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Travaux de rénovation énergétique : attention à ne pas se précipiter sur des mirages financiers !

25/03/2017 – 09H30 Rennes  (Breizh-info.com)  Les travaux de rénovation énergétique sont-ils valables, économiquement ? La première réponse qui viendrait à l’esprit de n’importe qui est bien entendu l’affirmatif. D’ailleurs, depuis des années, les collectivités et l’Etat proposent de larges subventions pour la rénovation énergétique et ne lésinent pas sur la communication à ce sujet.

Avec l’ANAH (Agence nationale de l’habitat), les propriétaires peuvent bénéficier de plusieurs aides s’ils remplissent les conditions suivantes :

  1. Etre propriétaire du logement que vous occupez,
  2. Ne  pas dépasser certains plafonds,
  3. Les travaux doivent produire au moins 25% d’économies d’énergie,
  4. Les travaux doivent être réalisés par des entreprises.

Les aides sont plafonnés à 12000 € pour les revenus très modestes (auxquelles peuvent se rajouter quelques centaines d’euro de telle ou telle communauté d’agglomération) – c’est à dire dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 29 500 euros en Bretagne (2 adultes et 2 enfants) –  et 8 600 € pour les revenus modestes. C’est à dire dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 37.826 euros en Bretagne pour une famille de deux adultes et deux enfants.

En résumé, une famille avec deux enfants dont les revenus du père et de la mère dépassent 1450 euros nets pour chacun ne pourra prétendre à aucune aide. Dans les Côtes d’Armor, les 3/4 des foyers sont toutefois éligibles selon Philippe Le Goff, de Guingamp Agglomération.

Et pour rentrer dans la catégorie du revenu très modeste, le plafond s’arrête au niveau d’un SMIC net cumulé par les deux parents.

Pour obtenir ces aides, il faut savoir que la fourniture et la main d’oeuvre ne sont pas comprises dans leur évaluation. A cela s’ajoute un crédit d’impôt à hauteur de 30%, sur le matériel (voir liste ici) et uniquement sur le matériel, c’est à dire que la main d’oeuvre (généralement ce qui coûte le plus cher) est exclue.

Un exemple de travaux lourds bien aidés :

Une famille « très modeste » entreprend pour 40 000 euros de gros travaux dans sa maison en rénovation (travaux d’installation ou de rénovation de réseaux d’eau, salle de bain, toilettes, d’électricité ou de gaz ..) : elle pourra obtenir jusqu’à 22 000 euros d’aides (Anah + habiter mieux). Reste donc 18 000 euros à financer, pour lesquels elle peut obtenir un crédit d’impôt CITE à hauteur de 30% (dans la limite d’une dépense de 16 800 euros pour un couple avec deux enfants et hors main d’oeuvre et fourniture), soit 30% de 12 000 euros environ (si on enlève main d’oeuvre et fourniture), soit 3600 euros.

Il restera donc à cette famille à dépenser 14 400 euros pour faire les travaux.

Pour payer ce qu’il reste à payer, et en fonction du type de travaux choisis, la famille peut obtenir un prêt à taux zéro, sur 15 années maximum si il y a eu trois bouquets de travaux effectués , ces prêts étant accordés sur dix ans en moyenne. Pour réaliser ces travaux, sans apport, la famille – qui gagne donc environ 2200 euros nets – devra donc , sur dix ans, rembourser 120 euros tous les mois.

Un gros sacrifice donc pour une famille très modeste, en plus du remboursement de la maison, des coûts de l’énergie, du coût de la vie à 4 …

Outre le fait qu’une large partie des classes moyennes soit exclue du dispositif de l’ANAH, d’autres critiques viennent justement du fait que des familles pauvres se retrouvent à rembourser chaque mois de lourds travaux, faute d’une meilleure prise en charge de l’Anah (prise en charge déjà généreuse toutefois) et d’une dispersion par rapport à d’autres petits travaux, plus légers ceux là, et pas rentables pour les familles qui les entreprennent.

