Francisco Franco, un caudillo pour l’Espagne : entretien avec Michel Festivi

Cinquante ans après la mort du général Franco, et alors que le service public français sort, avec vos impôts, une série reportage totalement à charge, l’avocat et écrivain Michel Festivi publie Francisco Franco, un caudillo pour l’Espagne (éditions Déterna et Synthèse Nationale, coll. « Bio-Collection », 2025). Collaborateur d’EuroLibertés, du Nouveau Présent et de Synthèse nationale, observateur attentif de la vie politique espagnole, il revient dans ce livre dense et documenté sur une figure capitale de l’histoire du XXe siècle, trop souvent caricaturée par l’historiographie dominante. Festivi s’attache à rétablir les faits, loin des mythes antifranquistes, et à rappeler le rôle du Caudillo dans la sauvegarde de l’Espagne face au chaos révolutionnaire de 1936. Une œuvre de rigueur et de transmission, à contre-courant de la doxa officielle, qui invite à relire l’histoire de l’Europe à la lumière du réel.

Breizh info.com : Votre livre, Francisco Franco, un caudillo pour l’Espagne paraît dans la nouvelle « Bio Collection ». Qu’est-ce qui vous a donné envie de consacrer une biographie à Franco, cinquante ans après sa mort ?

Michel Festivi : Justement j’entendais honorer en quelque sorte ce cinquantième anniversaire, puisque Franco est décédé le 20 novembre 1975. L’occasion m’en a été donnée avec cette nouvelle collection, qui ne rassemblera que des biographies. Les éditions Déterna (Philippe Randa) et Synthèse Nationale (Roland Hélie), se sont réunies pour entreprendre cette nouvelle aventure éditoriale, avec le concours de Francis Bergeron et de David Gattegno qui réalise de superbes iconographies, dont celles de mon livre sur Franco. Ce sont des ouvrages dans la même veine, peu ou prou, que les Qui-suis-je des éditions Pardès, qui ont cessé leurs activités il y a quelques années.

BI : Entre les récits hostiles du camp progressiste et les hagiographies d’antan, vous dites vouloir « disséquer les faits ». Comment concilier rigueur historique et réhabilitation d’une figure si controversée ?

MF : Ce personnage politique, d’une importance majeure dans l’histoire du XXème siècle, est controversé parce que les gauches ont réussi, en Espagne comme en France, à imposer leur vision ultra manichéenne de l’histoire, à l’égal des discours préfabriqués sur la Révolution française, la période 1940/1945 etc… Pour Franco, lorsque l’on reprend objectivement les faits de sa vie, malgré des erreurs, on découvre un homme qui avait des qualités militaires et politiques exceptionnelles. C’est ce que je me suis évertué à entreprendre de raconter, dans la lignée d’historiens ou de romanciers d’envergure comme Bartolomé Bennassar ou Michel del Castillo. Et puis, nous avons désormais le recul de l’histoire, et quand on voit dans quel état de déliquescence sont nos malheureuses nations européennes, la geste franquiste ne peut qu’en être réhaussée. Le livre contient aussi des nouveautés, notamment sur la répression franquiste de l’après-guerre.

BI : Vous rappelez que Franco a « sauvé l’Espagne du communisme ». Pouvez-vous revenir sur ce qu’était réellement le danger révolutionnaire en 1936 ?

MF : Vous faites bien, au-delà du communisme, d’employer la formule plus globale très exacte de « danger révolutionnaire ». Depuis les années 1933/1934, les gauches espagnoles s’étaient complètement radicalisées, je l’explique dans tous mes ouvrages dont le dernier, paru en juillet : Les griffes de Staline sur l’Espagne républicaine, aux éditions Dualpha. Le pays avait subi un premier assaut armé marxiste-révolutionnaire, en octobre 1934. L’arrivée du front populaire en février 1936, après des manipulations constitutionnelles et des fraudes électorales prouvées, ont fait basculer définitivement l’Espagne dans la révolution, que seul le soulèvement de juillet 1936, a pu contrecarrer. Et Franco, que ce soit en 1934 ou entre 1936/1939, a joué un rôle décisif. L’Espagne était à la merci des bandes staliniennes et des miliciens anarchistes qui prônaient un communisme étatique pour les uns, libertaire pour les autres. L’Histoire a prouvé qu’ils étaient, chacun à leurs façons, pires que tout. D’ailleurs, ils se sont affrontés durement et les premiers ont exterminé les seconds.

