Libertés des régions en France. L’étude Ifop 2025 révèle une aspiration massive à l’autonomie et à la décentralisation

Alors que la Corse est au centre des débats avec un projet de loi constitutionnelle consacré à son autonomie, une vaste enquête Ifop, menée pour Régions et Peuples Solidaires et rendue publique à l’occasion de leur université d’été en août 2025, dresse un portrait saisissant de la France contemporaine. Derrière le modèle jacobin, présenté comme intangible depuis deux siècles, se dessine une autre réalité : une majorité de Français réclament plus de décentralisation, davantage de reconnaissance culturelle et une adaptation des institutions aux identités territoriales.

Lire le sondage en intégralité

Ce sondage, conduit auprès d’un échantillon national de 2 000 personnes et de sept échantillons régionaux (Corse, Alsace-Moselle, Bretagne historique, Pays Basque, Catalogne nord, Pays de Savoie et espace occitan), révèle des tendances lourdes : montée en puissance du sentiment régional, rejet du centralisme parisien et appui massif aux revendications linguistiques et culturelles.

L’hexagone en quête de décentralisation

Selon l’Ifop, 68 % des Français estiment que les collectivités locales n’ont pas assez de pouvoir, soit une progression de 18 points par rapport à 2012. L’attente est claire : transférer des compétences, renforcer le rôle des régions et desserrer l’emprise de Paris sur la vie quotidienne.

Dans le détail, 71 % des citoyens se disent favorables à un renforcement considérable du pouvoir régional. La demande est encore plus forte dans les régions à identité marquée : 86 % en Alsace, 78 % en Bretagne historique, 76 % en Corse.

L’idée d’une France fédérale, longtemps taboue, recueille désormais un soutien massif, confirmant une évolution culturelle et politique majeure.

La Corse incarne le laboratoire de ce régionalisme. L’étude montre que 76 % des Corses soutiennent l’autonomie de plein droit, dont plus de la moitié « tout à fait favorables ». Les jeunes insulaires plébiscitent cette perspective (87 % des moins de 25 ans), tout comme les habitants des zones rurales (81 %).

Même les électeurs du Rassemblement national, dont les dirigeants s’opposent officiellement à l’autonomie, y sont largement favorables : 74 % des électeurs corses de Marine Le Pen soutiennent le projet.

À l’échelle nationale, l’idée d’une autonomie corse est acceptée par 51 % des Français, avec un soutien fort chez les jeunes (70 % des moins de 25 ans). Ce chiffre, stable depuis 2022, confirme que la société française est prête à envisager une évolution institutionnelle profonde.

L’Alsace, la Bretagne, la Savoie et le Pays Basque : d’autres foyers revendicatifs

Au-delà de la Corse, d’autres régions expriment avec force leurs aspirations.

  • Alsace : 80 % des Alsaciens veulent sortir du Grand Est et recréer une région Alsace à part entière (contre 68 % en 2019).
  • Bretagne : 48 % des Bretons sont favorables au rattachement de la Loire-Atlantique, un chiffre en hausse depuis 2012 (+7 points).
  • Savoie : 51 % des Savoyards soutiennent la création d’une région regroupant Savoie et Haute-Savoie, contre 41 % en 2000.
  • Pays Basque : 62 % des Basques veulent une collectivité à statut particulier, un niveau quasi identique à celui observé en 2000 (66 %).

Ces résultats montrent que les revendications régionalistes ne sont pas marginales, mais s’inscrivent dans le temps long, avec une progression régulière des soutiens.

Langues régionales et mémoire : un consensus national

La question linguistique, longtemps considérée comme conflictuelle, bénéficie aujourd’hui d’un consensus massif.

  • 77 % des Français soutiennent la reconnaissance officielle des langues régionales, un chiffre stable depuis 25 ans.
  • 64 % sont favorables à la co-officialité, avec des pics à 85 % en Corse et 71 % au Pays Basque.
  • 84 % soutiennent l’enseignement de l’histoire régionale en complément de l’histoire nationale, et 81 % veulent que chaque élève puisse apprendre une langue régionale.

En Corse, le projet « Scola 2030 » visant à développer l’enseignement immersif en langue corse s’appuie sur un soutien populaire massif : 76 % des Corses veulent que l’enseignement du corse soit obligatoire, un chiffre bien supérieur à la moyenne nationale (55 %).

Un rejet quasi unanime du centralisme

Si le soutien aux langues et à la culture illustre une volonté de reconnaissance identitaire, le rejet du centralisme parisien est tout aussi frappant.

  • 90 % des Français estiment que l’État central est trop déconnecté des réalités locales.
  • 82 % reprochent aux médias de se concentrer trop sur Paris et pas assez sur le reste du territoire.
  • Seuls 35 % jugent que leurs besoins régionaux sont pris en compte par le gouvernement, et 30 % par les institutions européennes.

Cette défiance généralisée transcende les clivages politiques et générationnels. Elle traduit une fracture durable entre le centre et la périphérie.

Le dernier enseignement de l’enquête concerne le sentiment d’appartenance.

  • 27 % des Français se sentent principalement attachés à leur région, contre 23 % en 2011.
  • Ce chiffre grimpe à 57 % en Corse, 47 % en Bretagne, 42 % en Alsace et 41 % au Pays Basque.
  • Plus encore, 20 % des Français se disent plus attachés à leur région qu’à la France, avec des pics spectaculaires en Corse (55 %) et en Bretagne (36 %).

Cette identité territoriale forte s’accompagne de la maîtrise des langues régionales, encore vivaces en Corse (48 %) et en Alsace (44 %), mais plus fragiles ailleurs (9 % en Bretagne, 15 % au Pays Basque).

Comme le souligne François Kraus (Ifop), « le régionalisme n’est plus une revendication marginale ou folklorique ». Il traduit une transformation profonde : la demande de reconnaissance territoriale devient transpartisane, intergénérationnelle et durable.

Le pouvoir central républicain français de son côté, devrait continuer à faire la sourde oreille, le jacobinisme ainsi que le mépris régional (vulgairement appelées « provinces » par les parisiens, ce qui signifie pays vaincu) étant dans l’ADN constitutif de la République française. Mais les Bonnets rouges ne sont jamais bien loin…

Crédit photo : DR
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