Un exemple de travaux non rentables : 

Pour faire poser 5 volets roulants isolants dans un appartement – qui répondent aux normes exigées pour obtenir le CITE – une entreprise nous propose un devis de 3114 euros TTC, soit 2951 HT, avec une éligibilité pour un crédit d’impôt à hauteur de 470 euros récupérables.

Le crédit d’impôt ne prend donc en compte que 1500 euros de matériel. Après crédit d’impôt, le client règlera tout de même 2644 Euros TTC de sa poche.

Avec l’Anah qui soutiendrait le projet (à 60% donc dans le cadre du programme habiter mieux pour un revenu très modeste ou 45% pour un revenu modeste)  cela ferait 1770 euros d’aide en plus pour un revenu très modeste, et 1327 euros pour un revenu modeste.

Soit au total 874 euros à régler pour le particulier au revenu très modeste et 1317 euros pour le particulier au revenu modeste. 

Pour compléter cela peut s’ajouter un crédit à taux zéro (montant maximum de 30 000 euros), mais qui reste un prêt, donc de l’argent concrètement payé par celui qui entreprend les travaux.

Au final, vos travaux vous auront permis de gagner 25% d’énergie sur le poste volets, si ce sont vos seuls travaux. Les fenêtres dans une maison sont responsables d’environ 15% de la déperdition de chaleur. En 2015, la facture de chauffage moyenne était de 1 590 €, selon une étude réalisée à partir d’un échantillon représentatif de 205 000 bilans énergétiques effectués sur QuelleEnergie.fr.

Si l’on part de cette moyenne pour notre revenu le plus modeste, cela signifie que ses fenêtres provoquent, par an, une dépense d’environ 238,5 euros ( 15% de la facture moyenne) de son budget de chauffage. L’installation de volets isolants permettant de réaliser 25% (minimum, sachant que cela augmente si l’on procède à des travaux pour harmoniser dans toute la maison) d’économie d’énergie sur ce poste (donc 25% X 238,5), ses travaux lui feront gagner 60 euros par an.

Lui qui a dépensé 874 euros au total (+ l’avance des 470 euros de crédit d’impôt qu’il ne récupérera que l’année d’après), mettra donc 14 années et demie pour équilibrer le poste « volets roulants » vis à vis de sa facture énergétique (et encore, nous n’avons pas pris en compte l’état des fenêtres)

Et cela, sans compter la dépense d’électricité liée à l’ouverture/ fermeture des volets durant 15 ans s’il s’agit de volets électriques, et dans tous les cas de  l’usure de ces volets (qui ont généralement une garantie de 5 ans).

Et cela, sans compter en plus l’augmentation du coût de l’électricité . Selon la commission d’enquête du Sénat à ce sujet, le coût de l’électricité pourrait augmenter de 50% d’ici à 2020 et de 100% d’ici à 2023. 

Dans ce cas, l’investissement de départ « pour faire des économies d’énergies » n’est donc absolument pas rentable, au contraire même.

Seul bénéfice, surtout si il est couplé avec d’autres travaux, le gain d’un certain confort dans la maison.

Des travaux d’économies d’énergie valables uniquement sur les gros travaux ?

Les particuliers doivent clairement se méfier des campagnes alléchantes leur proposant de larges subventions, ou des crédits d’impôts, ici pour l’installation de nouvelles fenêtres, là pour de nouveaux volets, ou pour une rénovation plus globale du système énergétique.

Car l’installation d’une pompe à chaleur, la refonte d’un système de chauffage électrique dans une maison, dans l’optique d’économiser sur les factures d’électricité semble parfois relever du domaine du leurre, ou du mirage à long terme

Prenons l’exemple maintenant d’un changement d’installation énergétique. Pour une pompe à chaleur air-eau, le coût moyen varie entre 9.000 € et 15.000 € et son installation permet de consommer trois fois moins d’énergie (Source : ADEME – Guide pratique « Les pompes à chaleur »).

