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Irlande. Grégoire Poulle : « Patrick Pearse avant d’être le père de l’indépendance irlandaise était un authentique barde » [Interview]

Les éditions Via Romana viennent d’éditer un superbe ouvrage (illustré magnifiquement par Marc Mosnier), intitulé L’Enfant Jésus, Iosagan, et autres contes irlandais. Il s’agit d’un recueil signé Patrick Pearse, l’un des pères de l’indépendance irlandaise.

Patrick Pearse était à la fois instituteur et artiste. Il écrivait des poèmes, des pièces de théâtre et surtout des contes, en gaélique, la vieille langue celtique de l’Irlande, pour les enfants de son école. Ce sont ses sept plus beaux contes que rassemble ce livre illustré.

On y voit l’Enfant Jésus venir visiter un vieux pêcheur du Connemara qui a bien besoin de retrouver la paix de l’âme. On y découvre aussi la merveilleuse histoire de Barbara, la poupée héroïque qui sauve la vie de sa maîtresse, celle du petit Jeannot qui sait parler aux oiseaux, celle du petit voleur de jouet qui n’arrive pas à avouer son crime en confession, celle de la vieille Brigitte qui détient dans sa mémoire un véritable trésor musical, et celle du jeune prêtre qui apprend à célébrer les saints mystères en cachette.

C’est l’Irlande de Patrick Pearse qui s’exprime dans ces contes. Une Irlande pauvre et joyeuse, un pays où personne n’est jamais abandonné, une île où il fait bon vivre car on y chante en toute occasion.

Pour évoquer cet ouvrage, indispensable, nous avons interrogé Grégoire Poulle. L’ouvrage est à commander ici

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Grégoire Poulle : je vis en région parisienne où je travaille pour une maison d’éditions. Je suis passionné depuis longtemps par la culture celte en général et par la culture bretonne en particulier. Je joue de la cornemuse dans un bagad, j’ai appris à parler breton, je m’intéresse aussi à la langue gaélique.

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à déterrer ces écrits de Padrig Pearse ?

Grégoire Poulle : C’est en apprenant le breton que j’ai découvert dans la bibliothèque d’un ami, il y a une quinzaine d’années, une traduction en langue bretonne des contes irlandais de Patrick Pearse. Il s’agit d’un petit livre, très richement illustré, paru en 1979 aux éditions Imbourc’h. C’est un livre malheureusement quasi-introuvable car peu d’exemplaires ont été tirés. Il s’agit d’une traduction faite directement depuis le gaélique irlandais par Loeiz Andouard. Le grand nombre de dessins, plus d’un à chaque page, lui donne pratiquement un air charmant de bande dessinée. J’ai été saisi par la beauté et la profondeur de ces contes en les lisant. Un soir de décembre 2014, je les ai montrés à mon ami Benoît Mancheron, directeur de Via Romana. Il s’est aussitôt exclamé : « C’est merveilleux ! Il faut absolument les traduire en français. » Ce que j’ai fait à partir de 2015, pour le premier conte, au milieu de mille soucis. En 2020, le gouvernement décréta un enfermement massif de la population. Cet emprisonnement domestique, appelé confinement, m’a donné le temps de traduire les autres contes.

Breizh-info.com : Dans quel contexte ont-ils été écrits ? En quoi le catholicisme était-il fondamental pour Padrig Pearse et de nombreux nationalistes Irlandais ?

Grégoire Poulle : Ces contes ont été écrits entre 1907 et 1915. Patrick Pearse était à l’époque membre de la Ligue gaélique, une petite association qui avait pour objectif de ressusciter la langue gaélique. Il avait également fondé Scoil Enna, la première école bilingue où l’enseignement était donné en gaélique aussi bien qu’en anglais. Pour bien comprendre ces contes, il faut avoir à l’esprit la personnalité profonde de Patrick Pearse. Quand on évoque la figure de Pearse, on pense tout de suite au soulèvement de Pâques 1916 au cours duquel Patrick Pearse a lu la déclaration d’indépendance de l’Irlande au nez et à la barbe des autorités britanniques. On pense aux combats dans les rues de Dublin, aux condamnations à mort des rebelles irlandais. Mais c’est très incomplet. Patrick Pearse avant d’être le père de l’indépendance irlandaise était un authentique barde, c’est-à-dire un passeur de mémoire, un pédagogue, un poète, un enseignant. Pearse est né dans une famille assez aisée. Son père, d’origine anglaise, était entrepreneur dans le bâtiment. Il était protestant, mais proche des milieux nationalistes irlandais. Sa mère quant à elle était une pure irlandaise originaire du Connemara. Il a grandi au milieu des livres et a pu faire de bonnes études. Ses deux parents lui ont transmis leur amour de l’Irlande et une certaine ouverture d’esprit très moderne pour l’époque. Très tôt, dès l’âge de 11 ans, il se passionna pour le gaélique et les légendes irlandaises. Il rejoignit la Ligue gaélique à 16 ans. Il était doté d’un tempérament extrêmement sensible, tout en faisant preuve d’une force de caractère peu commune, très virile. C’est vrai que le catholicisme est fondamental chez Pearse, il imprègne tous ces contes et toute son œuvre littéraire, mais il ne faut pas oublier que tous les nationalistes irlandais n’étaient pas forcément catholiques, ce sont d’ailleurs des protestants comme Théobald Wolfe Tone ou Robert Emmet qui ont fondé le nationalisme irlandais au XIXe siècle. Le rêve initial des nationalistes irlandais a été de fonder une société juste, équitable, où les deux communautés, catholiques et protestantes, pourraient vivre en bonne entente. Pearse avait une particularité que les autres nationalistes irlandais n’avait pas, ou beaucoup moins, c’est celle d’avoir compris la nécessité pour les Irlandais de garder leur âme, leur langue, leur personnalité. En abandonnant la langue gaélique, l’Irlande se dessècherait, perdrait son âme, et n’obtiendrait jamais la vraie liberté qui est d’être soi-même.

