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Katyn et autres misères

On a fait grand cas, ces jours-ci, d’un document « secret » livré à la curiosité des chercheurs et des lecteurs. Il s’agit d’un document américain reconnaissant dès 1943 que « Uncle Jo » (Staline pour les plus jeunes) était le responsable du massacre des officiers polonais dans les grands bois de Katyn (pour faire court) et de la région de Smolensk (pour faire plus large).

L’entourage de Roosevelt intercepta le message des deux enquêteurs (un capitaine et un lieutenant-colonel) et le mit de côté car il ne s’agissait pas de contrarier l’allié soviétique… On peut le comprendre, mais il fallut quand même attendre 1952 pour que la réalité soit admise côté américain.

Pour les Français, maintenus dans la désinformation par les services du Kominform et Jacques Duclos – sinon Jean Kanapa –, il aura fallu attendre l’aube des années 2000 pour que le camp du Bien admette du bout des lèvres que le KGB (encore NKVD) avait procédé à des dizaines de milliers d’exécutions dès 1940 (mode opératoire voisin de celui des SS et autres Einsatzgruppen). Voir par exemple la mine renfrognée des cinéclubistes et télérameurs à l’annonce de la diffusion télé du « Katyn » de Wajda… « C’est du mauvais cinéma ! »

Autre exemple… 1997 (je dis bien 1997), un ancien résistant du Jura, Georges Coudry, témoin dans sa jeunesse de combats aux côtés d’Ukrainiens ayant fui leur bataillon d’auxiliaires de l’armée allemande, fit paraître chez Albin Michel un ouvrage préparé de longue date : Les Camps soviétiques en France. Il y raconte comment, dès la Libération, Staline envoya en France des officiers NKVD chargés, avec des « camarades » français, de rechercher, regrouper et rassembler dans des camps les Soviétiques épars, depuis les combattants auxiliaires de la Wehrmacht, des unités SS, jusqu’aux « travailleurs », mâles et femelles… et leurs enfants. Le camp le plus peuplé fut celui de Beauregard, près de Versailles… Il y en eut à peu près une centaine dans toute la France, notamment à Marseille (c’est plus près d’Odessa) mais aussi en Lorraine… etc.

L’encadrement et la garde furent fournis par la SFIC (plus connue sous l’acronyme de PCF) et, en particulier par un certain commandant Fournier qui avait passé toute la guerre (l’Occupation, œuf corse) à travailler au service des métaux non-ferreux fournisseur de l’Allemagne sis rue de Presbourg… C’était évidemment un « grand résistant ».

Les détenus soviétiques menaient la belle vie dans les baraques des camps, fournissant des corvées serviles aux PME et autres agriculteurs des environs. La discipline était rude : la punition extrême était parfois la « corvée de bois » (une balle dans la nuque) mais plus souvent la dislocation sur le ciment. Quatre gaillards se saisissaient du « coupable » par les bras et les pieds et le frappaient violemment sur une dalle de ciment.

Lorsque sonna la capitulation nazie, dès le mois de mai 1945, le Gouvernement Provisoire (GPRF) prépara le « retour au pays » de tous ces « indésirables ». C’était un arrangement conclu à Moscou, lors de la visite d’hiver du Général (qui avait aussi reconnu le gouvernement polonais de Lublin, histoire de ne pas fâcher le tyran du Kremlin).

Alors que le réseau du chemin de fer était encore précaire, on trouva assez de trains pour expédier 250 000 hommes, femmes et enfants vers la « zone soviétique » de l’Allemagne « libérée ». Les « éléments dangereux », anciens membres des unités SS ukrainiennes, géorgiennes ou arméniennes, furent enfermés dans des wagons (plombés) qui avaient servi, peu avant, pour les transports à Eichmann. Les autres eurent droit à des wagons ouverts et même à des voitures de 3e (banquettes en bois). Ceux des wagons « plombés » firent le voyage sans eau et sans nourriture. Ils l’avaient bien cherché… Tsss.

Les convois convergèrent vers l’Allemagne centrale où les spécialistes à Béria opéraient les tris. Dans les galeries souterraines de Dora, on exécuta par paquets tout ce qui avait l’odeur du cosaque ou, à l’opposé, du partisan FTP. Ces gens-là étaient des « têtes brûlées » qu’il convenait de refroidir. Ceux qui échappaient à la sélection filaient tout droit vers l’Oural, première étape, et se perdirent ensuite dans les brouillards du Grand Nord sibérien ou de la Kolyma. Tout fut terminé (ou presque… car il y eut des chenapans qui s’échappèrent en France, traqués par les sbires à Duclos), tout fut terminé en septembre 1945.

Eh bien, le beau livre de Georges Coudry a été reçu à peu près comme le Katyn de Wajda : par le silence absolu de la presse française où les enfants de l’Agit-Prop et du Komintern ont encore leurs ronds de serviette. Seul, Alain Finkielkraut l’a cité, un samedi matin, sur France Culture. Plusieurs chroniqueurs se sont dégonflés après avoir promis le dithyrambe. La Frankfurter Z. lui a consacré une page. Une page dans un océan où piaillent les bien-pensants. Mais c’est en allemand…

Gérard Guicheteau

Illustration : DR
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