Immigration. Dix-neuf États européens réclament la création de centres d’accueil hors UE : vers un tournant majeur de la politique migratoire ?

Alors que les dirigeants européens ont acté début décembre un durcissement significatif de leur politique migratoire, un front inédit de 19 États membres pousse désormais Bruxelles à aller plus loin encore. Leur demande : obtenir un financement européen pour développer des centres d’accueil situés en dehors du territoire de l’Union, afin de gérer, trier et éventuellement renvoyer les migrants avant même qu’ils ne franchissent les frontières communautaires.

Ce mouvement intervient après l’adoption, le 8 décembre, d’un ensemble de textes ouvrant la voie à la création des premiers « hubs de retour », destinés aux personnes déboutées de l’asile. Mais pour une part croissante de gouvernements européens, ces dispositifs doivent s’accompagner de moyens concrets et, surtout, d’une externalisation assumée de la procédure.

Un front de 19 États favorables à l’externalisation

Parmi les signataires de la lettre adressée à la Commission : le Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède, l’Autriche, la Pologne, les pays baltes, la Grèce ou encore Malte et la Croatie. Tous militent pour que l’UE assume financièrement la mise en place de ces centres hors d’Europe, et qu’elle mobilise ses outils diplomatiques pour obtenir des accords avec des pays tiers.

L’objectif affiché est clair : décourager l’immigration irrégulière, accélérer les renvois et soulager les frontières européennes. Le Danemark, qui préside l’Union depuis juillet, plaide depuis longtemps pour cette orientation. Copenhague se félicite d’ailleurs de voir ses idées – longtemps minoritaires – désormais soutenues par un cercle d’États en expansion.

Rome et Copenhague en chefs de file

En marge du dernier Conseil européen, une réunion informelle a rassemblé 15 États prêts à soutenir des « solutions innovantes » sur ce terrain. Autour de la Première ministre danoise Mette Frederiksen et du chef du gouvernement néerlandais Dick Schoof, les discussions ont porté sur deux axes : renforcer la liste des pays dits « sûrs » et accélérer l’adoption d’un règlement européen sur les retours.

L’Italie, qui défend depuis plusieurs mois l’externalisation du traitement des demandes d’asile, se dit satisfaite d’avoir obtenu l’appui de 19 États dans une déclaration commune. Rome rappelle par ailleurs qu’elle a déjà obtenu, le 10 décembre, le soutien de 27 membres du Conseil de l’Europe autour d’une position similaire.

Pour les gouvernements signataires, il s’agit :

  • de reprendre la main sur les flux migratoires ;
  • d’empêcher les traversées clandestines et leurs drames humains ;
  • et de donner une réalité à l’obligation de quitter le territoire pour les déboutés.

Si le texte est validé, l’Union entrerait dans une nouvelle étape : non plus seulement renforcer ses frontières, mais déplacer une partie du traitement migratoire en dehors d’elles, ce qui constituerait un changement profond de doctrine.

Vers une stratégie européenne globale ?

Au-delà de l’UE, les États favorables veulent étendre cette approche à d’autres cadres internationaux, notamment l’ONU. Leur ambition est d’imposer, sur la scène diplomatique, une vision européenne de la gestion des migrations reposant sur l’externalisation et la coopération renforcée avec les pays tiers.

Reste une question stratégique : l’Europe est-elle prête à assumer politiquement, financièrement et juridiquement ce basculement ? Et surtout, ce modèle constitue-t-il une réponse durable aux pressions migratoires, ou un pari risqué ?

Ce débat pourrait devenir l’un des enjeux majeurs de 2026, alors que plusieurs États membres feront campagne sur la maîtrise des frontières et l’asile.

Crédit photo : DR

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