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Simone de Beauvoir ou de la détestation de la féminité (2)

Dans un premier volet, nous nous étions attachés au mythe de Simone de Beauvoir, évoquant le fossé entre les valeurs féministes qu’elle professait et son comportement de prédatrice sexuelle, tout en promettant d’analyser, dans un second, ses idées. Étant encore aujourd’hui considérée comme l’une des principales théoriciennes du féminisme, ce sera l’occasion de souligner quelques-unes des contradictions insolubles du mouvement dont elle est l’égérie.

Le deuxième sexe

Œuvre majeure de Simone de Beauvoir, rédigé en 1949, cet essai dense de plus de 1000 pages, est une somme de considérations personnelles, historiques et sociologiques sur la femme et la condition féminine. Il est, au fil des ans, devenu le best-seller des féministes, incontournable génération après génération, et ce, même s’il fonde une branche particulière du féminisme : le féminisme existentialiste. L’intellectuelle demeurera toute sa vie engagée à cette cause, participant activement au Mouvement de Libération des Femmes dans les années 1970.  Elle est à l’origine du “Manifeste des 343”, une pétition de 343 femmes de renom ayant déclaré ouvertement avoir avorté clandestinement dans le but d’en légaliser la pratique.

« On ne naît pas femme, on le devient.« 

Existentialiste, Simone de Beauvoir nie la réalité biologique de la femme tout comme elle récuse l’existence d’une nature féminine : cette dernière, ne reposerait sur rien de tangible. Rejetant tout déterminisme, la condition féminine ne serait alors que le résultat d’un processus culturel et social, la femme, en tant qu’être humain restant maître absolu de sa destinée.

« Être femme n’est pas une donnée naturelle, c’est le résultat d’une histoire. Il n’y a pas un destin biologique, psychologique qui définisse la femme en tant que telle. »

La nature féminine invoquée serait, en outre, une construction des hommes pour enfermer les femmes dans une essence figée pour mieux les inférioriser et les dominer. Ni biologie, ni psychologie, ni nature, ni féminin sacré : tout est construit. Or,  l’auteur ne se contredit-elle pas lorsqu’elle écrit :

« On peut donc considérer que mystiquement la terre appartient aux femmes : elles ont une emprise à la fois religieuse et légale sur la glèbe et ses fruits. Le lien qui les unit est plus étroit encore qu’une appartenance ; le régime de droit maternel se caractérise par une véritable assimilation de la femme à la terre ; en toutes deux s’accomplit à travers ses avatars la permanence de la vie, la vie qui est essentiellement génération. […] La terre est femme et la femme est habitée par les mêmes puissances obscures que la terre. »

Passage que l’on ne saurait que partager… mais, n’est-ce pas là admettre la réalité d’un féminin sacré ?

La détestation du corps féminin

Dans le Deuxième sexe, de très justes constats laissent place à une profusion de considérations personnelles passées pour universelles. Cela est particulièrement visible à l’évocation des changements physiques vécus par les femmes à l’adolescence. Ces modifications, extrêmisées et scandées dans ce qu’elles ont de plus négatif, font du récit de la puberté un véritable film d’horreur :

« Certes, la puberté transforme le corps de la jeune fille. Il est plus fragile que naguère ; les organes féminins sont vulnérables, leur fonctionnement délicat ; insolites et gênants les seins sont un fardeau ; dans les exercices violents ils rappellent leur présence, ils frémissent, ils font mal. Dorénavant, la force musculaire, l’endurance, l’agilité de la femme sont inférieures à celle de l’homme. Le déséquilibre des sécrétions hormonales crée une instabilité nerveuse et vaso-motrice. La crise menstruelle est douloureuse: maux de tête, courbatures, douleurs de ventre rendent pénibles ou même impossibles les activités normales; à ces malaises s’ajoutent souvent des troubles psychiques; nerveuse, irritable, il est fréquent que la femme traverse chaque mois un état de semi-aliénation; le contrôle du système nerveux et du système sympathique par les centres n’est plus assuré ; les Troubles de la circulation, certaines auto-intoxications font du corps un écran qui s’interpose entre la femme et le monde, un brouillard brûlant qui pèse sur elle, l’étouffe et la sépare : à travers cette chair dolente et passive, l’univers entier est un fardeau trop lourd. Oppressée, submergée, elle devient étrangère à elle-même du fait qu’elle est étrangère au reste du monde. »
Le dégoût alterne avec la honte, le corps de la femme n’est plus qu’un fardeau dédaigné, pesant, subi, douloureux. Or, si le mal-être des adolescentes face aux changements brutaux de leur corps à la puberté et leur appréhension à devenir femme (qui plus est dans une société hypersexualisée comme la nôtre) est un passage naturel, en faire un état général, constant, universellement partagé, est fallacieux. Car il s’agit d’une phase, dont la majorité des filles sortent en entrant dans l’âge adulte. Certaines, par ailleurs, accueillant avec enthousiasme ces modifications physiques et psychiques.
Mais pour la féministe, le corps des femmes est rabaissé à ses douleurs, ses menstruations et aux désagréments de la grossesse. Et la sexualité féminine, quand elle n’est pas éprouvée à l’aune du viol et de prostitution (qui seraient lot commun des femmes), est elle aussi dépréciée.

