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Marc Mosnier :“l’artiste doit être au service du beau et de l’émotion” [interview]

07/07/2014 – 07H00 Paris (Breizh-info.com) – Marc Mosnier est un illustrateur et dessinateur Breton, exilé à Paris depuis quelques années. Revenu au dessin par passion après des études de droit, à ce jour, il a illustré une centaine de couvertures de romans fantastiques, policiers, d’aventures et collaboré à une trentaine d’ouvrages collectifs (encyclopédies).
Passionné par la Bretagne, il est également l’auteur d’images illustrant la mythologie celtique, dont les originaux ont fait l’objet de nombreuses expositions. Nous l’avons interrogé afin de mieux connaître son métier, ses créations, mais aussi sa vision de la Bretagne, de l’actualité bretonne, et de l’art comme forme d’expression engagée au 21ème siècle.

Diaoul 3 net

Le diable – Diaoul

Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter et nous donner votre parcours professionnel ?

Marc Mosnier : Je suis né en Bretagne, à Nantes, je vis à Paris et exerce la profession d’illustrateur depuis maintenant un quart de siècle.
Ce métier m’a offert la possibilité d’explorer une très large gamme d’univers et de styles, de l’édition musicale au dessin documentaire en passant par l’heroic fantasy et le polar, du dessin au trait style bande dessinée à l’hyperréalisme. Après avoir réalisé nombre d’images de commande, j’essaie aujourd’hui de me recentrer sur mes domaines de prédilection : l’histoire et la mythologie celtiques. Des collaborations fructueuses comme celle  menée avec les éditions Yoran Embanner, de Fouesnant, me le permettent et c’est une grande satisfaction.
Breizh-info.com : d’où vous vient cette vocation artistique ? Quel est le message que vous souhaitez faire passer à travers vos dessins, votre art ?
Marc Mosnier : Cette vocation me vient certainement de très loin ! Je n’ai pas le souvenir de n’avoir jamais dessiné. Dès que j’ai pu tenir un crayon, j’ai gribouillé. Partout. Chez moi, à l’école, sur les tables. Je dessinais également dans le vide, avec mon doigt, ce qui intriguait beaucoup mon entourage. Je pense aussi avoir été fortement influencé par une époque où le graphisme et l’illustration étaient omniprésents et surtout de grande qualité. Sélection du Reader’s Digest, que recevaient mes grands parents, était illustré par Robert Mc Ginnis, entre autres.
Des images fabuleuses. Je revois aussi les logos des marques qui ont bercé mon enfance. Vert Baudet, la Pie qui chante, les sucettes Pierrot Gourmand, les transports Grandjouan, peints sur les camions.
Dans ces années-là, un logo était avant tout un dessin réalisé par un artiste et non pas une vague typo soulignée de deux coups de feutre comme on le voit hélas de plus en plus aujourd’hui.
Pour ce qui est du message, je m’efforce à travers mes réalisations de faire passer en premier l’idée de rigueur et de soin. Mes images sont construites selon des règles bien précises. J’y applique beaucoup les tracés régulateurs et le nombre d’or.
Ensuite j’attache beaucoup d’importance à la tradition. J’aime inscrire mes illustrations dans une continuité, avec des sources d’inspiration clairement identifiables, de l’enluminure gothique à J.C Leyendecker en passant par Mucha et Maxfield Parrish. Je ne cherche pas à faire quelque chose d’original à tout prix, mais de cohérent et fidèle à mes références. Voilà le but et qui je l’espère est perçu.
Breizh-info.com : On sent chez vous un artiste engagé, y compris politiquement, au service de la Bretagne . Est-ce le cas ?
Marc Mosnier : Par le choix de mes sujets, je suis effectivement très lié à la Bretagne. Il ne pouvait d’ailleurs pas en être autrement. Quel illustrateur breton ne se retrouve pas un jour où l’autre face à ses racines ?
Cet engagement au service de la Bretagne est également et logiquement un engagement au service de tous les peuples, européens ou extra-européens. Ainsi, je suis fier d’avoir réalisé les couvertures des histoires de Kabylie et d’Arménie. Dans la même collection, j’espère bientôt m’atteler à une illustration sur les Touaregs.
Le terme de politique, en revanche, ne me convient guère. Je lui préfère celui de culturel.
La politique est réductrice, le combat culturel beaucoup plus intéressant et porteur. Il transcende tout.
Breizh-info.com : Comment se passe la réalisation d’une commande ? Quelles techniques utilisez vous ?
Marc Mosnier : S’il s’agit d’un livre, l’éditeur prend contact avec moi et me propose un manuscrit. Pour un logo d’entreprise ou un blason de particulier, je m’entretiens avec la personne qui me passe commande pour bien comprendre ce qu’elle souhaite faire ressortir. C’est la première étape. La deuxième consiste à présenter un ou plusieurs crayonnés sommaires, appelés roughs, au client.  Si celui-ci accepte je passe à la réalisation finale, en couleurs.
Ma technique est traditionnelle : je travaille avec des encres, de la peinture, des pinceaux et mon aérographe sur toile ou sur papier. Pour certains travaux j’utilise l’ordinateur, mais c’est très exceptionnel. Rien ne vaut le contact avec le support, l’odeur des tubes de couleurs, le clapotis du pinceau dans le godet, et au final la possession d’un original, qui peut permettre à un spectateur de s’émouvoir devant un accident de matière, une touche de pinceau réfléchie. Un travail en infographie, si habile soit-il, ne sera jamais qu’une suite de chiffres dans la mémoire d’une machine.
Breizh-info.com : Des bonnets rouges à l’aéroport de Notre dame des landes en passant par la réunification bretonne, l’actualité de ces derniers mois est chargée en Bretagne. Quelles sont vos positions sur ces trois sujets précis ?
Marc Mosnier : Comme tout Breton de la diaspora, l’actualité m’a bien sûr tenu en éveil.
Il ne fait aucun aucun doute que le sentiment national breton est plus fort que jamais. Il est même remarquable que des décennies de propagande ne l’aient pas émoussé.
Mais à propos de ces trois phénomènes, j’ai surtout été frappé, en lisant les commentaires des articles de presse,  par les propos hostiles voire carrément blessants à l’encontre des Bretons. Les accusations délirantes de passéisme, de communautarisme et autres anathèmes ont fusé alors que personne ne peut nier que  les revendications bretonnes soient parfaitement légitimes car démocratiques et pacifiques.
Il est tout à fait surprenant de voir qu’en 2014, alors que nous entrons de plein pied dans le XXIe siècle – les changements de siècle s’opèrent toujours dans les années 14 ou 15- certains s’attachent encore à défendre des conceptions rétrogrades issues d’une idéologie totalement dépassée – le jacobinisme – et dont les XIXe et XXe siècles ont prouvé les effets mortifères.
Lavandières

