Colloque Keltia a offert une vision nuancée :
– une Antiquité bien plus complexe que les récits populaires,
– un effacement culturel progressif dès les premiers siècles,
– mais aussi une réappropriation moderne, vivante, toujours en évolution.
Entre rigueur scientifique et désir d’enracinement, cette première édition confirme l’intérêt croissant pour une lecture apaisée de l’héritage celte, loin des simplifications idéologiques. L’événement a rassemblé un public attentif, preuve que ces questions touchent au cœur de l’identité bretonne contemporaine.
Le rendez-vous est déjà annoncé comme appelé à se renouveler.