Relations sexuelles problématiques

Le Deuxième sexe, c’est la détestation d’elle-même, mais aussi un texte profondément ancré dans une époque : les prémisses de la libération sexuelle où l’on entend faire du sexe, jadis un peu trop diabolisé, un loisir beaucoup trop anodin, une pratique « comme les autres ». À la lumière de son union libre avec Jean-Paul Sarte précédemment évoquée et d’un lesbianisme pas toujours ouvertement vécu, on ne peut que comprendre la relation problématique au sexe hétérosexuel de cette dernière :

« L’acte sexuel est pour la femme une déchirure violente, et c’est pourquoi il peut paraître atroce. »
« L’homme n’engage dans le coït qu’un organe extérieur : la femme est atteinte jusque dans l’intérieur d’elle-même. […] elle se sent charnellement aliénée. […] l’homme qui entre (dans son corps) le lui prend, […]. L’humiliation qu’elle ressentait, elle l’éprouve concrètement : elle est dominée, soumise, vaincue. Comme presque toutes les femelles, elle est pendant le coït sous l’homme ».
Toujours la même emphase de mots, à les lire, on comprend que toutes les femmes se sentent éternellement et universellement humiliée durant l’accouplement. Mais comment Simone de Beauvoir pourrait-elle examiner la part d’échange, de don et de générosité durant l’union deux êtres qui s’aiment profondément, elle qui considère l’amour entre un homme et une femme comme « une occasion d’oppression«  ?
Et à vouloir trop victimiser la femme, la théoricienne – qui conçoit les relations entre les sexes comme une lutte, une relation dominant/dominé -, ne voit pas la part de pouvoir féminin existante durant la relation sexuelle. Si elle remarque avec justesse que la position de soumission de la femme peut-être volontairement feinte, jamais elle n’en arrive au pouvoir que cela confère à cette dernière, ni au plaisir que cela lui procure. Une constante du féminisme : si cela plaît à une femme, c’est forcément parce que cette dernière est aliénée.
La sexualité féminine serait en outre négative car surmontée d’une épée de Damoclès : la menace de l’enfant possible. Et c’est bien cela, cette dépendance de la femme à la maternité, que l’intellectuelle rejette de toutes ses forces.

« La maternité est un asservissement à l’espèce. »

Plus qu’un rejet, plus qu’une dévalorisation de la maternité, c’est une véritable haine que voue l’auteur du Deuxième sexe, au destin biologique de la femme et son éventuel désir d’enfant. La biologie, y est cette entité injuste et monstrueuse, et l’espèce, une puissance aveugle et inéquitable. Toutes deux enchaîneraient la femme, l’empêchant de réaliser la vocation humaine universelle, à savoir, la transcendance.
« Son malheur, c’est d’avoir été biologiquement vouée à répéter la Vie, alors qu’à ses yeux mêmes la Vie ne porte pas en soi ses raisons d’être, et que ces raisons sont plus importantes que la vie même. »
  » d’abord violée, la femelle est ensuite aliénée […] ; habitée par un autre qui se nourrit de sa substance, la femelle pendant le temps de la gestation est à la fois soi-même et autre que soi-même. […] La femelle s’abdique au profit de l’espèce qui réclame cette abdication. »
« Mais la grossesse est surtout un drame qui se joue chez la femme entre soi et soi ; elle la ressent à la fois comme un enrichissement et comme une mutilation ; le fœtus est une partie de son corps, et c’est un parasite qui l’exploite. »
En plus de la nature, la femme est, de par sa faculté à enfanter, également soumise à l’homme. Et pour sortir de cette domination, les femmes devraient purement et simplement refuser la maternité. Quant à celles qui, aliénées, persisteraient à vouloir se reproduire (les « mères pondeuses, comme elle les nomme elle-même) , c’est sur le marché du travail qu’elles trouveraient le moyen de se transcender : 
 « C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. Dès qu’elle a cessé d’être une parasite, le système fondé sur sa dépendance s’écroule. »
« Aucune femme ne devrait être autorisée à rester à la maison pour élever ses enfants. La société devrait être totalement différente. Les femmes ne devraient pas avoir ce choix, précisément parce que s’il y a un tel choix, trop de femmes le choisiront. »
Si Simone de Beauvoir émet de très pertinentes considérations (soulignant la nécessité pour les mères de ne pas « s’oublier » dans la vie quotidienne, que la collectivité doit valoriser et soutenir les mères etc.), la plupart restent ancrées dans une époque et dans un milieu : la bourgeoisie parisienne où les femmes ne travaillent pas et sont souvent ennuyées, seules… et bien rangées. Une bourgeoisie parisienne dont ses membres ont décidément bien du mal à comprendre qu’ils ne représentent pas le monde entier.

Audrey D’Aguanno

N. B. : le présent article ne prétend pas à l’exhaustivité et vise à souligner quelques points de la pensée de Simone de Beauvoir un peu trop vite oubliés par ses héritières. Dans un troisième volet, nous verrons comment, malgré les apparences, elle peut difficilement  être récupérée par les théoriciens du genre.

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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3 réponses à “Simone de Beauvoir ou de la détestation de la féminité (2)”

  1. patphil dit :

    détestation des français en général, 1940, offre de service aux autorités d’occupation (info avec preuve révélée par michel onfray) et puis jusqu’en 68, détestation des français, elle allait bien avec sartre

  2. Marie Antoinette Belmondo dit :

    Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre, les 2 complices sexuels, enseignaient la « Philosophie du Cul » aux jeunes filles et jeunes garçons, des jeunettes et jeunots de 17 ans qu’ils dépucelaient dans leur lupanar et qui étaient sous leur dépendance « philosophique ».
    Mais ces gens-là, il est strictement interdit de les déboulonner!
    Des gauchistes de première évidemment pour promouvoir la Liberté du Cul !

  3. Marie Carbonnel Mazzia dit :

    À 17 ans on est « jeunettes et jeunots » avec une sexualité consciente et l’on sait ce que l’on veut, on ne se fait pas « dépuceler », on choisit avec qui avoir sa première fois. Et à cet âge là nos grands mères étaient mariées. Enfin tout au moins dans les années 70 c’était comme ça. Peut-être est ce différent actuellement?

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