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Patrimoine. A la découverte des chansons traditionnelles (et bretonnes) sur Internet

La chanson témoigne de l’existence de liens communautaires, la disparition de la pratique a entraîné leur dégradation. Avant l’enregistrement et la musique gratuite, la chanson était partout, dans les ateliers, dans les familles, dans les rues, dans les écoles, sur les routes, dans les ports, aux champs… Si elle a disparu, les recueils ne demandent qu’à être ouverts pour la faire revivre et rétablir les liens collectifs.

Les grandes collectes de chansons traditionnelles ont été réalisées essentiellement dans le 2e moitié du XIXe siècle, lancées par le Printemps des peuples, cette grande prise de conscience des identités nationales en Europe, conséquence des guerres révolutionnaire et impériale. En France, elle avait débuté dès 1839 avec la publication du Barzaz-Breizh, fruit de la collecte réalisée par Hersart de La Villemarqué dans les pays bretons. Ces collectes sont officialisées par la directive Fortoul en 1852. Le Barzaz-Breizh va servir de modèle pour des publications de chansons traditionnelles dans toutes les provinces de France. Elles permettent d’accéder à un répertoire de tradition orale qui n’avait jamais été relevé auparavant.

La plupart des recueils de chansons traditionnelles publiés au XIXe siècle sont disponibles en ligne sur Gallica. Ils fournissent les partitions et donnent accès aux sources. Plusieurs sites sont consacrés à ces répertoires. En voici quelques-uns :

La bibliothèque musicale de l’Association d’Etude, de Promotion et d’Enseignement des Musiques Traditionnelles des Pays de France (AEPEM) regroupe toutes les chansons par régions permettant une approche plus synthétique et fourni les mélodies. Pour la seule région de Bretagne, près de 500 chansons sont répertoriées avec leur partition et leur musique est à l’écoute en ligne. Les liens permettant de télécharger les ouvrages originaux sont fournis.

Plus spécialisé, puisque travaillant à l’origine sur la région vendéenne, l’Office pour le Patrimoine Culturel Immatériel (OPCI-EthnoDoc) s’est ouvert aux autres régions de la francophonie et aux autres patrimoines immatériels, particulièrement les chants de marins. L’accès aux chansons n’est pas cartographique mais passe pas un moteur de recherche. Si l’écriture inclusive du site complique la lecture et relève d’un conformisme universitaire étranger aux cultures traditionnelles, on y rencontre des enregistrements du Chœur Montjoie-Saint-Denis qui témoignent d’une certaine ouverture d’esprit.

La Fédération des Arts, Musiques et Danses Traditionnels (FAMDT) est plutôt dédiée aux arts vivants, mais « pilote également » le portail du patrimoine oral dont le site est actuellement en cours de refonte. Lancé en 2011, il rassemble dix centres de ressources dont celui de Dastum, dédié à la mémoire orale de Bretagne et accessible en ligne.

Il est significatif d’observer comment la culture et la chanson traditionnelle n’y font pas exception, sont intégralement aux mains de la Gauche, héritière des révolutionnaires ennemis de toutes les traditions. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer comment le courant folk a été le fossoyeur de la chanson traditionnelle relancée dans la jeunesse après la 1re GM par le scoutisme, puis pendant la 2e GM par les Chantiers de jeunesse. Les chansonniers français y consacraient encore des disques dans les années 1950 (Jacques Douai, Yves Montand, Colette Renard, les Compagnons de la chanson…). Issue du courant folk anglo-saxon, la génération suivante reste sans postérité et la pratique du chant traditionnel s’étiole, voire disparaît dans les nouvelles générations, mais rien n’est forcément définitif.

Les termes de chanson traditionnelle, populaire, folklorique… sont souvent confondus et recouvrent des répertoires différents. La chanson est un outil de communication et d’harmonisation, c’est donc un identifiant des communautés permettant de se reconnaître en se distinguant des autres. Les répertoires traditionnels sont calqués sur les modes de vie, donc essentiellement ruraux. La concentration dans les villes suscite d’autres pratiques avec les chansonniers dont les plus emblématiques se retrouvent sur le Pont-Neuf à partir du XVIIe siècle. Ils préfigurent le centralisme français et amorcent le vedettariat qui se développera à partir du milieu du XIXe avec les cafés-concerts. Ces répertoires populaires sont complétés par les chansons spécifiques aux métiers, qui subsistent encore dans le compagnonnage ou l’armée, et par les cantiques, répertoires anciens et abondants qui pouvaient être spécifiques à certaines paroisses ou diocèses. Le répertoire collectif servant à l’harmonisation de l’ensemble de la population, les trois ordres confondus, était celui du grégorien depuis sa normalisation à la fin du VIIIe siècle jusqu’à la Révolution. A ces époques du règne de l’oralité, les échanges entre les répertoires sont constants, parfois observables, mais quasiment impossibles à tracer.

Ainsi, il ne faut pas confondre la chanson traditionnelle, plutôt rurale, de la chanson populaire. En effet, si les chansons des villes sont publiées par l’éditeur Ballard à partir du milieu du XVIe siècle, il faut les ravages de la Révolution et la guerre faite par la République aux langues régionales pour prendre conscience que ce patrimoine rural est en voie de mutation. Le développement de l’urbanisme et l’industrialisation lui portent des coups sévères. D’autant plus que ce patrimoine immatériel repose sur la transmission orale. Jusqu’au milieu du XIXe, la majorité de la population est analphabète, donc n’a pas de recueil de chants et ne rédige pas de cahiers de chansons pour mémoriser les paroles. Il faut prendre conscience de cette oralité pour appréhender les caractéristiques de ces répertoires. Dans la diversités des langues régionales et des patois locaux, une chanson pouvait être chantée très différemment d’un village à l’autre et que ces différentes versions n’ont jamais été relevées.

Ainsi la transcription écrite de ces modèles oraux ne rend compte que partiellement de la diversité, de la luxuriance des répertoires vivants, pour les paroles comme pour la musique. De plus, le collecteur est toujours tenté d’opérer une sorte de standardisation, pour retrouver une mythique version originelle qui n’a probablement jamais existée. Si la publication a l’inconvénient de figer un “objet-chanson” vivant, elle a l’intérêt de sauvegarder une version qui aurait disparue définitivement comme tant d’autres auparavant. Ces recueils de chansons traditionnelles françaises sont donc particulièrement précieux.

On trouvera une approche historique de ces répertoires traditionnels notamment dans Joseph Canteloube, Les Chants des provinces de France, Didier, 1947, 62 pages ; Jacques Chailley, La Chanson populaire française, Presses universitaires de France, 1942, 64 pages ; Claude Duneton, Histoire de la chanson française, 2 volumes, Seuil, 1998, 1084 et 1100 pages. Sans oublier, le répertoire traditionnel de l’ancienne France qui a particulièrement subsisté au Québec. De même qu’une chanson ne vit qu’en étant chantée, une communauté n’existe que si des chansons en attestent. Le patrimoine est à portée de voix, faisons le revivre.

Thierry De Cruzy

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