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Corse. Jean Guy Talamoni : « Nous ne demandons pas un euro de plus prélevé sur le Trésor public français »

12/12/2017 – 06h00 Bastia (Breizh-info.com) –Le 1er janvier 2018, la Corse, qui deviendra une collectivité territoriale unique, sera dirigée par la coalition entre régionalistes et nationalistes.

Cette coalition occupera 41 des 63 sièges de la nouvelle assemblée unique, dotée de nouveaux pouvoirs que les nationalistes veulent toutefois étendre d’ici aux prochaines années. La liste Pè a Corsica, conduite par Gilles Simeoni, a recueilli 56,5 % des suffrages dimanche.

Cette victoire nationaliste corse, avec 52% de participation, soit plus que lors des élections législatives en France, donne toute légitimité à Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni pour négocier avec le gouvernement français, sur la réforme constitutionnelle, l’autonomie, les prisonniers politiques et le statut de résident corse.

Nous avons interrogé Jean-Guy Talamoni, actuel président de l’Assemblée de Corse, pour comprendre les enjeux qui attendent dans les prochaines années les habitants de l’île de beauté.

Breizh-info.com : Tout d’abord, quelle est votre première réaction après cette victoire historique pour les nationalistes corses ?

Jean-Guy Talamoni : C’est une très grande satisfaction. Mais encore davantage de responsabilités qui pèsent sur nos épaules. Nous avons travaillé depuis deux ans avec beaucoup de détermination et allons pouvoir continuer à travailler au bénéfice de l’ensemble des Corses et pas seulement des nationalistes qui ont été les premiers à nous faire confiance en 2015.

C’est dans cet esprit que nous comptons poursuivre cette mandature. Car en réalité, il ne s’agit depuis deux ans que d’un tiers de la mandature – qui est normalement de six ans . Nous avons donc demandé aux Corses de nous maintenir pour que nous puissions continuer notre travail et bénéficier d’une mandature complète.

Breizh-info.com : L’objectif désormais, c’est l’autonomie dans dix ans ?

Jean-Guy Talamoni : Plus exactement nous nous donnons trois ans pour obtenir un nouveau statut institutionnel que l’on peut qualifier d’autonomie. Plus précisément du transfert de pouvoirs législatifs à la Corse, dans de larges domaines comme l’économique, le social, le culturel, l’aménagement du territoire. En fait, à peu près tout, sauf les prérogatives de l’État régalien.

Voici le statut pour lequel nous allons demander rapidement des discussions avec Paris. Nous nous donnons trois ans pour l’obtenir et 7 ans pour le mettre en oeuvre, et cela suppose que les Corses nous fassent confiance au terme de notre mandature.

C’est un statut qui sera plus performant que celui que nous aurons à partir de janvier (fusions de trois collectivités en une collectivité de Corse). C’est insuffisant car nous avons besoin de leviers juridiques que nous n’avons pas aujourd’hui et de pouvoirs législatifs dans les compétences que je vous énonçais plus haut.

Nous devons pouvoir gouverner de façon convenable les affaires publiques de la Corse. C’est pour cela que dès l’installation de la nouvelle collectivité unique en janvier 2018, nous allons demander un nouveau statut à Paris.

Breizh-info : Certains jugent la participation à ces élections faible (pourtant plus forte que pour la dernière élection législative) . Qu’en pensez-vous ?

Jean-Guy Talamoni : D’une part, une Assemblée est légitime même si le taux d’abstention a été important. Je pense au Parlement européen souvent élu avec un taux d’abstention très important, mais aussi à l’actuel Palais Bourbon dont les membres ont été élus avec 43% de participation. On ne peut pas remettre en cause cette légitimité

En revanche, l’abstention est un problème. C’est le symptôme d’une désaffection pour la politique d’une partie de la population, qui se sent par ailleurs abandonnée. C’est un problème. Cela ne concerne pas spécifiquement la Corse mais l’Europe et même au delà. Ces populations se réfugient dans l’abstention ou bien dans un vote un peu irrationnel, ce qui donne Trump aux États-Unis, le Brexit, ou encore le vote d’extrême droite en Europe.

