Un jeu de société, qui a obtenu en 2025 l’As d’Or-Expert, reconstitue le développement de la ville tchèque de Kutna Hora, située à l’est de Prague, célèbre en raison de ses mines d’argent.
Depuis 20 ans, la société d’édition Iello développe ses propres jeux mais traduit également des jeux de société étrangers pour le marché français. Créé fin 2023 en Tchéquie par Ondřej Bystroň, Petr Čáslava et Pavel Jarosch (chez Czech Games Editions), le jeu Kutná Hora a ainsi été édité une année plus tard en France.
Kutná Hora : La Cité de l’Argent vient de remporter l’As d’Or 2025, dans la catégorie Expert. Depuis 1988, parmi les quelques 1 000 jeux édités chaque année, un jury composé de journalistes et de professionnels décerne le label « As d’Or ». Il attribue plusieurs prix : l’As d’Or « Jeu de l’Année » (attribué à un jeu familial), l’As d’Or « Enfant » (qui met en valeur un jeu qui plaît aux plus jeunes), l’As d’Or « Initié » (intermédiaire entre les jeux familiaux et les jeux experts) et l’As d’Or « Expert ».
Que signifie un jeu « Expert » ? C’est un jeu plus complexe destiné à un public qui apprécie surtout la réflexion. Kutná Hora est en effet un jeu de gestion économique qui a la particularité d’avoir pour cadre l’époque médiévale en Bohême.

C’est la première raison de son succès. Kutná Hora intègre un thème historique au cœur même de son mécanisme de jeu. Il reconstitue le développement de la ville tchèque de Kutna Hora, située à l’est de Prague, en Bohème centrale, célèbre en raison de ses mines d’argent. Celles-ci ont notamment permis de financer l’édification de l’église Sainte-Barbe, dédiée à sainte Barbe, patronne des métiers à risque comme les mineurs de fond. Dans ce jeu, les mines attisent la convoitise des joueurs, lesquels incarnent les familles majeures de Kutna Hora. Pour gagner la partie, il faut exploiter les mines, ériger des bâtiments publics, placer des Patriarches au Conseil de la Ville pour orienter la politique, et construire la cathédrale.
Deuxième raison du succès : le matériel de jeu est magnifique. Il n’y a pas un mais plusieurs plateaux : un pour la ville de Kutna Hora, un pour les mines d’argent, un pour les bâtiments disponibles, ainsi qu’un autre pour la cathédrale. On apprécie également les réglettes trouées qui indiquent le prix de chaque ressource du jeu en fonction de l’offre et de la demande.
A joutons que pour les passionnés, il existe un set de pièces en métal vendu à part. Cette superbe iconographie facilite l’apprentissage.
Troisième raison du succès : le système de jeu basé sur la fluctuation des prix est novateur et distille une tension permanente. Il y a 6 ressources différentes à produire : la bière, le bois, les planches, le charbon, les parchemins et le jambon. Pour acheter du bois, si le bois vaut 2 pièces et qu’on doit payer 3 bois, on payera 6 pièces. Mais la valeur de chaque ressource est évolutive. Plus une ressource est exploitée, moins elle a de valeur. C’est essentiel puisque toutes les actions ont un coût en ressources. L’objectif est de construire en dépensant peu, mais de faire payer les autres très cher leurs ressources. Ainsi, si le bois vaut maintenant 4 pièces et qu’on doit payer 3 bois, il faudra payer 12 pièces. Il existe ainsi une interaction permanente entre les joueurs, puisque chaque action fait évoluer le système économique.

Pour simplifier le jeu, Czech Games Editions a sorti une application optionnelle et gratuite qui permet de simuler le suivi des ressources et ainsi de s’affranchir des réglettes économiques. On peut même voir à l’avance tous les effets des actions sur l’économie du jeu. Cette aide numérique simplifie les calculs mathématiques (calcul des taxes médiévales), permettant ainsi de se concentrer sur la stratégie.
Comment se déroule une partie ? Kutna Hora se joue suivant un nombre spécifique de manches (différent selon le nombre de participants), comprenant 5 rounds chacune. Cela laisse le temps de mettre en place une stratégie.
Pour mettre en œuvre une stratégie, chaque joueur choisit, à tour de rôle, des actions parmi ses cartes. Chacun détient en effet les mêmes six cartes qui sont recto-verso, de sorte qu’une carte offre ainsi deux actions différentes parmi lesquelles il faut en choisir une. Ces actions sont l’exploitation minière, l’achat de parcelles de terrain à bâtir, l’obtention de permis, la construction de bâtiments, la réalisation de bénéfices grâce à leur production et, bien sûr, la construction de la cathédrale Sainte-Barbe. Chaque action influence l’économie : ouvrir une nouvelle mine fait chuter le prix du minerai, tandis que la croissance de la population augmente la demande en bois, nourriture et bière. Le jeu retranscrit ainsi avec réalisme la dynamique économique de cette ville médiévale en plein essor.

Voici les 7 actions disponibles :
Exploiter une mine : il faut envoyer un mineur dans les mines d’argent, en essayant de devenir majoritaire sur les quatre niveaux de profondeur. La valeur du minerai baisse à mesure que l’on exploite le filon.
Réserver une parcelle : avant de construire un bâtiment, il faut acheter une parcelle de terrain. Puis il faudra réserver des parcelles voisines.
Obtenir un permis de construire : avant de construire un bâtiment, il faut acheter un permis de construire, dont le prix fluctue aussi. Notons que les bâtiments publics, qui ont un effet sur l’économie, profitent à tous.
Construire : après le terrain et le permis, on peut construire des bâtiments pour les guildes ou des bâtiments publics. Il faut payer le coût de la construction (toujours le bois). En construisant un bâtiment public (hôpital, école…), on a la possibilité de présenter au conseil municipal un patriarche qui orientera la politique de la ville (ce qui permettra d’obtenir les points de victoire).
Edifier la cathédrale : pour construire un morceau de la cathédrale, il faut dépenser un jeton Pélican (l’emblème de la cathédrale) gagné au préalable, soit avec la guilde, soit en construisant des bâtiments publics. La cathédrale fait gagner de la réputation et permet de doubler ses revenus. Si obtenir des jetons Pélican prend beaucoup de temps, c’est cohérent avec l’Histoire lorsqu’on connait les délais pour bâtir une cathédrale au Moyen-Âge.
Obtenir des revenus.
Joker : L’action joker permet de réaliser n’importe quelle action au prix d’un point de réputation.

Comment gagner la partie ? En plus des points remportés en cours de partie, les joueurs marquent des points selon les icônes des Bâtiments adjacents identiques à leurs propres Bâtiments, leur classement dans chaque rangée de la mine, l’argent qu’ils possèdent, leur réputation, ainsi que les éléments restants (Bâtiments non utilisés, parcelle revendiquée, jeton Pélican non retourné). C’est bien sûr celui qui a le plus de points qui remporte la partie.
Pour conclure, Kutná Hora est destiné aux joueurs expérimentés qui appréciant les jeux interactifs. Son intérêt est de créer une stratégie basée sur l’évolution du coût des ressources. Il est conçu pour jouer à 2, 3 ou 4 joueurs, chaque partie durant entre 1 et 2 heures.
Kutna Hora, La Cité de l’argent. 60 euros. Iello.
Kristol Séhec.

Photo d’illustration : DR
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