Le site quelenergie.fr prend l’exemple d’une famille que nous retranscrivons ici :

« M. et Mme Rieux habitent avec leur fils dans une maison de 105 m² construite avant 1979 à Nancy. Ils se chauffent grâce à une vieille chaudière électrique. Ils possèdent un poêle charbon en tant que chauffage d’appoint. Ils souhaitent remplacer leur chaudière par une pompe à chaleur air-eau pour chauffer leur maison et fournir l’eau chaude sanitaire.

Pour un investissement de 13 000 euros (NDLR : qui ne comprend pas, comme cela peut être le cas dans de nombreuses maisons, la refonte des circuits permettant de diffuser la chaleur ; 3 000 à 5 000€ TTC pour une maison de 100 m² pour un système standard.) , cette famille a droit à un crédit d’impôt de 3.042 €, à 528 € de prime énergie, à une subvention de 650 € de la part de la ville de Nancy. Soit une dépense réelle de 8 780 euros.

Leur facture énergétique est de 3.749 € par an. Sur 20 ans, s’ils ne font pas de travaux, ils vont dépenser 74.980 €. S’ils font des travaux, leur facture se réduit chaque année de 1.730 €, passant ainsi à 2.019 €. S’il l’on ajoute à ce coût de l’énergie, le coût des travaux rapportés sur 20 ans, soit 439 €, on obtient une dépense totale au bout des 20 années de 49.160 €. »

Sauf que le même site explique aussi que la durée de vie d’une pompe à chaleur aérothermique est en moyenne de 15 à 20 ans. Avec un rendement qui peut baisser plus la « fin de vie » approchant, en fonction de l’entretien qui est donné (ou pas) au matériel.

Si on s’en tient à la fourchette haute, cela signifie que ce couple sera obligé d’investir de nouveau 13 000 euros dans vingt ans, pour une nouvelle pompe à chaleur en plus des 8780 euros investis au départ pour la première. L’économie de 25 000 euros promise sur 20 ans est ainsi tout bonnement réduite à moins de 4000 euros avec l’achat de deux pompes à chaleur sur vingt ans.

Dans les deux cas, avec ou sans travaux, l’augmentation prévue du prix de l’électricité dans les années à venir pourrait provoquer la ruine financière de cette famille à moyen terme.

Prendre bien le temps de réfléchir et ne pas se laisser griser ou manipuler

En conclusion, avant de se lancer dans des travaux – et hormis urgences structurelles, sanitaires ou thermiques  – il est particulièrement important de prendre son temps. De réfléchir à long terme, de faire faire des devis contradictoires, et de se renseigner sur les sociétés et les artisans qui viendront chez vous pour faire vos travaux.

Et ensuite, de demander conseil à des interlocuteurs publics (Anah ou autres) sans se laisser « griser » par le montant des subventions, des crédits d’impôts possibles …

Ne jamais oublier que l’électricité notamment a un coût qui va en augmentant (d’où la question qui se pose de privilégier des modes de chauffages alternatifs et eux aussi subventionnés comme les poêles à bois) , que le matériel installé s’use sur le long terme, et que les petits travaux effectués ici ou là ne seront pas réellement « rentables » en terme économique (mais pourront l’être en terme de confort) avant souvent 15 ou 20 ans, c’est à dire à des dates proches de leur fin de vie estimée …

Enfin, ne jamais sous estimer non plus qu’une maison – hormis encore une fois travaux d’urgence – nécessite d’être comprise dans sa globalité pour trouver les meilleurs travaux d’aménagement et d’harmonisation possible.

Ainsi, mieux vaut interroger et rémunérer un maître d’oeuvre au départ, ou un spécialiste de la rénovation énergétique qui n’a rien à vous vendre, qu’un artisan spécialisé dans tel ou tel domaine qui risque de voir tout sous le prisme de son métier, et pas forcément de l’intérêt de votre logement.

Ces conseils vous permettront peut être de ne pas vous retrouver endetter pour dix ans, ou plus, pour des travaux qui au final ne vous satisfont pas totalement et surtout ne vous apportent pas l’économie d’énergie promise au début !

Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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