BI : Dans votre livre, vous soulignez le rôle décisif de Franco à Tolède et dans la coordination des armées nationales. En quoi fut-il un stratège supérieur à ses contemporains ?

MF : Dès le 20 juillet 1936, le colonel Moscardo qui commandait l’académie d’infanterie de Tolède, où Franco avait été cadet tout jeune, a réuni un millier de volontaires environ, des cadets, des phalangistes, des militaires, qui se sont enfermés, avec femmes, enfants, vieillards, bébés, dans la forteresse de l’Alcazar, et qui résistaient contre huit mille miliciens révolutionnaires qui les bombardaient, jour et nuit, par terre et par air, et entendaient les anéantir. Franco qui venait de gagner la bataille des détroits depuis le Maroc espagnol et le sud-ouest de l’Andalousie, et dont les troupes qui s’étaient emparées de l’Extrémadure, remontaient à toute vitesse sur Madrid, a compris l’importance politique et mémorielle symbolique de la délivrance de l’Alcazar. Contre l’avis de ses généraux, dont son ami Juan Yagüe, il a détourné des troupes pour foncer sur Tolède et délivrer les courageux assiégés, le 26 septembre 1936. Cela a eu un impact national et international énorme, considérable. Quelques jours plus tard, Franco était désigné à Burgos généralissime des armées nationales et chef de l’État. Franco qui était de loin, le plus jeune de tous les généraux du camp national, avait en plus de ses qualités militaires, une vision politique, que les autres généraux n’avaient pas.

BI : L’historiographie dominante continue de présenter la guerre d’Espagne comme une lutte entre fascisme et démocratie. Vous démontrez qu’il s’agissait plutôt d’un affrontement de civilisation. Pouvez-vous préciser ?

MF : L’historiographie majoritaire universitaire française et espagnole oui, ainsi que la plupart des grands médias. Mais de plus en plus, des historiens chevronnés ont combattu ces doxas imposées par les gauches. Je pense à l’Américain Stanley Payne, au franco-espagnol Bartolomé Bennassar, au Gallois Burnett Bolloten, à Arnaud Imatz, Pierre Chaunu, Philippe Nourry, Guy Hermier, François Kersaudy, et surtout en Espagne Pio Moa, l’un de mes préfaciers, ou Miguel Platon, journaliste et historien. Des revues comme La Nouvelle Revue d’Histoire, aujourd’hui disparue, avec Philippe Conrad comme animateur, ont beaucoup œuvré pour démolir l’histoire compassée que l’on voulait nous imposer. L’actuelle Revue d’histoire européenne, dirigée par Guillaume Fiquet fait beaucoup aussi en ce sens pour remettre l’histoire à l’endroit. D’un côté, il y avait ceux qui voulaient par tous les moyens, imposer un homme nouveau, faire table rase de tout le passé, en finir avec les traditions, les citations et preuves abondent, pour aboutir à un régime soviétisant. De l’autre côté, ceux qui entendaient préserver l’Espagne et son histoire millénaire et glorieuse, et refuser la socialisation de tous les moyens de production, les anarchistes ayant même supprimé, dans les zones qu’ils contrôlaient, par la terreur, l’argent et les titres de propriétés. Franco était très au fait de tout cela.

BI : Franco a maintenu l’Espagne hors de la seconde guerre mondiale. Était-ce par calcul politique, instinct de survie, ou fidélité à une idée supérieure de l’Europe ?

