L’impact de l’architecture carcérale sur le personnel des prisons. Tel est le titre du livre, véritable étude sur un sujet méconnu, de Philippe Bensimon, qui vient de paraitre en auto-édition.
Docteur en criminologie (profession inexistante en Europe), Philippe Bensimon a œuvré en tant que clinicien durant une quinzaine d’années à travers cinq pénitenciers et 12 ans en recherche opérationnelle, soit 27 années pour le Service correctionnel du Canada (ministère de la Sécurité publique). Il a enseigné la criminologie à l’Université d’Ottawa et de Montréal de 1997 à 2017; Et a écrit à ce jour une cinquantaine d’articles parus dans diverses revues internationales et sept livres. Il est aujourd’hui expert en dangerosité et analyse du risque de récidive auprès des tribunaux.
Nous l’avons interrogé au sujet de son étude.
Breizh-info.com : Pourquoi avoir souhaité étudier l’impact de l’architecture carcéral sur le personnel des prisons ? Quelles découvertes ?
Philippe Bensimon : L’architecture carcérale relève d’un environnement qui ne se compare à aucun autre : glauque (même si, en apparence, certains établissements se disent modernes), triste, sombre par essence, contraire à la nature humaine aussi bien pour le gardé que le gardien. Personne au monde n’est fait pour être enfermé ni pour travailler en milieu fermé. Cela s’apprend sur le terrain. Or, si l’on a beaucoup écrit sur les effets de l’enfermement sur les personnes détenues, on oublie trop souvent de rappeler ceux qui y travaillent et pour une durée dépassant toutes les réclusions à perpétuité. Membres du personnel et détenus vieillissent à l’ombre des murs en subissant les mêmes vicissitudes, le même décor minimaliste, les mêmes attentes. Pour les uns : sortir au plus vite; pour ceux qui en ont la charge, espérer ne plus jamais les revoir entre quatre murs, car la vie est ailleurs, très loin des barreaux.
Breizh-info.com : Concrètement, quelles conséquences ont ces architectures sur les gardiens de prison ?
Philippe Bensimon : Cette architecture n’a rien d’accueillant, elle n’est pas non plus conçue pour plaire ni même avoir un semblant d’humanité. Pour le personnel, uniformes ou pas, les effets irréversibles surgissent lorsque la routine prend le pas sur le quotidien. Évaluer l’agir criminel à longueur de semaine, côtoyer des populations recluses 24h sur 24, toutes involontaires faut-il le rappeler, regroupées dans un espace extrêmement restreint, année après année, n’est pas sans conséquence sur la vie sociale et affective de l’employé…
La peine d’incarcération n’a pas besoin d’être appliquée dans des lieux où priment la laideur et le désœuvrement, bien au contraire, elle ne fait qu’en alimenter la rancœur, la haine, le désespoir.
Breizh-info.com : Aujourd’hui, y’a-t-il selon vous des prisons modèles dans le monde à ce niveau là ?
Philippe Bensimon : Bien que je n’aime pas le terme, oui, il existe des établissements qui permettent d’entrevoir l’horizon : en Catalogne, en Belgique, dans les pays nordiques, un en Californie qui fait exception à la règle. Je donne ces exemples dans mon livre. Le Canada, qui a longtemps été une figure de proue en la matière, n’est plus qu’une image d’antan, surtout avec les peines cumulatives de 25 ferme pour chaque meurtre additionnel, soit 50 ans peine minimale…
Une hypocrisie pour éviter de parler de peine capitale. Sujet que j’ai également abordé dans un article de fond.
Breizh-info.com : Quelles propositions émettez vous pour permettre la fin de ce désastre physique et psychologique ?
Philippe Bensimon : Que l’on ait une autre conception de l’enfermement en se rappelant que tôt ou tard la personne sera élargie or, la grande question est la suivante : que fera-t-elle une fois parmi nous ? Aucun détenu au monde ne peut affirmer garder un quelconque souvenir édifiant son passage derrière les barreaux. Aucun.
La prison ne sera pas certainement pas remplacée, mais que l’on puisse au moins concevoir et bâtir des établissements-écoles où il n’y ait plus ce fossé infranchissable entre ceux qui subissent leur peine et ceux qui les supervise.
L’impact de l’architecture carcérale sur le personnel des prisons. http://laurent-mucchielli.org/index.php?post/2021/01/03/L-impact-de-l-architecture-carcerale-sur-le-personnel-des-prisons
(En cliquant sur le lien suivant, vous aurez accès au livre électronique téléchargeable en toute gratuité sur le site Délinquance, justice et autres questions de société : http://laurent-mucchielli.org/public/Livre_Philippe_Bensimon.pdf)
Propos recueillis par YV
Crédit photos : DR
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