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Irlande. Un ancien commandant de l’IRA évoque des incidents à venir à la frontière, en cas de Brexit dur

Un ancien commandant de l’IRA a déclaré que la vie autour de la frontière entre Irlande et Irlande du Nord changerait « dramatiquement » à court terme en cas d’un Brexit dur.

La moindre caméra sera selon lui attaquée et enlevée et des groupes républicains armés mèneront une campagne de recrutement massive, a déclaré John Connolly, un ancien officier commandant de la Real IRA, dans une interview avec TheJournal.ie.

M. Connolly, qui a été arrêté et condamné à 14 ans de prison après avoir été pris en flagrant délit lors d’un attentat à la bombe devant la caserne de Fermanagh en 2000, souligne lors de l’entretien qu’il ne s’exprime au nom d’aucun groupe ou organisation et ne souhaite pas voir la violence reprendre, que sa guerre est terminée depuis 2007 et qu’il propose simplement une analyse basée sur son expérience.

Dans l’éventualité d’un Brexit sans accord, a-t-il dit, toute forme d’infrastructure physique imposée par le gouvernement britannique serait considérée comme la manifestation d’une « force militaire d’occupation étrangère ».

« Le gouvernement britannique ne semble pas avoir tiré les leçons du passé. De l’oppression naît la résistance. Nous vivons en temps de paix et personne ne veut retourner aux années de guerre. » explique-t-il, tout en affirmant qu’aucun poste de douane n’empêcherait la contrebande (ce n’est déjà pas le cas actuellement).

Son analyse selon laquelle les postes frontaliers deviendraient une cible converge dans tous les cas avec les déclarations d’experts en matière de sécurité et de hauts responsables politiques, y compris le chef de police du PSNI, George Hamilton, qui a déclaré qu’ils seraient considérés comme des « cibles faciles » par les républicains dissidents violents.

La frontière Fermanagh-Monaghan, principal point de tension

Les premières routes le long de la frontière longue de 500 km ont commencé à être fermées en réponse à la campagne frontalière de l’IRA dans les années 1950. Des restrictions encore plus sévères et une fortification accrue ont été introduites à mesure que la violence dans le Nord a dégénéré au début des années 1970. Au plus fort de la campagne de l’IRA dans les années 1970 et au début des années 1980, la plupart des petites routes frontalières autour de la frontière Fermanagh-Monaghan (centre), d’où vient Connolly, ont été bloquées par de gros blocs de béton ou détruites par l’armée britannique. Les véhicules qui traversaient la frontière le long des routes principales devaient passer par un poste de contrôle militaire complet, ce qui entraînait souvent de longs retards.

Les attaques contre les troupes et les positions de l’armée britannique étaient fréquentes, et, a contrario, les brimades, les enlèvements, les agressions visant des catholiques et des républicains se multipliaient alors à l’époque.

Les récits de l’époque racontent comment une atmosphère de tension et de méfiance s’était installée dans la région. L’IRA considérait les membres des forces de sécurité comme des cibles légitimes. La communauté paysanne protestante était devenue profondément méfiante à l’égard des catholiques – qui, selon elle, auraient pu faire partie du réseau d’information de l’IRA.

John Connolly, l’ancien commandant de l’IRA, explique : « vous avez des fermiers catholiques et des fermiers protestants qui vivent ensemble aujourd’hui.  À l’époque des Troubles, ils ne se regardaient pas, il y avait de la haine. Tu ne réalises pas la haine qu’il y aurait eu à l’époque. Des voisins, catholiques et protestants, s’entraidant les uns les autres qui, pendant les années de guerre, quand les choses allaient mal, ne se regardaient même pas. Un retour à cette époque est la dernière chose que je veux voir et c’est la dernière chose que les gens de ma région veulent voir. C’est ce qui risque d’arriver en cas de frontière dure. »

Le spectre de l’IRA

Connolly, qui raconte que les postes de contrôle militaires britanniques étaient attaqués quotidiennement au plus fort du conflit, explique en revanche, qu’actuellement, il ne ressent aucun « appétit » pour la lutte armée. « Je faisais partie de l’IRA provisoire. J’ai été arrêté, inculpé et condamné pour collecte de renseignements et j’ai fait de la prison pour ça quand j’étais jeune, pour avoir collecté des renseignements pour l’IRA provisoire. »

Connolly a été condamné à une peine d’emprisonnement de cinq ans au début des années 1990. Alors que le processus de paix s’accélérait, plus tard dans la décennie, il faisait partie du groupe qui s’est séparé de l’IRA provisoire au moment du cessez-le-feu de 1997 et n’a pas signé les dispositions de l’Accord du Vendredi saint de l’année suivante.