Breizh-info.com : Quel est le contenu de l’ouvrage que vous présentez ? L’avez-vous traduit directement du gaélique, ou bien de l’anglais ?

Grégoire Poulle : Le livre s’intitule « Iosagan », ce qui signifie en gaélique « L’Enfant Jésus ». Iosagan, l’Enfant Jésus et autres contes irlandais. Ce livre présente 7 contes choisis parmi les plus beaux de l’oeuvre de Pearse. Je les ai traduits à partir du breton, en regardant aussi une traduction anglaise. Ces contes se passent tous dans la région de Ross Muc, sur la côte ouest du Connemara, où Patrick Pearse s’était fait construire un petit cottage et où il avait pris l’habitude de se reposer, de se ressourcer au plus près des derniers pêcheurs et des derniers fermiers qui parlaient encore le gaélique. On y découvre l’Enfant Jésus venant visiter un vieil homme qui a besoin de retrouver la paix de l’âme. On y fait la connaissance de Brideen et de son héroïque poupée Barbara, de Jeannot qui sait parler aux oiseaux, du petit Anthony Manning qui vole la poupée de sa voisine pour l’offrir à sa sœur malade, de Paraig, un petit garçon qui rêve de devenir prêtre et qui s’enferme dans sa chambre pour célébrer la messe. Ces contes mettent les enfants au centre de l’histoire, on découvre leurs aventure de leur point de vue ! Dans son introduction, Patrick Pearse nous affirme même que ce sont les enfants eux-même qui lui ont raconté ces histoires. L’innocence de ces contes nous font parfois penser au Petit Prince de Saint-Exupéry. Ces contes sont imprégnés de surnaturel et de catholicisme. Ils rayonnent également de culture celtique. Dans ces contes, la vie et la mort s’entremêlent, les oiseaux parlent, les objets inanimés ont une âme, une personnalité et une seule chanson suffit à procurer la joie et le bonheur. Dans ces contes, les enfants apparaissent comme des êtres humains beaucoup plus raisonnables que les adultes. Lisez-les, cela ne pourra que renforcer vos celtitudes !

Breizh-info.com : Y’a-t-il d’autres projets à venir basés sur des écrits de Padrig Pearse que vous auriez retrouvés ?

Grégoire Poulle : Pour l’instant, je continue d’apprendre à connaître Patrick Pearse et l’Irlande. Pearse a écrit des essais politiques, des pièces de théâtre et même des chansons. Avec Benoît Mancheron et les éditions Via Romana, nous avons le projet de publier un jour un petit livre qui rende cette fois hommage à la langue et la culture bretonne.

Propos recueillis par YV

Crédit photo : DR

[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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4 réponses à “Irlande. Grégoire Poulle : « Patrick Pearse avant d’être le père de l’indépendance irlandaise était un authentique barde » [Interview]”

  1. Gwilhmod dit :

    Gourc’hemennoù dit Gregor evit al labour-mañ. Marteze e chom c’hoazh ur skouerenn bennak ganin da werzhañ eus an embannadur brezhonek en deus servijet dit, skeudennaouet gant gwreg Youenn Olier.
    Bravo Gregor pour ce travail et ton témoignage passionné dans cette interview !

    • Tomaz dit :

      Salud dit Tepod,
      amañ Tomaz,
      ma chomfe ul levr all ganit, laouen e vefen d’e brenañ ! Lavar din ‘ta,
      Ken@+

  2. Aaron dit :

    Merci pour cet article de qualité et instructif. Je me passionne pour l’histoire de l’Irlande.

  3. Tomaz dit :

    Demat Gregor ha Tepod, amañ Tomaz…
    Mat-tre ar pennad kaoz, ha gourc’hemmennoù evit al labour peus kaset da-benn Gregor,
    Tepod, ma chomfe ul levr all ganit, laouen e vefen d’e brenañ !
    Lavar din ‘ta,

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