Lavandières

Breizh-info.com :  Envisagez vous un retour au pays ? Comment se passe la vie parisienne ?
Marc Mosnier : Paris offre les avantages et les inconvénients des grandes métropoles : beaucoup d’agitation, beaucoup de stress, mais également beaucoup d’occasions de rencontrer des personnes très diverses d’où naîtront des collaborations intéressantes. L’essentiel est de ne pas y être rivé sans possibilité de bouger, ce qui n’est pas mon cas.
Breizh-info.com :  un conseil pour ceux qui voudraient se lancer dans une carrière artistique ? L’art doit il être mis au service d’idées politiques ? N y a-t-il pas aujourd’hui une certaine forme de décadence dans ce qu’on présente comme de l’art, notamment dans les hautes sphères dominantes ?
Marc Mosnier : Spécialement en illustration, le plus sage est d’avoir à la fois la tête dans les étoiles et de garder les pieds sur terre. Paradoxalement, nous vivons dans un monde de l’image, mais qui devient de plus en plus difficile pour les jeunes créatifs.  Les années 80 sont loin, où l’illustrateur croulait sous les commandes alimentaires très bien payées. L’informatique est passée par là. L’illustration redevient une création purement artistique, l’illustrateur un artiste et non plus un exécutant, avec les risques que cela comporte. L’édition est en pleine mutation également. Ainsi, il y a  beaucoup d’appelés et peu d’élus. Donc prudence… Il faut être certain d’être taillé pour la réussite avant de s’embarquer dans cette aventure. C’est le conseil que je donne à mes élèves.
L’art et la politique sont des domaines antinomiques. L’art officiel mis au service d’une idéologie est toujours grotesque. Les peintres pompiers de la fin du XIXe siècle ont produit des œuvres de qualité, mais ils restent l’exception. Quant à l’artiste qui se mêle de politique à tout bout de champ, mieux vaudrait pour lui s’abstenir.
L’artiste doit être au service du beau et de l’émotion et c’est tout ! Il n’a pas vocation à changer le monde, simplement à refléter les aspirations de son époque, à son modeste niveau.  Ceci illustre bien le dernier point de votre question. Une partie de l’art contemporain a été un art officiel, porté par une idéologie, avec un diktat de la pensée laissant supposer qu’en dehors de lui rien n’existait. Cet “art” a connu des sommets d’indigence comme chacun sait. Inutile d’ailleurs de s’étendre sur cette question qui reviendrait à tirer sur une ambulance. Nous assistons aujourd’hui à un grand retour du bon sens en matière d’art et spécialement en matière de figuratif et de dessin. Il n’y a qu’à voir le succès des peintures de Norman Rockwell ou le prix des planches originales de bande dessinée. C’est cela l’essentiel.
Crédit photo  : DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
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Une réponse à “Marc Mosnier :“l’artiste doit être au service du beau et de l’émotion” [interview]”

  1. Youenn de Quelen dit :

    L’expression très forte de l’idée que le “culturel” est appelé à dominer le “politique” est une réponse adéquate à la morosité ambiante. Bravo à Marc Mosnier pour son exultation sereine de joie par la culture !

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