La faune symbolique : le corbeau, la dernière bande dessinée de Servais

Dessinateur et conteur des légendes de la Gaume, pays de féérie et de mystères situé en Belgique, Jean-Claude Servais sort une nouvelle bande dessinée sur les corbeaux et les corneilles.

En 1935, à Chassepierre, l’un des plus beaux villages de la Wallonie belge. Solitaire et fascinée par les corbeaux et les corneilles, la jeune Éléonore connaît toutes les légendes sur ces oiseaux. Un jour, lorsque l’institutrice demande aux élèves de préparer un exposé sur le sujet de leur choix, elle présente les corbeaux noirs. Elle raconte ainsi la légende concernant Apollon et la princesse Thessalienne Coronis, révélant alors que les corbeaux étaient blancs avant la malédiction jetée par le plus beau des dieux. Elle finit son exposé en présentant sa Coronis, une corneille apprivoisée. Elle partage ainsi son savoir avec ses camarades intrigués, tout en minimisant la mauvaise et très ancienne réputation de ces oiseaux. Elle ne laisse cependant pas le jeune Alexandre indifférent… Lorsque l’Allemagne envahit la Belgique, les jeunes hommes du bourg sont mobilisés. Eléonore continue de passer ses journées dans la forêt en compagnie des volatiles.

En juin 1944, alors qu’elle se baigne dans la rivière, elle rencontre Hans, un soldat allemand qui vient de déserter et s’éprend de lui. Elle lui rend visite dans une cachette au fonds du bois. Mais un groupe de maquisards, dont son ancien camarade Alexandre, élimine l’allemand. A la Libération, enceinte sans doute de l’allemand, Eléonore est dénigrée par toute la population et tondue en pleine rue. Elle décède à l’accouchement en laissant une petite fille, appelée Alice. Au décès de ses grands-parents, Alice est confiée à l’assistance publique. Comme sa mère, elle est mystérieusement attirée par les corbeaux et les corneilles. A l’orphelinat, un prêtre remarque qu’Alice est douée pour le chant. En 1960, Alice a 15 ans. Elle va retourner au village de sa mère pour retrouver ses racines…

Jean-Claude Servais, né en 1956 à Liège, effectue ses études à l’Institut Saint-Luc de Liège dans la section arts graphiques. En 1975, dans le journal Spirou, sous le pseudonyme de Jicé, il publie ses premières planches dans la rubrique Carte blanche, puis trois épisodes de Ronny Jackson scénarisés par Jean-Marie Brouyère. En 1977, dans le Journal de Tintin, il dessine une série d’histoires authentiques sur des scénarios de Bom et d’Yves Duval. En 1979, il entame la série Tendre Violette avec Gérard Dewamme. Seul, il réalise en 1982 l’album Iriacynthe, puis La Tchalette, recueil d’histoires courtes sur le thème de la sorcellerie. En 1983, il dessine le conte médiéval Isabelle. Il signe alors le Manifeste pour la culture wallonne, avec 79 autres personnalités, qui vise à promouvoir la culture wallonne. Puis suivent Les Saisons de la Vie, Les Voyages clos – Montagne Fleurie, L’Appel de madame la Baronne, L’Almanach, La Petite Reine, Lova l’histoire d’une fillette élevée par les loups, Pour l’amour de Guenièvre (sur le personnage de Merlin l’Enchanteur). En 1994, il publie Mémoire des arbres, des récits inspirés de faits divers historiques en deux tomes sur la forêt. L’Histoire est très présente dans les albums Orval (où il évoque la fondation, le rayonnement et la décadence de l’abbaye d’Orval) et Godefroid de Bouillon. De 2014 à 2017, Servais se lance sur les Chemins de Compostelle en compagnie de quatre personnages en quête d’aventure. En 2020 et 2021, il sort Le loup m’a dit, deux albums qui retracent, à mi-chemin entre le conte et le documentaire, les relations entre les loups et les humains, de la préhistoire jusqu’au 20ème siècle. En 2022, il publie le roman graphique Bellem, prenant pour cadre le château de Reinhardstein. L’année suivante, il sort La Faune symbolique : Renard Rusé puis Le Roi cerf. Après le renard et le cerf, Jean-Claude Servais explore ainsi les contes et légendes autour du corbeau.