Nous voulons nous attaquer aux causes, aux fractures qui minent nos sociétés occidentales : fracture sociale, territoriale, intergénérationnelle – souvent les jeunes se méfient de la politique et ne vont pas aux urnes car ils considèrent que les élus sont tous les mêmes.

Nous avons commencé à lutter depuis deux ans contre ces fractures. Pour la fracture intergénérationnelle, j’ai créé une assemblée des jeunes pour participer à la vie publique. Ils sont ambassadeurs auprès de la jeunesse pour expliquer que la politique n’est pas une activité sale, mais une activité noble et qu’il faut qu’ils y participent quelles que soient leurs idées politiques.

Concernant la fracture territoriale, nous avons mis un dispositif en place pour aider les régions de montagne en Corse, souvent abandonnées. Pour la fracture sociale, nous avons travaillé sur un statut fiscal et social – au bénéfice aussi des particuliers. Nous travaillons sur un plan contre la précarité et la pauvreté. Nous avons pris des mesures pour les retraités les plus modestes (réduction de 50% du prix des transports pour la moitié de ces retraités). Ce sont des mesures fortes, surtout lorsque l’on sait que nous avons récupéré les finances publiques en difficulté.

L’abstention est la conséquence de ces fractures : c’est très grave car c’est la démocratie elle même qui doit être réhabilitée. Il faut agir vis-à-vis des populations qui se sentent abandonnées.

Breizh-info.com : Votre victoire est-elle aussi la victoire d’un courant identitaire – qui se développe aujourd’hui en Europe ? Eric Zemmour comparait récemment vos résultats et votre victoire à ceux, élevés également, de Marine Le Pen en Corse lors de l’élection présidentielle et expliquait que les nationalistes auraient gagné en raison d’une forme d’identitarisme corse ? Qu’en pensez-vous ?

Jean-Guy Talamoni : Monsieur Zemmour n’est pas un spécialiste de la question corse. Je le laisse responsable de son analyse que je ne partage aucunement. Le vote en faveur de Marine Le Pen, élevé à l’occasion de la présidentielle, a été quasiment nul à l’occasion de ces élections territoriales, parce que ce sont les élections qui concernent vraiment les Corses.

Nous concernant, les idées de Madame Le Pen sont à l’opposé des nôtres. Nous le disons depuis des dizaines d’années. Nous avons déjà empêché Le Pen père d’atterrir en Corse – je me souviens moi même jeune militant à l’époque avoir participé à ces opérations. Nous n’avons jamais rien eu de commun avec ces idées. Notre nationalisme s’enracine dans l’histoire de la Corse, dans la Corse du 18ème siècle particulièrement, qui est une contribution à l’Europe des lumières, avec tolérance religieuse, avec accueil des étrangers.

Pour notre part, les idées que défend le FN français sont aux antipodes de notre culture et de notre tradition politique. Je suis très clair sur ce sujet. Rien de commun avec ce mouvement français.

Breizh-info.com : Concernant les prisonniers politiques Corses, vous souhaitez mettre ce dossier au coeur des négociations avec Paris. Un avocat expliquait l’autre fois sur un journal que selon lui, l’amnistie ne pouvait pas être mise en place contrairement au rapprochement des prisonniers. Que demandez vous ?

Jean-Guy Talamoni : Je ne sais pas quel avocat a dit cela. Ce n’est pas notre point de vue . L’amnistie demeure notre demande fondamentale. Le rapprochement n’est qu’une mesure transitoire. Cela nous intéresse mais nous nous pensons que les nationalistes corses n’ont pas à être en prison ni en France ni en Corse.

L’amnistie, la France y a eu recours à plusieurs reprises au vingtième siècle. Après la Deuxième Guerre mondiale notamment pour des crimes et pour les collaborateurs, mais aussi après la guerre d’Algérie. Mais également pour la Corse et la Nouvelle-Calédonie. C’est un processus existant à l’échelle planétaire et qui vient tourner la page d’un conflit. Celui entre la Corse et Paris a, depuis juin 2014 et la sortie de clandestinité du FLNC, cessé. Il n’existe plus.