Il a été emprisonné pendant 14 ans suite à l’attentat de la caserne de Fermanagh en novembre 2000, pour les commémorations de l’Armistice, et a été le chef des prisonniers de la Real IRA dans la prison de Maghaberry d’Antrim jusqu’à sa libération en 2007.

« Je n’étais pas d’accord avec le démantèlement des armes de l’IRA. Elles étaient nécessaires pour combattre une force d’occupation. C’est pourquoi j’ai rompu tout contact avec le mouvement provisoire » explique-t-il, considérant la Real IRA qui a suivi comme la vraie IRA.

Évoquant les groupes armés actuels, il a dit qu’il n’utilisait pas le terme « dissident » pour les décrire. « Vous avez des groupes armés qui poursuivent la lutte. Mais je ne suis pas moi-même en faveur de la lutte armée. Je ne condamnerai pas les gens qui le sont, d’accord ? Parce que je serais hypocrite si je le faisais, surtout avec mon passé d’être impliqué dans des actions armées. » explique-t-il, tout en refusant de commenter l’attentat de Derry.

« Cette frontière possible mettrait de l’huile sur le feu »

Malgré l’entrée en vigueur du marché unique de l’Union européenne en 1993, les problèmes le long de la frontière entre Irlande et Irlande du Nord n’ont pas pris fin tout de suite. Alors que le processus de paix se poursuivait dans les années 2000 à la suite de l’Accord du Vendredi saint, les dirigeants du Sinn Féin ont fait de la démilitarisation de la frontière, en particulier dans le compté du Sud-Armagh, l’une de leurs principales revendications dans les négociations pour permettre la création d’une Assemblée d’Irlande du Nord stable.

Le Royaume-Uni a par la suite enlevé la dernière de ses tours blindées au poste de police de Crossmaglen en février 2007. L’armée britannique a officiellement mis fin par la suite à son opération Banner, qui durait depuis fort longtemps, sa présence le long de la frontière n’étant plus jugée nécessaire. Toutefois, un nombre croissant de troupes spécialisées ont été déployées dans le Nord ces dernières années en réponse à une menace dissidente résurgente.

Ces troupes comprennent des officiers hautement entraînés et spécialisés dans la neutralisation des explosifs et des munitions, et l’Escadron spécial de reconnaissance du SAS, qui soutient le MI5 et le PSNI dans la lutte contre la menace que représentent les républicains dissidents, en particulier la New IRA.

Tom Clonan, spécialiste dans les affaires de sécurité et ancien membre de l’armée britannique, a déclaré : « Toute la discussion politique a porté sur les gens respectueux des lois, les gens qui exportent et importent. Mais le Brexit créerait une énorme opportunité pour les gens qui ne respectent pas la loi, pour les éléments criminels. Parce que si nous devenons une frontière de l’Union européenne, il y aura des possibilités de circulation de marchandises illégales, de marchandises de contrebande, de substances illégales, de drogues, de personnes… Cela ouvrira la porte à toutes sortes de dérives et les éléments du crime organisé sur cette île sont très organisés et ils sont très bien armés. », avant de poursuivre : 

« De tels groupes ont des liens très, très étroits avec les loyalistes armés dissidents et les républicains – ces liens existent déjà et ils sont bien documentés. Donc, le crime organisé utilisera une rhétorique nationaliste et loyaliste pour faire monter la tension. Cette frontière possible mettrait de l’huile sur le feu ».

Au regard des témoignages recueillis, des avis de spécialistes et d’experts du conflit en Irlande du Nord, de militants loyalistes, républicains, il semblerait qu’une chose fasse l’unanimité entre eux, que tout sépare : le rétablissement d’une frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord, dans le cadre d’un Brexit rejeté par les nord-irlandais, pourrait avoir des conséquences majeures sur la paix dans l’île.

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V

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