Langue oubliée, culture retrouvée ? En Irlande du Nord, et plus particulièrement à Belfast, une résurgence inattendue de la langue irlandaise (le gaélique) vient troubler les certitudes identitaires dans une région longtemps marquée par les tensions entre Unionistes britanniques et Républicains irlandais.
Alors que les fresques murales des quartiers loyalistes rappellent encore les heures sombres du conflit nord-irlandais, une autre forme d’expression s’invite aujourd’hui dans les rues : celle de la langue ancestrale des Celtes d’Irlande. Et ce, parfois dans les bastions mêmes de l’unionisme.
Une langue longtemps interdite, aujourd’hui encouragée
Effacée pendant des siècles par la domination anglaise, bannie des institutions et reléguée dans la sphère privée, la langue irlandaise refait aujourd’hui surface. Depuis quelques années, des écoles immersives en gaélique se multiplient, y compris dans des zones historiquement protestantes. Des panneaux bilingues fleurissent à Belfast, dans les transports ou sur les bâtiments publics. En 2022, l’irlandais a même obtenu un statut de langue minoritaire protégée dans le cadre d’un nouveau dispositif législatif.
Le phénomène dépasse la seule sphère militante : dans plusieurs quartiers protestants, des parents – y compris issus de familles loyalistes – inscrivent désormais leurs enfants dans des écoles où l’enseignement est intégralement dispensé en gaélique. Pour certains, il s’agit d’un retour aux racines celtiques de l’île. Pour d’autres, d’un outil d’émancipation culturelle vis-à-vis du système britannique.
Une fracture idéologique persistante
Mais cette dynamique suscite aussi des crispations. Du côté des Unionistes, certains dénoncent une instrumentalisation politique du gaélique : selon eux, l’objectif sous-jacent serait de « verdir » l’Ulster pour faciliter à terme un rapprochement avec la République d’Irlande.
Le financement public des panneaux bilingues et des écoles en gaélique est également contesté. Certains habitants perçoivent cette politique linguistique comme une provocation, une manière de forcer une identité irlandaise dans des zones restées fidèlement britanniques depuis un siècle.
Dans plusieurs quartiers, les panneaux en gaélique sont régulièrement vandalisés, et des opposants organisent des campagnes contre « l’imposition culturelle ». Pour eux, la promotion du gaélique serait une manœuvre politique déguisée, un cheval de Troie culturel.
Une langue comme pont possible entre deux mondes ?
Cependant, une autre voix se fait entendre : celle de citoyens issus du monde protestant, qui découvrent ou redécouvrent le gaélique comme une part enfouie de leur histoire familiale. À Belfast-Est, un institut linguistique attire chaque semaine des centaines d’apprenants de toutes origines. Certains y voient un moyen de réconciliation, une façon de tisser du lien entre communautés rivales sur la base d’un patrimoine commun.
Des figures issues du monde unioniste n’hésitent plus à prendre la parole pour défendre cette démarche culturelle. Une minorité, certes, mais de plus en plus visible. Elles affirment qu’on peut se dire Britannique tout en honorant la langue de l’île sur laquelle on est né.
Ce retour du gaélique dans l’espace public nord-irlandais est révélateur d’une évolution plus large : la jeunesse, qu’elle soit catholique ou protestante, semble vouloir s’approprier librement son identité, sans rester enfermée dans les cases héritées des conflits du passé.
Mais cette réappropriation linguistique, si elle permet à certains de renouer avec leurs racines, pourrait aussi raviver les tensions si elle devient un outil politique au service d’un projet idéologique.
À l’heure où les identités nationales sont de plus en plus remises en question en Europe, le cas de l’Irlande du Nord illustre à quel point une langue peut être à la fois un ferment de paix… ou un instrument de fracture.
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