Jean-Claude Servais est un véritable conteur. Il exprime dans ces albums son amour pour sa région, la Gaume, pays de féérie et de mystères situé en Belgique, entre les Ardennes, le Luxembourg et la Lorraine française. Il habite la maison de son arrière-grand-mère maternelle, à Jamoigne. Cela lui vaut le surnom « d’homme des bois ». En dessinant Chemins de Compostelle, il avait avoué une pareille attirance pour la Bretagne : « Ma région a beaucoup de points communs avec la Bretagne, avec ses contes et ses légendes. Les pierres levées, on en a jusqu’à chez nous, sourit l’auteur à la jolie barbe blanche. Nous avons les mêmes racines celtiques et le même caractère, têtu » (Jean-Claude Servais sur les routes de Bretagne, Ouest-France, 10/11/2015).

Dans la série La Faune symbolique, après avoir mis à l’honneur le goupil roublard lors du premier album et le cerf, roi de la forêt, dans le deuxième, Jean-Claude Servais poursuit son étude des animaux symboliques avec pour objectif de réhabiliter les corbeaux et les corneilles. Il souhaite même la réintroduction des grands corbeaux dans la forêt ardennaise.

Il propose une histoire principale en alternance avec des contes et légendes. On découvre ainsi les légendes du dieu Odin et ses corbeaux, d’Apollon et de la princesse Coronis, de Morrígan la déesse celtique irlandaise, ainsi que le récit de l’arche de Noé ou encore le conte Les sept corbeaux des frères Grimm.

Comme souvent, il se focalise sur une femme, ce qui lui permet de dénoncer l’Epuration en 1945. Il s’explique ainsi : « Alors que l’Ardenne est un pays de diables et de sorciers, comme l’a bien montré Didier Comès, la Gaume est le lieu des fées. La Semois, rivière qui prend sa source à Arlon, a été décrite par les poètes comme féminine. J’ai toujours aimé dessiner la sensibilité et la sensualité des femmes, leur chevelure qui se mêle aux feuilles de la forêt. En outre, j’ai vécu entouré de femmes. J’ai 4 sœurs et une multitude de cousines. Les femmes que je dessine ont toujours un fort caractère. Lors des rencontres avec le public, j’ai pu constater que de nombreuses femmes se reconnaissaient dans mes femmes de papier » (https://leparatonnerre.fr/2025/10/01/jean-claude-servais-la-nature-dessinee).

Dessinateur réaliste de l’école belge, Servais avoue que Jijé a inspiré son style. Il réalise ses planches sur un grand format, au crayon gras. Son dessin est précis et réaliste.

Les couleurs sont réalisées par Guy Servais (dit Raives) à l’informatique, même si l’on ne s’en rend pas compte. Ce dessinateur est le coloriste de tous les albums de Jean-Claude Servais depuis 1995. C’est pour éviter toute confusion avec Jean-Claude que Guy, sans lien de famille avec lui, a choisi le pseudonyme Raives.

L’album se conclut avec le poème d’Edgar Allan Poe, Le corbeau.

Servais réalise en ce moment son prochain album, lequel portera sur le chat, dont les légendes évoquent les sorcières…

La faune symbolique, tome 3, Le corbeau, la corneille et la colombe. 80 pages. 17,95 euros. Editions Dupuis.

Kristol Séhec.

Photo d’illustration : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

Cet article vous a plu, intrigué, ou révolté ?

PARTAGEZ L'ARTICLE POUR SOUTENIR BREIZH INFO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

ARTICLES EN LIEN OU SIMILAIRES

Culture, Culture & Patrimoine

Blake et Mortimer face à La Menace atlante (bande dessinée).

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine, Histoire

The Doomed Puma, la bande dessinée qui fait l’éloge de l’armée de l’air hongroise.

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Macbeth, nouveau chef d’œuvre des frères Brizzi (bande dessinée)

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Jules Matrat, fin de la bande dessinée sur les traumatisés de la Grande Guerre

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine, Histoire

Anne de Bretagne, une nouvelle bande dessinée.

Découvrir l'article

Culture & Patrimoine, Histoire

Le Téméraire, le magazine jeunesse diffusé sous l’Occupation

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Les 5 Terres, le tome 15 est sorti (bande dessinée)

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Tuez la grande Zohra !, nouvelle bande dessinée sur l’OAS

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Carlo Acutis, l’adolescent italien bientôt Saint, en manga

Découvrir l'article

Culture, Culture & Patrimoine

Révolutionnaires !, la prise de Machecoul en bande dessinée.

Découvrir l'article

PARTICIPEZ AU COMBAT POUR LA RÉINFORMATION !

Faites un don et soutenez la diversité journalistique.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur Breizh Info. Si vous continuez à utiliser le site, nous supposerons que vous êtes d'accord.

Clicky