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Quand nazis et communistes organisaient ensemble une grève en 1932 à Berlin.

La république de Weimar (1918-1933) a affronté et surmonté de nombreuses crises, avant de succomber en janvier 1933. Paradoxalement, Hitler est arrivé au pouvoir alors que la terrible crise de 1929 s’estompait, que le redressement économique était en route ; la politique nécessaire pour l’accentuer avait été définie et ne demandait plus qu’à être mise en œuvre. Il aurait suffi que le président du Reich Hindenburg tienne bon, soutienne le chancelier Brüning et applique, grâce à des décrets-lois, les recettes miracles du docteur Schacht, le futur ministre du führer et l’artisan de la reprise, pour que, peut-être, le monde ne soit jamais confronté au terrifiant troisième Reich.

Une convergence entre nazis et communistes

Cette période troublée est marquée par les convergences et les connexions qui existaient entre l’extrême gauche et l’extrême droite allemandes. Ces deux ailes, a priori opposées, se retrouvaient au sein de la mouvance nationale Bolchevisme, nébuleuse théorisée par Paul Elztbacher, député nationaliste proche des milieux anarchistes. Un petit groupe relevant de cette idéologie s’est organisé à Hambourg autour de deux leaders bolcheviques de l’insurrection qui a éclaté en 1920 dans la ville hanséatique. Ils ont milité d’abord au sein du KDP, parti communiste allemand officiel avant de rejoindre le KAPD un parti communiste dissident dont ils ont été exclus en 1922. D’autres groupuscules ont mené en parallèle une existence indépendante. La personnalité la plus connue de ce courant d’idées est Ernst Niekisch qui a animé la revue Widerstand très influente avant 1933 dans la jeunesse. Le national bolchevisme prônait la coopération entre l’Union Soviétique et le Reich pour contourner le traité de Versailles. Pendant le troisième Reich, une grande partie des nationaux bolcheviques ont plongé dans la clandestinité alors que d’autres collaboraient avec le nouveau pouvoir.

Au printemps 1923, alors que les Français occupent la Ruhr, le KDP lui-même s’est brièvement rapproché de l’extrême droite.  La mémoire du lieutenant Schlageter, un militaire de droite, auteur de nombreux attentats et fusillé par les Français est célébrée à la fois par les communistes et les nationalistes (dont les nazis). Dans la foulée, des personnalités très à droite s’expriment dans la presse communiste (notamment dans Die Rote Fahne). Un député du KDP Hermann Remmele, futur président du parti, va ébaucher un début de rapprochement avec le parti nazi. Il se fait acclamer en 1923 à un meeting des SA à Stuttgart avant de laisser réciproquement la parole à un militant nazi dans une réunion communiste.

Il va même jusqu’à affirmer qu’une alliance avec les nationaux-socialistes pour renverser le capitalisme lui semble moins blâmable que celle qui lierait communistes et sociaux-démocrates. Le KDP change brutalement de cap à la fin de 1923. De nouvelles convergences entre partis communistes et nazis apparaissent à partir de 1930. Des groupes de nazis de gauche adhèrent au KDP dont le héros du NSDAP Richard Scheringer.

Un référendum commun

Un referendum commun NSDAP-KDP est organisé en 1932 contre le gouvernement régional de la Prusse, une mention soutenue au Reichstag par les députés nazis et communistes provoque la dissolution du parlement du Reich en juillet 1932. Le summum est atteint lors de la grande grève des transports organisée conjointement par les syndicats nazis et communistes à partir du 3 novembre 1932. Des cantines communes sont notamment mises en place. Provoquée par le désir de la direction de baisser le salaire horaire des employés de 20 pfennigs, la grève est votée par 15 000 ouvriers sur 20 000 votants et est totale. Les syndicats sociaux-démocrates, bien qu’ils aient obtenu que la baisse soit réduite à 2 pfennigs, n’obtiennent pas la reprise du travail. La grève est déclarée illégale le 4 novembre 1932. De violents affrontements avec la police se produisent ; on compte 500 arrestations et 4 morts. Le mouvement cesse le 11 novembre 1932, au lendemain des législatives.

À cette occasion, Walter Ulbricht, futur dirigeant de la RDA, écrit dans les colonnes du Rote fahne « les membres prolétariens du NSDAP sont entrés dans les rangs du front uni du prolétariat ».Thaelmann un des dirigeants du KDP ajoute : « Nous avons constitué un front unique de classe avec les prolétaires nazis….Jeunesse communiste et Hitler Jugend quêtent ensemble dans la rue de la capitale pour soutenir les grévistes ».

Quelques semaines plus tard Hitler établissait sa sinistre dictature et exterminait ceux qui avaient été un instant ses compagnons de route vers le pouvoir.

Christian de Moliner

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