MF : J’explique dans mon livre, que Franco ne s’est jamais laissé phagocyter par l’Allemagne et l’Italie, qui avaient pourtant aidé les nationaux, a contrario des révolutionnaires, totalement inféodés à Moscou. Ce point est capital. Franco a été très bien conseillé aussi par l’amiral Carrero Blanco, par son beau-frère, Ramon Serrano Suñer, brillant avocat et grand ami de José Antonio Primo de Rivera, par d’autres ministres comme le Comte de Jordana. L’Espagne était ruinée par trois années de guerre civile, et Franco a su merveilleusement manœuvrer entre Hitler, Mussolini, Himmler, l’amiral Canaris et bien d’autres. Franco avait avant tout, le seul intérêt de l’Espagne chevillé au corps, il s’est montré un redoutable négociateur, mais avec le sourire. Il était très calme, très lent parfois, réfléchissait énormément avant de prendre une décision. Il voulait rester maître chez lui, mais il n’a pas hésité à envoyer des milliers d’hommes combattre en URSS le communisme, avec la fameuse division Azul. Il considérait primordial le combat contre le communisme qui avait failli s’emparer de toute l’Espagne, et qui s’appropriera, avec les conséquences que l’on sait la moitié de l’Europe, après 1945.

BI : Vous rappelez que Churchill lui-même a reconnu le rôle déterminant du Caudillo pour empêcher Hitler de prendre Gibraltar. L’Histoire officielle a-t-elle volontairement occulté cette réalité ?

MF : Oui, j’explicite toute cette affaire fort méconnue. Oui l’Histoire officielle se refuse à le reconnaître, cela serait remettre en cause toute sa construction idéologique de l’après-guerre. Mais plus tard des chefs d’État comme Eisenhower ou Nixon l’on reconnut.

BI : L’Espagne franquiste connut une croissance économique fulgurante dans les années 1960, devenant la 9ème puissance mondiale. Comment expliquez-vous ce « miracle espagnol » si longtemps passé sous silence,

MF : Par le pragmatisme. Franco n’était pas un idéologue forcené. Quand il s’est aperçu que sa politique économique autarcique ne fonctionnait pas, il a changé quasiment tout son gouvernement et s’est entouré d’hommes jeunes, très compétents, des techniciens de haut rang, venant souvent de l’Opus Dei, qui ont multiplié les réformes économiques, administratives, fiscales, industrielles. Et puis, malgré des instituts et des organismes planificateurs, l’Espagne de Franco a toujours connu une économie libre. L’Espagne était ouverte notamment au tourisme, aux investissements étrangers. De 1959 à 1975, la croissance économique a été en expansion constante, une classe moyenne abondante s’est développée, on pouvait entrer et sortir librement du pays. Aujourd’hui, dans l’Espagne socialo-communiste de Pedro Sanchez, les lois mémorielles interdissent de faire référence aux réussites économiques du régime franquiste.

BI : Les travaux d’historiens espagnols comme Pio Moa ont profondément revisité la période. En quoi ces recherches changent-elles notre compréhension du franquisme ?

MF : Je connais très bien Pio Moa. Il a préfacé mon dernier livre sur Les griffes de Staline, et vient de préfacer l’édition espagnole de ma biographie sur le général Miguel Primo de Rivera, que j’avais publié en 2023 aux éditions Dualpha, avec une préface d’Arnaud Imatz. Cette édition espagnole, réalisée par FIDES, vient juste de sortir en Espagne. Pio Moa m’a consacré plusieurs entretiens. C’est un historien considérable. Dans sa jeunesse, il a milité dans des mouvements révolutionnaires communistes. Puis il a travaillé comme bibliothécaire à la Fondation Pablo Iglesias, le fondateur du Parti socialiste, le PSOE. Il a eu en mains des documents primordiaux et conséquents, qu’aucun historien n’avait vraiment utilisé. Pio Moa a prouvé que ce sont les gauches dites « républicaines » qui ont entendu entraîner l’Espagne dans un régime totalitaire soviétisant. Il m’a toujours dit : la révolution armée d’octobre 1934 a blessé la république (établie en 1931), les manipulations constitutionnelles, la violence politique et les fraudes électorales de février 1936 ont tué la république. La compréhension de l’action de Franco et de ceux qui l’ont suivi, a donc de ce fait totalement changée, il a inversé totalement le prisme. Le soulèvement de juillet 1936, n’était qu’une légitime défense populaire, devant les crimes, les assassinats de l’autre camp.

