Pascal Lamy et l’Allemagne, des modèles ? [tribune libre]

Pascal Lamy n’est pas un hurluberlu. Il se place dans la droite ligne de l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 signé par la CFDT, le patronat et le gouvernement. Il confirme à voix basse les propos de Goldman Sachs en janvier 2014 déclarant qu’il faudrait baisser les salaires français de 30%. Pascal Lamy a estimé ce mercredi qu’il fallait « accepter de franchir les espaces symboliques » pour réduire le chômage. C’est la ligne en sourdine du gouvernement.

Pour sortir de la crise, c’est la conviction intime de Pascal Lamy qui s’empresse d’ajouter : « Je sais que je ne suis pas en harmonie avec une bonne partie de mes camarades socialistes, mais je pense qu’il faut, à ce niveau de chômage, aller davantage vers de la flexibilité et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au Smic » (Questions d’info : LCP/France Info/le Monde/AFP). Le journaliste alors stupéfait lui demande : « C’est-à-dire moins que le Smic ?  « Oui absolument, répond Lamy, un petit boulot, c’est mieux que pas de boulot. Je ne réponds pas ça dans l’absolu, je n’aurais pas dit, ça, il y a dix ans ou il y a vingt ans, mais à ce niveau de chômage…» En fait, à ce niveau d’endettement, pour l’ancien commissaire européen socialiste, « il faut accepter de temps en temps de franchir les espaces symboliques de ce type pour rentrer dans la réalité et la transformer ».

Le but de l’Accord national interprofessionnel de 2013 visait en fait cet objectif : faire baisser les salaires au plus vite, supprimer les CDI, installer la flexibilité. Piégé par ses engagements du Pacte Budgétaire européen (la fameuse règle d’or !), le gouvernement se doit d’accélérer au plus vite sa logique de réduction des dépenses publiques et sociales. Même s’il avait obtenu des délais (2015) pour réduire le déficit à 3 %, on en est aujourd’hui loin, très loin. N’ayant aucune possibilité de dire non à Bruxelles, François Hollande et son premier ministre doivent se plier au plus vite. Faire baisser les salaires, dégraisser les fonctionnaires, taxer les retraites, licencier plus facilement, réduire les coûts du travail, baisser les indemnités versées aux allocataires de l’assurance-chômage, c’est le  « programme de combat » caché. D’ailleurs, il faudra ensuite rapidement libéraliser les services et supprimer des fonctionnaires (une vraie bombe à retardement puisque nos emplois sont à 70% des emplois de service).

En fait, François Hollande avec Manuel Valls est à un carrefour. On les teste avant les Européennes dans les instances économiques internationales et on trépigne du pied contre la France. Il faut que la France accepte le jeu des réformes sinon cette histoire des socialistes finira comme Berlusconi. On précipitera la sortie par la dissolution pour placer François Copé ou Alain Juppé, comme fidèles hommes-liges de la règle d’or.

Les modèles de Pascal Lamy, ce sont en fait les travailleurs détachés (*), les emplois low-cost, payés selon les salaires en vigueur dans leur pays d’origine, prolétaires déclassés autorisés par Bruxelles et le système du prêt de main d’œuvre. Leur nombre a augmenté de 17 % en 2012 et ils seraient déjà près de 300 000 en France. On les retrouve surtout dans le bâtiment, l’agro-alimentaire et le transport. En France, l’affaire avait été révélée l’année dernière par des soudeurs portugais payés 491 euros par mois pour 40 h de travail par semaine.

L’Allemagne avait ouvert la voie aux travailleurs détachés avec les lois Hartz et ses chômeurs à un euro de l’heure entre 2000 et 2009. La France a, sur ce point, dix ans de retard ! Le miracle allemand n’a en effet été obtenu qu’en faisant baisser drastiquement les salaires de 18 %. Or, avec 491 euros par mois, on ne vit plus, on quémande la soupe populaire, on survit. La semaine dernière, dans plusieurs champs de province, des paysans ont retrouvé des vaches découpées sur place dont il ne restait que les os. C’est bien la preuve manifeste qu’on commence à avoir faim en France.

 Michel Lhomme

 Source : Metamag.fr

Photo by Sebastian Derungs/Wikimedia (cc)

 (*) Le statut de « travailleur détaché » permet aux ressortissants de l’Union européenne de venir travailler temporairement dans un autre Etat membre, dans les conditions de travail et de salaire de ce dernier.

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