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L’orange ou la quatrième couleur du vin

Vous avez peut-être déjà rencontré un vin blanc sec à la robe étrangement orangée qui soit de nature à éveiller une réaction de circonspection bien légitime. Depuis une dizaine d’années, une nouvelle catégorie de vin commence à trouver sa place auprès d’amateurs en quête de dépaysement gustatif. Leur percée reste limitée et se cantonne encore essentiellement à un public d’avertis, car leur abord n’est pas des plus facile.

Un vin blanc vinifié comme un vin rouge

Qualifiés aussi de blanc de macération, les vins orange présentent la particularité d’être vinifiés à la façon d’un vin rouge, en intégrant un temps de contact prolongé entre le jus et les parties solides (peau, pédoncule, voire même les rafles pour les plus tanniques d’entre eux). Il en résulte des vins teintés le plus souvent par une vinification dite oxydatrice (laissant le moût partiellement en contact avec l’oxygène dans le cadre d’une oxydation ménagée), à l’origine de cette couleur orange plus ou moins soutenue selon le temps de macération. Durant cette phase, le vin profite d’un transfert important de polyphénols aux propriétés anti-oxydantes reconnues , contribuant ainsi à le préserver de toute déviance oxydative. La variété des styles est sans fin, tributaire du degré de macération, du choix d’intégrer les rafles ou non, de l’option du contenant pour la fermentation (cuve ou amphore) et du cépage utilisé…

Tannins et amertume…

Leur profil aromatique a tout pour dérouter le novice éduqué aux seuls arômes floraux et fruités obtenus sur des cépages très aromatiques comme le sauvignon ou le chardonnay. L’inclination prononcée de notre époque pour l’aseptisation des saveurs et le cloisonnement de l’éducation gustative à ce qui est frais et fruité, condamne de manière irréversible une large majorité d’entre nous à rejeter ce type de vins.

L’autre obstacle à leur compréhension réside dans une consistance tannique très éloignée du blanc fluide et léger. Peu filtrés, la légère turbidité des vins orange, a aussi de quoi effaroucher les partisans de l’œnologie clinicienne, adeptes de vins « propres » et lisses. Comble de la singularité, cette présence tannique si inhabituelle dans les vins blancs, déporte la finale sur une subtile amertume asséchant la sensation d’alcool. Là réside le formidable atout de ces vins d’un nouveau genre, vantés pour leur digestibilité et leur faculté à emmener le dégustateur au cœur de la matière vivante du vin, grâce à leur incroyable richesse en extraits secs. Ces derniers représentent les éléments solides résiduels, qui s’opposent aux composés volatiles sujets à l’évaporation si le vin était amené à subir une distillation. Autrement dit, la teneur plus ou moins importante en extraits secs constitue le marqueur absolu de l’authenticité d’un vin, puisque cette concentration de matières organiques (sels minéraux notamment ) issues du raisin, ne peut être soumise à aucune manipulation œnologique.

Les plus grands vignerons français se mettent au vin orange

Ce n’est sans doute pas un hasard si les plus grands vignerons français s’essayent à ce type de vins dont la clef de la réussite dépend d’une grande maîtrise de la vinification. En Alsace avec Marc Kreydenweiss, dans le Jura sur le savagnin avec Stéphane Tissot, en Loire sur le chenin avec Thierry Germain, dans le Faugères avec le domaine Turner-Pageot,en vallée du Rhône sur le viognier avec Philippe Viret mais une région semble particulièrement douée à cet exercice : le Roussillon. Longtemps habitué à proposer des vins blancs secs marqués par le fameux goût de « rancio » (notes oxydatives appuyées comme la noix), ce vignoble s’est détourné depuis peu de ce style traditionnel, peu consensuel. Des domaines célèbres, pour certains installés dans la fameuse vallée de l’Agly, (Matassa, Roc des Anges, Pithon, Gauby, Comte des Floris) démontrent le superbe raffinement aromatique des cépages carignan blanc et gris et grenache blanc et gris. Dans le sillage de ce tournant stylistique, bon nombre de vignerons se sont épris des vins orange et les résultats se révèlent spectaculaires. L’’utilisation du cépage macabbeu réputé pour son acidité tranchante n’est pas étranger à leur réussite car très approprié à l’équilibre de vins reposant sur des vendanges généralement surmûries ( d’où aussi leur couleur orangée) .

Un vin de sommellerie

Loin d’être une simple tocade de vigneron en mal de créativité, la résurgence de ces vins propose une nouvelle esthétique, en sérieuse alternative au blanc classique. Issus d’une tradition vitivinicole plurimillénaire née dans le berceau de la viticulture en Géorgie, les vins orange ont fait florès dans le nord de l’Italie dans le Frioul et dans le Trentin Haut-Adige. Complexe, l’accompagnement d’un sommelier n’est pas de trop pour mettre en confiance le néophyte dans son expérimentation des vins orange. D’ailleurs, il est heureux de voir cette catégorie monter en force sur les cartes des restaurants.

Quand beaucoup d’entre nous s’interroge inutilement sur les subtilités des accords mets et vins pour des plats et des vins polyvalents, n’appelant aucune règle d’association précise, le particularisme d’un vin orange exige lui, du doigté et de l’audace.

A l’évidence, ce dernier semble prédisposé à s’entendre sur les abats les plus nobles tels les ris de veau mais aussi l’andouillette et autres plats tripiers. La raison étant qu’il développe en bouche autant d’épaisseur que certains vins rouges, tout en portant une réplique aromatique suffisante aux goûts forts et gras de ces produits. Dernière précision, les vins orange se décrivent moins par leur aromatique puissante et capiteuse mais assez indéfinissable, que par des sensations tactiles inédites procurées en bouche. Une autre alliance semble aller de soi, l’accointance quasi naturelle d’une paëlla avec ces vins doués pour neutraliser les saveurs piquantes et épicées du chorizo et du safran en raison d’une fraîcheur intrinsèque exceptionnelle. Reste une certaine vigilance à observer sur leur température de service qui ne doit pas être trop froide, au risque d’accentuer l’astringence et l’amertume, une fourchette comprise entre 12 C°/ 13 C° semble adéquate.

Raphno

Crédit photo : DR
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