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Ces nouveaux vins, conçus pour ceux qui n’aiment pas les vins…

« Côte de bœuf », « l’instant bavette », « entrecôte », « steak house », non vous n’êtes pas devant les étals d’une boucherie, mais bien dans les rayonnages de la grande distribution qui écoulent à foison les derniers avatars de l’industrie du vin. Cette nouvelle engeance gagne en popularité auprès d’une clientèle novice ou peu éveillée à la question du vin, avec ce choix regrettable de faire primer la sécurité de son achat sur la curiosité et la découverte.

La consécration de ces anti-vins révèle avec cruauté l’immixtion pernicieuse du marketing des négociants engagés dans un long travail de sape, destiné à affaiblir les fondations terriennes du vin.  Avec cette nouvelle catégorie, le vin ne se comprend plus par ses origines géographiques et historiques, seule la destination finale, instillée par le conditionnement subliminal de l’étiquette, commande désormais l’acte d’achat.

La nouvelle bibine des temps modernes

En sorte qu’une étape de plus est franchie dans le processus de simplification et de dépossession culturelle impulsé par les gros faiseurs de bibine, dans le but de rendre plus accessible ce vin perçu comme trop complexe par les consommateurs.

Le glissement vers un marché du vin guidé par le dictat du goût sommaire d’une consommation de masse, placée sous la coupe du récit négationniste du marketing, est bien en marche…

Même si la consommation de ces ersatz demeure quelque peu stigmatisante pour des consommateurs, qui sont au vin, ce que les inconditionnels de Guillaume Musso sont à la littérature. L’argument de la qualité de ces simili-vins reste néanmoins soutenu par leurs volumes impressionnants de vente.

Mais là encore, l’assentiment du plus grand nombre n’a jamais donné un brevet de bon goût, surtout si l’on tient compte que leur plébiscite participe avant tout de leurs bons tarifs et d’une aseptisation organoleptique, apte à lever les obstacles de la difficile et longue éducation au vin.

Mais qui se cache derrière ces pseudos vins de boucherie ?

De gros négoces pardi, qui par tradition n’ont jamais fait dans la dentelle, mais sont parvenus à créer leurs anti-vins de terroir dans le but de capter une clientèle demandeuse d’un vin raisonnable en tarif et fléché dans son accord.

Le cahier des charges de cette vinasse rhabillée par un marketing simplifié et direct, se focalise sur la nécessité de produire en gros volumes. Ceci, afin de consolider une marque référente à l’endroit de ceux qui n’ont aucune culture du vin, mais qui devront malgré tout, composer avec sa consommation à l’occasion des moments de sociabilité.

Ainsi la marque « côte de bœuf » est devenue un blockbuster des ventes dans les boucheries et les hypermarchés. À l’origine de ce succès, l’un des léviathan du négoce : les grands chais de France, dans son sillage, d’autres négoces se sont lancés vers la création d’une gamme de vins hors sol, déracinés du terroir mais en mesure de   satisfaire une demande qui s’est détournée de la consommation du vin d’appellation.

Parmi ces gros diffuseurs, citons entre autres :  Vélas, négoce sudiste coutumier des vins factices dont le savoir-faire en marketing a toujours su    compenser habilement l’indigence des jus par des étiquettes au look tapageur.

Sans oublier, Vinovalie, l’usine à vins du comté tolosan, qui s’est forgé un vrai savoir-faire dans le vin vulgarisé, sous couvert de retour aux anciens cépages par ses cuvées d’assemblage (terres métissées et nous cinq). Tous, se disputent un segment de vente juteux qui entend parler à une nouvelle clientèle indifférente au vin, et qui revendique d’ailleurs son envie de le consommer   sous une forme édulcorée à prix modéré.

Recette œnologique au marselan

À défaut d’être nés du terroir, ces vins procèdent de recettes œnologiques qui tirent parti notamment des qualités d’un cépage magique, conçu par l’Inra sur la base d’un croisement génétique entre le cabernet sauvignon et le grenache noir.

Le marselan, malicieusement dévoyé en France par l’industrie du vin afin d’agrémenter des assemblages convenus, à trouver d’autres acquéreurs dans les 4 coins du globe. Il trouve à s’exprimer plus avantageusement, au sein de la grande cuvée de la bodega uruguayenne Garzon, tout en faisant les beaux jours des immenses plantations chinoises par sa formidable adaptation à tous les types de terroir.

En France, son destin se cantonne plutôt à lisser le tannin de la syrah et à délivrer une aromatique de fruit rouge passablement stéréotypée. La sécurité de ses rendements et son attrait aromatique le désignent comme le cépage-roi des petits vins industriels, nivelés au goût du nouveau consommateur. Bref, avec ce cépage tout est une question d’approche, mais bien souvent son utilisation répond à l’exploitation de ses grandes facilités de culture et ses copieux rendements.

Tous ces vins aménagés, grimés au goût du jour par le recours aux artifices œnologiques, partagent un esprit fédérateur, obtenu sur l’autel du consensus vers le bas. Autrement dit, on peut difficilement les prendre à défaut sur une quelconque déviance aromatique, si ce n’est qu’ils s’associent tous au même profil consensuel, coupé de l’expression du terroir. Dans chaque vin de ce type, on y trouvera un tanin peu agressif, quasiment poudreux, un fruit évanescent réhaussé par une sucrosité sous -jacente laissée par des fermentations incomplètes, afin de ne pas froisser les jeunes palais.

La leçon donnée par ces vins

S’il fallait tirer un seul enseignement sur la montée en puissance de ces anti-vins, sans doute est-il à chercher sur notre apprentissage au vin. Lorsque le consommateur se trouve privé de toute référence culturelle, géographique et historique, il devient dès lors plus facilement réceptif au discours du marketing et se transforme en proie idéale pour ingurgiter toutes les potions formatées par l’industrie du vin.

La négation des composantes terriennes et territoriales du vin aboutit ainsi à son déclassement .Ce dernier se trouve  ravalé en   un vulgaire produit de consommation sur lequel sont projetés tous les mécanismes et arguments  d’achats du marketing ( recherche du prix bas, promotion, la recherche d’un goût familier et intégré)  .D’où l’importance que l’initiation au vin passe moins par la dégustation  sensorielle, mais davantage par un  éveil à son histoire et à sa géographie. Sans ces deux piliers fondateurs, qui donnent une place à part au vin, le goût du consommateur est voué à se placer irrémédiablement  sous l’influence des fossoyeurs du vin.  Le goût se manipule plus aisément que l’Histoire.

Raphno

Crédit photo : DR
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2 réponses à “Ces nouveaux vins, conçus pour ceux qui n’aiment pas les vins…”

  1. MORASSE dit :

    Bravo Raphno… Depuis le temps que j’attends un texte définitif comme celui-ci… Merci !

  2. Raphno dit :

    Merci cher Morasse, plus que sa jouissance c’est notre regard sur le vin et sa culture qui nous rapproche.Touché par votre assentiment mais je n’en doutais point.
    Raphno

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