BI : On accuse souvent Franco d’avoir instauré une dictature répressive. Vous montrez au contraire une évolution progressive vers un régime plus administratif et moins idéologue. L’Espagne de Franco était-elle un État autoritaire mais non totalitaire ?

MF : L’Espagne de Franco n’a jamais été totalitaire. Je démontre les tiraillements permanents entre phalangistes, carlistes, monarchistes, militaires, républicains modérés, catholiques, impassables dans un état communiste par exemple. Petit à petit, après la seconde guerre mondiale, le régime s’est libéralisé, notamment au plan social et économique. Le PSOE en exil se réunissait souvent à Toulouse, et les partisans socialistes passaient et repassaient la frontière sans être plus inquiétés que cela. On pouvait acheter quasiment toute la presse étrangère. Beaucoup émigrèrent en France, en Allemagne et ailleurs, pour travailler et rentraient régulièrement au pays, et y apportaient des devises. Les touristes du monde entier envahissaient les plages espagnoles. Les grèves étaient même tolérées si elles n’avaient qu’un caractère économique. Franco a passé un concordat avec Pie XII et la presse catholique était libre. Il savait parfaitement qu’après lui, l’Espagne deviendrait une démocratie « ordinaire », mais n’avait pas prévu que les gauches espagnoles redeviennent aussi totalisantes que dans les années 1930. Pio Moa m’avait dit que la transition dite démocratique provenait du franquisme et non pas de la gauche, ce que n’a pas voulu défendre la droite espagnole.

BI : Les tensions identitaires, les attaques contre la mémoire, le révisionnisme antifranquiste… L’Espagne aujourd’hui rejoue-t-elle symboliquement sa guerre civile ?

MF : Quand j’écris mes livres, et que je mets en perspective l’enchainement des faits, je pense systématiquement à la période actuelle. Les imprécations des gauches et de l’extrême gauche contre leurs adversaires, leurs volontés d’anéantir les libertés de réunion, de discussion, de publication, leur totalitarisme liberticide, que ce soit en France ou en Espagne. Dès le début des années 1930, on retrouve leur même volonté, au nom de « l’antifascisme », d’empêcher par tous les moyens la diffusion d’une pensée qui ne soit pas conforme à leurs oukases. Il ne manque plus qu’une étincelle. En Espagne, par ailleurs, la « droite » de gouvernement, le Parti populaire n’a jamais combattu les gauches sur le terrain des idées, et a laissé faire. L’Espagne en paie aujourd’hui les conséquences. En France aussi, et on en mesure les effets sur notre vie politique.

BI : Si vous deviez résumer en une phrase ce que Franco représente pour l’Espagne, qu’elle serait-elle ?

MF : Une vigie, une proue, l’histoire ne peut pas se répéter à l’identique, mais rien de bon ne peut se faire si l’on renie le passé glorieux de son pays, à l’image de certains qui insultent l’histoire de France, car ils ne la connaissent pas. Connaître le passé, pour préparer l’avenir.

BI : Quelle place souhaitez-vous que ce livre occupe : celle d’un manuel historique, d’un hommage, ou d’un acte de vérité,

MF : Un acte de foi dans la vérité et le rétablissement des faits, pour permettre au lecteur éclairé d’aller plus loin, d’approfondir cette séquence de l’histoire, qui est aussi, par beaucoup d’égards, un peu la nôtre. Comme le disait Machiavel « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les évènements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. »

Propos recueillis par YV

Illustration : wikipedia (Franco et De Gaulle en entrevue)
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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