Il y a certes des discussions, un rapport de force politique et démocratique, mais plus ce conflit que nous avons connu depuis 40 ans. Pour tourner la page, la seule solution, c’est l’amnistie.

Breizh-info.com : A quoi vont vous amener toutes ces revendications si le gouvernement français les bloque ?

Jean-Guy Talamoni : D’une part, nous susciterons une mobilisation populaire en Corse (manifestations notamment) et d’autre part, nous ferons la tournée des pays en Europe pour dénoncer l’attitude de la France qui donne des leçons de droits de l’homme et de démocratie à toute l’Europe et même au delà, et qui n’est pas capable de prendre en compte le fait démocratique en Corse. J’espère que nous ne serons pas obligés d’en arriver là, mais je pense que nous serions en cas de blocage à dire les choses clairement.

http://gty.im/124062935

Breizh-info : On entend parfois des critiques visant les nationalistes Corses, concernant notamment la dépendance de l’île vis-à-vis de Paris et du reste de la France.  Les Corses – qui veulent leur autonomie – vivent-ils au crochet de la France ?

Jean-Guy Talamoni : Cette analyse nous parait complètement fausse. Nous demandons qu’une analyse contradictoire soit faite entre la France et la Corse à cet égard. Par ailleurs, que les choses soient claires : nous ne demandons pas un euro de plus prélevé sur le Trésor public français. Nous demandons un transfert de la fiscalité. C’est à dire des impôts payés par les Corses. Nous voulons travailler avec nos propres capacités contributives.

La politique de notre majorité ne consiste pas à demander des sommes à Paris mais bien un transfert de fiscalité. Pour faire avec les impôts payés par les Corses. C’est une question de responsabilisation de la Corse et de dignité de notre communauté.

Breizh-info.com : Après la Catalogne, l’Écosse, la Corse… Peut-on imaginer demain la même chose en Bretagne ou en Alsace ? Est ce que finalement l’Europe des nations – qui a échoué comme on le constate tous les jours – ne va-t-elle pas laisser sa place et sa chance à une Europe des régions, des patries charnelles ?

Jean-Guy Talamoni : En ce qui me concerne je l’appellerai Europe des peuples. C’est effectivement ce que nous souhaitons. Je crois qu’il faut se garder de recettes universelles qui conviendraient à tout le monde. La Catalogne est la Catalogne, l’Écosse est l’Écosse. La Bretagne – que je connais et que j’ai visité il y a encore peu de temps – c’est encore autre chose, idem pour l’Alsace.

Ce qui peut être commun c’est la volonté d’être en tant que communauté (le moi collectif). Cette volonté doit être respectée, valorisée, développée. Après il n y a pas de recette universelle. Chacun a sa forme de lutte. Je suis pour une solidarité entre les différents peuples d’Europe qui veulent accéder à leur émancipation, et en même temps, je pense que chacun doit agir à son rythme avec les moyens adaptés à sa situation.

J’en profite pour saluer toute la Bretagne et les Bretons !

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2017, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Corse. Jean Guy Talamoni : « Nous ne demandons pas un euro de plus prélevé sur le Trésor public français »”

  1. Said Aidoud dit :

    ds ton cul le fn et tvl!

  2. Alain dit :

    Pendant que les Corses votent Nationaliste (Corse)… les Bretons piaffent d’impatience de pouvoir voter Socialiste Français ou FN…

    Mon Dieu, qu’on est loin en Bretagne n’avoir et des élus de la qualité de Talamoni et des électeurs du courage des Corses!

  3. Gurvan Kervras dit :

    En bretagne c’est breiz-xit ! Dehors l’occupant et bourreau franco-parisien (!)..de nos langues,culture..territoire. .retour de Nantes e Bzh..Bretagne !

  4. Bernard Waymel dit :

    Pas un euro de plus prélevé sur le Trésor public français. Heureusement, la Corse est déjà un gouffre financier pour le contribuable français !

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