Nouvelle-Calédonie, miroir d’une hypocrisie

Je lis cet article à la terrasse du café des Brisants, à Léchiagat, face au grand large. Le vent s’y engouffre, et pourtant c’est un autre souffle, celui d’un esprit malade, qui transparaît dans les colonnes de Libération. Monique Chemillier-Gendreau, figure consacrée de la gauche universitaire, y plaide avec une ferveur presque religieuse pour que l’État français « se dépasse » et accorde aux Kanaks la pleine souveraineté sur leur terre. On croirait entendre une homélie, tant l’élan paraît désintéressé et lyrique. Pourtant, derrière les grands mots, pointe l’hypocrisie.

Sans doute mon regard sur la Nouvelle-Calédonie s’enracine aussi dans une histoire familiale. Mon grand-père, bien avant la Première Guerre mondiale, avait obtenu un diplôme de gabier honoraire pour avoir grimpé jusqu’en haut du grand mât du voilier qui le conduisait à Nouméa. Être vieux et fils de vieux permet d’étonnants raccourcis chronologiques, et je me prends à songer que de cette anecdote est né mon intérêt pour cette île lointaine. Ainsi les souvenirs familiaux se mêlent aux débats contemporains, rappelant que les gens de bord de mer, les voyages et la mémoire donnent chair aux querelles politiques. Autrefois, on disait à Versailles que les habitants de Landerneau étaient plus au fait des usages des empereurs de Chine que de ceux des rois de France.

Car ce qui vaut pour les Kanaks ne vaudrait jamais pour les Bretons, les Français ou tous les Européens. Le droit d’un peuple à demeurer maître de son destin, à préserver son identité, à rester souverain sur sa terre, ne saurait, selon Madame, s’appliquer à ceux qui habitent l’Europe. Ici, revendiquer ce principe, c’est être catalogué, condamné, rejeté. Voilà donc que la gauche morale, qui en appelle pour la Nouvelle-Calédonie au respect des peuples, refuse obstinément ce droit aux peuples indigènes d’ici.

Il faut rappeler que Monique Chemillier-Gendreau n’en est pas à son premier engagement. Dans les années où s’imposait la cause des « sans-papiers », elle a multiplié les plaidoyers, donné à la mécanique migratoire ses arguments juridiques et ses oripeaux vertueux. Elle a joué les petits architectes de ce que tout un chacun nomme désormais le Grand Remplacement, notion qui, naguère honnie, est devenue aujourd’hui un mot familier, une évidence dont même les journalistes parlent sans réelle hésitation.

La contradiction saute aux yeux. Quelle différence y a-t-il entre le Kanak qui revendique son enracinement et le Français qui souhaite préserver le sien? La couleur de peau, rien de plus. Ainsi, le bel universalisme affiché par Madame se dissout en un différentialisme brut, qui consacre certains peuples parce qu’ils sont « bruns », et nie aux Français le droit d’être eux-mêmes. C’est une haine de soi travestie en générosité, une sorte de racisme inversé.

Spengler écrivait que les civilisations à bout de souffle perdent confiance en elles et se complaisent dans une fascination morbide pour l’Autre. L’article de Libération en fournit l’illustration parfaite. Les incantations de la tribune sont, comme la haine de soi qui les alimente, des artifices qui masquent mal les menaces pour notre pays. Il s’agit moins de décoloniser la Nouvelle-Calédonie que de délégitimer la France elle-même, en exaltant partout l’Autre et en refusant au même peuple français la dignité d’exister.

Balbino Katz, chroniqueur des vents et des marées

Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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