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Expression(s) décoloniale(s) au château de Nantes : la vérité sur l’esclavage

Décoloniale ? Brandi à tout bout de champ et sans grand souci d’exactitude historique par le clan repentantiste, l’adjectif est galvaudé. Mais l’exposition Expression(s) décoloniale(s) #2, présentée au château de Nantes jusqu’au 14 novembre 2021, vaut bien mieux que son titre.

Elle est consacrée à un artiste béninois, Romuald Hazoumè, et à un historien ivoirien, Gildas Bi Kakou. Le premier expose plusieurs œuvres monumentales, bâties souvent à partir de bidons de 50 l. utilisés par les trafiquants de gazole africains. Son sens du spectaculaire et son inventivité dans l’utilisation des moyens du bord leur confèrent une puissance indéniable. Elles évoquent irrésistiblement les meilleurs témoignages des « arts premiers » africains exposés à Paris au musée du quai Branly. Plusieurs d’entre elles sont visibles dès la cour du château.

Pas d’acheteurs d’esclaves sans vendeurs d’esclaves

D’origine yoruba, petit-fils d’un grand écrivain francophone béninois, Romuald Hazoumè s’inscrit dans une tradition artistique authentiquement africaine et le revendique (même si les auteurs des cartels se sont torturé les méninges pour ramener ses œuvres à leurs propres obsessions : « les bidons que Romuald Hazoumè utilise nous renvoient l’image d’un esclave moderne… »). Hélas, l’artiste lui-même leur a coupé l’herbe sous le pied avec une mise au point limpide : « mon rôle en tant qu’artiste africain, c’est de dire aux miens, ‘nous, Africains, devons aussi assumer notre responsabilité dans l’esclavage !’ S’il n’y avait pas eu de vendeur, il n’y aurait pas eu d’acheteur. »

La déclaration a fait tousser – et un silence gêné s’est installé à Nantes parmi les aficionados habituels de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. « Les interventions de Romuald Hazoumé ne vont pas forcément dans le sens auquel on pourrait s’attendre, celui d’une attaque en règle des Occidentaux », note pudiquement Jeune Afrique. Au Bénin même, l’essayiste Olivier Allocheme s’étrangle d’indignation, car le cas n’est pas unique : « Ceci est d’autant plus ahurissant que cette volonté émane de la crème de nos intellectuels. Il y a quelques mois, le Professeur Félix Iroko, de regrettée mémoire, avait laissé entendre, quelque temps avant son tragique décès, qu’’il faut condamner les Africains’ pour la traite négrière. […] Il n’y a pas d’acheteurs sans vendeurs, nous (Africains) étions des vendeurs… C’est une question de coresponsabilité. »

Le legs de Jean-Marc Ayrault part à vau-l’eau

Gildas Bi Kakou confirme. Cet historien moderne a récemment consacré une thèse de doctorat à la traite négrière ivoirienne au 18e siècle. Il a été invité à jeter « un autre regard historique » sur les collections du château des ducs de Bretagne (qui, comme on sait, battent abondamment la coulpe des Nantais). Et cet « autre regard » ouvrira les yeux des Nantais : Gildas Bi Kakou décrit sans fard la pratique de l’esclavage dans les royaumes africains.

Par exemple, au Monomotapa, dont le nom signifie « seigneur des terres conquises ou dévastées », « dès 1501, le trafic des esclaves africains domine les échanges de cette région avec les Arabes, les Indiens, les Indonésiens et les Portugais. En 1609, l’émiettement de l’empire Monomotapa en quatre royaumes indépendants accentue le trafic d’esclaves du fait des conflits qui les opposent ». Plus tard, l’Ashanti se fait verser un tribut de deux mille esclaves par an ; « certains esclaves sont utilisés localement dans divers secteurs d’activité, tandis que d’autres sont vendus aux navires négriers ».

Les visiteurs de l’exposition découvriront ainsi des faits sur l’esclavage occultés par les institutions nantaises nées à l’époque de Jean-Marc Ayrault. Celui-ci a cherché à imposer un « roman municipal » étroitement cadenassé par les anneaux de la mémoire. Et il faut que ce soient des Africains qui viennent les lui briser !

Crédit photo : Exposition d’œuvres de Romuald Hazoumè dans la cour et dans une salle du château des ducs de Bretagne à Nantes. Photo B.I., droits réservés
[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine.

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